MAURITANIE : Une rencontre sous haute tension entre Mohamed Ould Ghazouani et Birame Dah Abeid
MAURITANIE : Une rencontre sous haute tension entre Mohamed Ould Ghazouani et Birame Dah Abeid
La Mauritanie est actuellement le théâtre d’une intense activité politique, marquée par une série de consultations menées par le président Mohamed Ould Ghazouani avec plusieurs figures de l’opposition et de la société civile. L’une des rencontres les plus attendues était celle entre le chef de l’État et Birame Dah Abeid, leader emblématique du mouvement abolitionniste et figure incontournable de l’opposition mauritanienne.
Un face-à-face inédit depuis les contestations post-électorales
C’est la première fois que Mohamed Ould Ghazouani et Birame Dah Abeid se retrouvent en face-à-face depuis les manifestations qui ont suivi les élections nationales de l’année dernière. Ces contestations, initiées par plusieurs figures de l’opposition, avaient mis en lumière des divergences profondes quant à la transparence du processus électoral et à la gestion du pouvoir en Mauritanie.
La rencontre s’inscrit dans le cadre des efforts du président Ghazouani pour établir un dialogue national inclusif, visant à apaiser le climat politique et à poser les bases d’un débat plus large sur la paix et la cohésion sociale dans le pays. Outre Birame Dah Abeid, plusieurs autres acteurs politiques ont été conviés à ces discussions, marquant ainsi une volonté affichée du pouvoir de rassembler les différentes forces du pays autour d’un dialogue constructif.
Des attentes déçues : le scepticisme de Birame Dah Abeid
Si la rencontre était perçue comme une opportunité d’ouverture et de dialogue, elle n’a cependant pas dissipé les doutes de l’opposant historique. À l’issue de l’entretien, Birame Dah Abeid s’est exprimé avec un certain pessimisme, affirmant qu’il ne croyait pas que ce dialogue entre les politiciens puisse aboutir à des résultats concrets. Selon lui, les propositions avancées par le pouvoir n’ont rien d’innovant et ne constituent pas une véritable réponse aux préoccupations des citoyens mauritaniens.
Le leader abolitionniste a également souligné que cette initiative ne représentait pas une surprise et qu’elle s’inscrivait dans une logique politique déjà éprouvée par le passé, sans réelles avancées sur les questions de fond. Son départ de la réunion avec un sentiment de résignation en dit long sur les tensions qui persistent entre le pouvoir et une frange importante de l’opposition.
Une répression brutale contre les militants abolitionnistes
Dans ce climat politique déjà tendu, la répression des manifestations abolitionnistes vient renforcer le sentiment de défiance vis-à-vis du pouvoir. De nombreux militants ont récemment organisé des rassemblements pour exiger la libération d’Ahmed Ould Samba, figure emblématique du combat contre l’esclavage en Mauritanie. Ces manifestations ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre sous la direction de l’officier Thiam.
Selon plusieurs témoignages, la police s’est livrée à un véritable lynchage des manifestants, hommes et femmes confondus. Vatimetou Mint Mohamed, épouse d’Ahmed Ould Samba, a livré un récit poignant des violences subies. Elle décrit des scènes d’une brutalité inouïe, où les forces de l’ordre ont usé de matraques et de gaz lacrymogènes contre des manifestants pacifiques. Certains d’entre eux portent encore aujourd’hui les stigmates de ces sévices. Elle-même souffre toujours des coups de matraque infligés par la police mauritanienne, témoignant ainsi du climat de répression qui règne dans le pays.
Un dialogue à l’issue incertaine
Cette rencontre, bien que symboliquement forte, laisse ainsi planer des incertitudes sur l’issue du dialogue national voulu par le président Ghazouani. D’un côté, le pouvoir affiche une volonté de rassemblement et de concertation, mais de l’autre, l’opposition semble toujours méfiante quant aux véritables intentions du régime.
Selon Ahmed Ould Bettar, directeur du site Rapide Info Mauritanie, cette situation illustre parfaitement les défis du climat politique mauritanien : « Nous sommes face à une tentative de pacification qui, si elle n’est pas accompagnée d’actes concrets, risque d’être perçue comme une simple manœuvre politique. La population attend des résultats tangibles, et le scepticisme de l’opposition est le reflet d’un malaise plus profond. »
Le dialogue en Mauritanie demeure donc sous haute tension, et son succès dépendra de la capacité du gouvernement à convaincre ses opposants de la sincérité de son engagement en faveur du changement. En attendant, la méfiance reste de mise, et l’avenir de cette initiative politique demeure incertain.
La Rédaction
