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Égalité Durable : L’Appel de Biram Ould Dah Ould Abeid au Sommet Humanitaire d’Aurora

Allocution du récipiendaire du Prix des Nations Unis pour les Droits de l’Homme (2013) Biram Ould Dah Ould Abeid dans le Sommet Humanitaire de Aurora (6-8 mai 2025) à Los Angeles

Aurora – Communication IRA- Mauritanie
Sommet Aurora, Los Angeles, USA, 5-8 mai 2025

Allocution du récipiendaire du Prix des Nations Unis pour les Droits de l’Homme (2013) Biram Ould Dah Ould Abeid dans le Sommet Humanitaire de Aurora (6-8 mai 2025) à Los Angeles

Mesdames et Messieurs les dirigeants et membres du Conseil d’administration de Aurora, très estimés invités, distingués Nobel, Pulitzer et récipiendaires des Nations-Unies, honorable assemblée !

L’honneur et l’émotion m’étreignent, de me retrouver au milieu des promoteurs du prix Aurora pour l’Éveil Humanitaire, à des milliers de kilomètres de nos peuples d’Afrique en souffrance. Si lointains par la géographie et la culture, vous comprenez, cependant, nos angoisses, le sens de mon combat et l’attachement qui nous, lie, ensemble, aux idéaux universalistes de justice, et de non-violence. Peu importe l’époque, la paix véritable, celle qui émerge du chaos et survit à la colère, ne repose que sur le fondement du dialogue et de la promesse de réparation, outils privilégiés de résistance à la récidive des conflits. Ainsi, nous l’enseigne, depuis les temps immémoriaux, la marche tragique de l’humanité vers le progrès, la solidarité et le respect de la valeur ontologique de la personne. Au-dessus des peuples, des nations et des religions, l’accomplissement de l’individu et sa sûreté physique demeurent, à la fois, la matière et la finalité de notre engagement.

Dès qu’une idée supérieure ou l’utopie d’un meilleur lendemain conduit l’Homme à sacrifier la liberté et la vie au profit d’un idéal absolu, il s’ensuit une boucherie, la ruine multidimensionnelle, le ressentiment en héritage et, souvent, l’impuissance insurmontable à reconstruire, apaiser et réconcilier. Le droit de vivre est sacré et le reste beaucoup moins. L’histoire nous rappelle, combien, par frustration, la victime de l’impunité et du déni peut, à son tour, revêtir les attributs sanglants du bourreau. Tel se présente notre credo, à l’épreuve de la lutte. Aujourd’hui, je viens plaider, devant vous représentants de la lucidité documentée et de la veille morale, la cause de mon peuple au nom de qui je me bats, subis l’opprobre et, néanmoins, puise l’inépuisable faculté de la conviction en actes.

Contre l’esclavage traditionnel au Sahel, sa reproduction moderne et les multiples avatars de l’infériorité du Noir opprimé sous le joug de la domination arabo-berbère, nous nous sommes dressés, mes camarades et moi, résolus à nous émanciper de la peur, sans jamais détruire, blesser ni tuer. Peu enclins à nous restreindre aux motifs originels de notre révolte, nous avons pris en charge l’éradication du système de castes à l’intérieur de la communauté maure et défendu l’aspiration à la dignité d’autres noirs, descendants d’esclaves de noirs, notamment chez les Soninko de Mauritanie et de toute l’Afrique de l’Ouest. Ici-et-là, par-delà le legs cruel des siècles, persiste une identique vulnérabilité du grand nombre, à la corruption et au népotisme, le mal insidieux où s’abreuvent les fauteurs de guerre.

Ayant réussi le recadrage vertueux du discours et du projet, nous voici, désormais, en passe d’inaugurer le devenir d’une Mauritanie de l’égalité, qui étonnera le monde. Nos armes sont les mots, la parole, la puissance de l’argument, en somme la persuasion patiente. Au cours de nos deux décennies d’effort endurant, nul, en Mauritanie, ne se risqua à nous imputer un homicide, encore moins une tentative d’atteinte à l’intégrité corporelle de nos adversaires. Malgré les arrestations, l’emprisonnement, la torture, l’exclusion matérielle et le quotidien de l’humiliation, la certitude de nous émanciper de notre condition séculaire de paria nous confère la force d’avancer, toujours, sur le chemin de l’équité.

Nous réclamons le travail salarié et décent, l’équivalence des chances, la levée des restrictions à l’état-civil et l’opportunité de l’enrôlement sur le fichier des électeurs, afin de favoriser le changement pacifique, selon le verdict d’urnes. Nous voulons sortir du cycle de l’analphabétisme afin de briser la suprématie raciale qui reproduit l’ignorance et exacerbe le contrôle des consciences grâce à l’instrumentalisation de la foi et de la superstition. Enfin, nous prétendons à l’exercice démocratique du pouvoir d’Etat en vue d’engager la réforme globale de la citoyenneté.
Demain, chaque Mauritanien se sentira, enfin, détenteur et gardien d’une part du destin
national et, alors, la peur face aux uniformes cessera d’opérer.

Mesdames et messieurs, prévenir ou endiguer le flot tempétueux du génocide, au cœur de la vocation du prix Aurora pour l’Eveil Humanitaire, procèdent d’une injonction qui nous
parle. Entre 1986 et 1991, la Mauritanie a failli sombrer dans une épuration ethnique, aux
dépens des communautés non arabophones du sud du pays. Jusqu’à ce jour, aucun
tortionnaire ou commanditaire des centaines de tueries, des dizaines de milliers de
déportations et d’innombrables spoliations de bétail et de terre n’a été jugé.

Une loi en vigueur depuis 1993, les met à l’abri de la reddition des comptes et même d’une
Commission vérité et réconciliation. A l’ombre de leurs tribus, ils bénéficient d’une
immunité de naissance où s’arrête le pouvoir de la loi. Depuis, hélas, le négrocide se
banalise chez nous, sous forme de bavures, dans les commissariats de police ou lors de
la répression, à balles réelles, de marches de protestation civique. Permettez-moi, je vous
prie, de rendre, ici, un hommage posthume, aux 7 adolescents, étouffés, parmi des
dizaines d’autres, dans une pièce de détention exiguë, au lendemain de la proclamation
des résultats de l’élection présidentielle de juin 2024. Ils scandaient des slogans et
exigeaient l’aveu officiel de ma victoire. Leur sacrifice ne sera pas vain, il nous inspire et guide.

Le relèvement de l’Homme noir en Mauritanie n’est plus de l’ordre de la spéculation ou du
doute. Il arrive et nous veillons à en maîtriser le cours, à l’abri de la surenchère, du zèle
militant et de l’euphorie à l’annonce d’un triomphe programmé. Parce que nous apprenons
de la Shoah, de l’Holocauste arménien, des Khmers rouges, du stalinisme, de la révolution
culturelle en Chine, du massacre des Tutsis au Rwanda, de l’extermination des Darfouris,
du sort des Rohinga, des Ouigours et de l’actuel effacement à l’œuvre sur la terre de
Palestine, nous nous interdisons l’excès d’assurance qui mène à la déshumanisation.

En toute circonstance, nous nous souvenons de Primo Lévi, de Hannah Arendt, de Léo
Strauss, de Robert Antelme, de Vassili Grossman, d’Alexandre Soljenitsyne et, bien
entendu, du regretté Vartan Gregorian, l’architecte de nos retrouvailles à Los Angeles.
Mesdames et Messieurs, je vous prie, en conclusion, de considérer, avec gravité, la
perspective d’un nouveau génocide au Sahel, dont la menace avance vers le Golfe de
Guinée. Au motif légitime de juguler le terrorisme, certains régimes d’exception, forts du
soutien de mercenaires russes et de milices locales d’autodéfense, se livrent à
l’élimination systématique des populations Peuhles, accusées d’héberger et de renseigner
les insurgés islamistes.

Les images récentes témoignent de l’ampleur de la soustraction.
En sens inverse, les Katibas de l’Etats islamique au grand Sahara (Eigs), de Boko Haram
et de l’Islamic state’s west Africa province (Iswap) poursuivent, depuis environ 5 ans, la
purge, à huis-clos, des chrétiens, des animistes et des chiites. Les deux situations
appellent notre vigilance commune. Les occasions sont rares où l’humanité se trouve en
mesure, non seulement, d’anticiper le pire mais aussi de le filmer par satellite et d’en
prouver le moindre détail.
Aujourd’hui, nous ne saurions nous prévaloir de ne pas avoir su, à temps. S’il vous plaît,
agissons avant qu’il ne soit trop tard !
Je vous remercie.

Source : IRA – Mauritanie Mauritanie

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