De l’Algérie à la Mauritanie : le parcours difficile d’un gestionnaire de santé à l’hôpital de Kiffa
Gestionnaire de santé: thématique
De l’Algérie à la Mauritanie : le parcours difficile d’un gestionnaire de santé à l’hôpital de Kiffa
Dans les années qui ont suivi la célèbre conférence d’Alma Ata, qui a posé les bases de la santé primaire comme droit fondamental, et alors que l’initiative de Bamako promettait un renouveau dans la gestion sanitaire en Afrique, un jeune gestionnaire de santé, je me voyais affecté à l’hôpital de Kiffa, en Mauritanie. Fonctionnaire, fraîchement sorti du CHU de Beni Messous à Alger Ouest, je me trouvais plongé dans une réalité que je n’aurais jamais pu anticiper.
L’hôpital de Kiffa, bien moins doté en ressources, était confronté à des enjeux quotidiens accablants. La canicule, avec ses températures suffocantes, compliquait davantage la tâche du personnel déjà en sous-effectif. « La chaleur est écrasante ici », confiais-je lors d’un entretien avec AMI. « Vous essayez de gérer des patients dans ces conditions, tout en sachant que chaque geste coûte cher en énergie et en ressources. »
Je me suis heurté rapidement à la dureté du terrain. Avec un salaire qui aurait été jugé dérisoire par mes collègues algériens, je devais jongler entre les exigences professionnelles et la nécessité de mieux vivre avec mes modestes gains. « À Kiffa, chaque centime compte », me remémorais-je, conscient que mon pouvoir d’achat était largement inférieur à ce que j’avais connu en Algérie.
Le manque de personnel qualifié était un obstacle majeur. En effet, là où le CHU de Beni Messous avait une équipe polyvalente et expérimentée, Kiffa souffrait d’une pénurie significative de médecins et d’infirmiers compétents. Le gestionnaire a souvent dû se battre pour motiver une équipe parfois démoralisée par la situation. Il ne pouvait pas s’empêcher de penser à ses collègues algériens, dont le soutien et la structure étaient inégalés.
Enfin, il y avait la question cruciale des fournitures médicales. La rupture périodique des médicaments était une réalité qui pesait sur ses épaules. Chaque absence de traitement vital signifiait des vies en danger, et sa capacité à gérer l’approvisionnement devenait une lutte constante. « C’est frustrant de savoir qu’il existe des solutions à portée de main, mais que les moyens manquent pour les mettre en œuvre », expliquais-je à mon directeur qui consacrait plus de temps à sa clinique privée.
Face à ces défis, j’ai su faire preuve d’une résilience et d’un engagement sans faille. Mon stage au CHU de Beni Messous m’a offert une perspective précieuse, mais l’adaptation à la réalité de Kiffa était un cheminement douloureux. Au fil du temps, j’ai appris à travailler avec les ressources dont je disposais, à innover et à impliquer la communauté locale dans le processus de soins.
Aujourd’hui, je témoigne des difficultés mais aussi des victoires remportées dans un environnement précaire. Mon parcours illustre non seulement les défis de la santé en milieu rural, mais également la capacité humaine à s’adapter, à surmonter et à espérer, même face aux adversités les plus grandes. Dans un contexte mondial où la santé continue d’être un enjeu crucial, mon histoire résonne comme un appel à la solidarité et à l’engagement en faveur des systèmes de santé les plus vulnérables.
Ahmed OULD BETTAR
Mémoires d’un gestionnaire
(À suivre…)
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