Mes oncles sont formidables. Vraiment.
Mes oncles sont formidables. Vraiment. À l’étranger, ce sont des perles rares.
On dirait des ambassadeurs de l’humanité.
Leur gentillesse est légendaire, leur hospitalité digne des Mille et Une Nuits, leur sourire franc et généreux.
Ils te parlent de tolérance, de vivre-ensemble, d’amour du prochain. Ils dénoncent le racisme aux États-Unis, compatissent pour les Rohingyas, s’émeuvent pour la Palestine.
À Paris, Bruxelles ou Doha, ce sont des citoyens du monde. Des humanistes. Des pacifistes. Des militants de la fraternité universelle.
Mais… dès qu’ils posent le pied à Nouakchott, un miracle se produit. Ou plutôt une métamorphose.
La barbe du cosmopolite tombe, et sous elle réapparaît l’âme du tribaliste convaincu.
Le gentilhomme universel devient soudain… le gardien du temple beïdane.
Tout à coup, il ne connaît plus que sa tribu, sa wilaya, son dialecte.
Le “maure du monde” devient un “maure du Nord”. Et gare à qui oserait lui parler d’égalité.
On pourrait presque faire un documentaire : “Les deux visages de mes oncles”.
À l’étranger : “Unissons-nous tous contre le racisme.”
Au pays : “Mais pourquoi ce Noir a-t-il été nommé préfet ?!”
Ils respirent alors un air particulier : un air saturé de clanisme, de régionalisme, de trinalisme aigu.
Ils ne parlent plus que de préserver “l’identité”, “la culture”, “les équilibres”.
Traduction : s’assurer que rien ne bouge. Que le pouvoir reste entre les mêmes mains. Que la Mauritanie continue à leur ressembler.
Et le plus impressionnant, c’est qu’ils ne voient même pas la contradiction.
Pour eux, l’humanisme est une option à géométrie variable : internationale à l’extérieur, exclusive à l’intérieur.
Le racisme, c’est mal… sauf quand il s’exerce au nom de “l’unité nationale”.
La justice, c’est important… sauf quand elle pourrait remettre en cause certains privilèges.
Bref, mes oncles sont des caméléons éthiques.
À l’international, ils brillent.
À domicile, ils verrouillent.
Wetov
Sy Mamadou