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La lutte contre l’excision en Mauritanie : une urgence humanitaire

La lutte contre l’excision en Mauritanie : une urgence humanitaire

Le Ministère de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Famille a organisé, jeudi dernier à Nouakchott, une cérémonie marquante à l’occasion de la Journée Internationale de la Tolérance Zéro face à l’excision. Cette journée, placée sous le thème « Accélérer le rythme : renforcer les alliances et mettre en place des mouvements pour éradiquer la pratique de l’excision », a mis en lumière l’urgence de la lutte contre cette pratique néfaste qui touche encore des milliers de femmes et de filles en Mauritanie.

Des avancées réelles, mais encore beaucoup à faireDes avancées réelles, mais encore beaucoup à faire

Lors de cet événement, une présentation détaillée sur l’état de l’excision en Mauritanie a été faite, mettant en évidence des progrès notables mais soulignant l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir. Mme El Alya mint Sidi Yaaraf, chargée de mission au ministère, a affirmé que la préservation des droits fondamentaux des filles et la garantie de la dignité humaine font partie des priorités majeures du gouvernement, conformément aux engagements du Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.

Elle a également rappelé que la pratique de l’excision reste encore largement répandue malgré les efforts des autorités et des partenaires pour l’éradiquer. Selon les chiffres de l’enquête nationale de 2019-2020, la pratique a diminué de 64% dans la tranche d’âge des 15-49 ans, et de 44% chez les jeunes filles de moins de 14 ans. Toutefois, la prévalence de l’excision reste préoccupante dans certaines zones rurales et reculées du pays, où des coutumes tenaces continuent d’entraver le respect des droits des femmes.

Des victimes de l’excision : des vies brisées

Des victimes de l’excision : des vies briséesLes témoignages des victimes de cette pratique soulignent des souffrances physiques et psychologiques dramatiques. L’une d’elles, Fatimata, une jeune fille de 16 ans originaire de l’intérieur du pays, raconte comment elle a été excisée à l’âge de 10 ans, à l’insu de ses parents, dans un cadre clandestin. « Je n’avais aucune idée de ce qui allait m’arriver, et maintenant, je souffre de douleurs chroniques. C’est un fardeau que je porte tous les jours. » Fatimata vit avec des complications de santé à long terme, y compris des infections urinaires récurrentes et des difficultés lors de ses menstruations, une situation vécue par de nombreuses filles excisées.

Les effets néfastes de l’excision ne sont pas seulement physiques, mais aussi émotionnels. Aissatou, 22 ans, explique comment cette expérience a marqué son développement psychologique. « Après l’excision, je me suis sentie honteuse, effrayée et seule. Cela a détruit ma confiance en moi. » Les séquelles psychologiques sont fréquentes : anxiété, dépression, troubles du stress post-traumatique (TSPT) et problèmes relationnels sont des conséquences courantes.

Un fléau mondial : des chiffres alarmants

La pratique de l’excision reste un phénomène mondial. À l’échelle mondiale, plus de 230 millions de filles et de femmes sont touchées, selon les Nations Unies. En Mauritanie, les statistiques sont tout aussi préoccupantes. L’Enquête démographique et de santé de 2019-2020 révèle que 72 156 filles, âgées de 0 à 14 ans, sont potentiellement victimes des Mutilations Génitales Féminines (MGF) dans les zones d’intervention du programme conjoint UNFPA-UNICEF. Ces chiffres soulignent l’ampleur du défi à relever.

Des efforts pour briser le cycle

L’adjoint du représentant du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), M. Smith Haidara, a souligné l’importance d’un engagement collectif pour éradiquer cette pratique. « L’excision viole les droits fondamentaux des filles et des femmes. Elle ne doit plus avoir de place dans notre société », a-t-il déclaré. Le FNUAP soutient activement la Mauritanie dans sa lutte contre cette pratique à travers des programmes de sensibilisation, de formation et de soutien aux victimes.

Une des solutions proposées lors de la cérémonie a été de renforcer la collaboration entre le gouvernement, les organisations non gouvernementales et les communautés locales afin de sensibiliser davantage les populations rurales sur les dangers de l’excision et sur les alternatives culturelles respectueuses des droits humains.

Une voie vers la guérison

La lutte contre l’excision en Mauritanie pourrait bénéficier de la mise en place de centres de réhabilitation pour les victimes. Dans ces centres, les filles et les femmes excisées pourraient recevoir des soins médicaux, une prise en charge psychologique, et des opportunités de réinsertion sociale. Par exemple, Amina, une femme de 30 ans ayant survécu à l’excision, pourrait intégrer un programme de soutien post-traumatique où elle pourrait non seulement être soignée physiquement mais aussi aider à sensibiliser d’autres communautés.

Un engagement vital pour l’avenir

En dépit des progrès réalisés, la lutte contre l’excision reste un combat difficile et urgent. Le ministère et ses partenaires internationaux, comme l’UNICEF et le FNUAP, poursuivent leurs efforts pour renforcer les alliances et mettre en œuvre des actions concrètes. La journée de la tolérance zéro contre l’excision a servi de rappel de l’importance de cette lutte, avec un objectif commun : offrir un avenir sans excision aux générations futures de filles en Mauritanie et dans le monde.

Ahmed Ould Bettar

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