Offensive diplomatique de l’Ukraine en Afrique : entre stratégie d’influence et guerre de récits
Kyiv élargit son offensive pour contrer l’influence russe en Afrique en misant sur un discours anticolonial. La Mauritanie, entre prudence diplomatique et enjeux régionaux.
Alors que le conflit en Ukraine s’éternise, Kyiv élargit son offensive, cette fois sur le front diplomatique africain. Le représentant spécial de l’Ukraine pour le Moyen-Orient et l’Afrique, Maksym Subkh, a récemment exposé la stratégie de son pays visant à convaincre les États africains que sa résistance à la Russie s’apparente à une lutte contre un héritage colonial, comparable à celle menée par de nombreuses nations africaines au siècle dernier.
« L’Ukraine veut démontrer aux pays africains que sa lutte contre la Russie, héritière de l’empire soviétique, fait écho à leur propre histoire de libération face aux puissances coloniales européennes », a-t-il déclaré, cité par Reuters. Cette démarche vise explicitement à affaiblir l’influence traditionnelle de Moscou sur le continent, notamment dans les pays francophones du Sahel.
Dans le cadre de cette campagne, Kyiv multiplie les gestes symboliques et stratégiques : aide humanitaire destinée aux réfugiés maliens, livraisons alimentaires à plusieurs pays africains, et offres de formations militaires, notamment à la Mauritanie.
Une diplomatie mauritanienne sous les projecteurs
La Mauritanie, partenaire de longue date de la Russie dans le cadre de la coopération sécuritaire sahélienne, apparaît comme un terrain d’intérêt particulier. L’Ukraine y propose désormais des programmes de formation militaire, ce qui suscite des interprétations divergentes.
Pour certains observateurs, la Mauritanie semble osciller entre ses partenariats traditionnels — notamment avec la Russie, acteur historique au Sahel — et de nouveaux alliés occidentaux ou pro-occidentaux, désireux de peser dans les recompositions stratégiques post-guerre en Ukraine. En réalité, sa diplomatie demeure constante et se revendique « équilibrée, indépendante et fondée sur le respect mutuel ».
Nouakchott joue une carte de prudence stratégique, évitant les alignements excessifs tout en consolidant ses intérêts de sécurité et de développement. Pour approfondir cette ligne, on peut se référer à l’analyse détaillée de la diplomatie mauritanienne.
La contre-offensive narrative de Moscou
Face à cette dynamique, Moscou réplique en accusant Kyiv d’ingérence et de manipulation. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a accusé l’Ukraine de soutenir des groupes terroristes en Afrique afin de détourner l’attention de ses revers militaires en Europe de l’Est. Elle a évoqué, sans preuves vérifiées, des liens entre Kiev et des organisations armées actives au Sahel, affirmant que ces connexions visaient à « ouvrir un second front » contre la Russie.
Cette surenchère d’accusations illustre la guerre de récits en cours, où l’Afrique devient un espace géopolitique convoité, mais aussi instrumentalisé. Chaque camp tente d’y projeter sa vision du monde, en réactivant les discours de solidarité ou en dénonçant l’influence néocoloniale de l’adversaire.
Une Afrique entre engagement et vigilance
Si l’Ukraine tente de redessiner les lignes de ses alliances internationales en sollicitant la mémoire historique anticoloniale du continent, de nombreux pays africains, dont la Mauritanie, restent prudents. Loin des logiques de blocs, leurs choix s’inscrivent souvent dans une diplomatie d’équilibre, tournée vers la sécurité, le développement, et la souveraineté nationale.
Dans ce jeu d’influences mondiales où les puissances extérieures activent récits et ressources, les pays africains entendent, plus que jamais, définir leurs propres priorités stratégiques.
Voir aussi : Russia’s Influence in Africa – Africa Center for Strategic Studies
Et pour suivre les déclarations officielles : Ministère des Affaires étrangères de Mauritanie
Ahmed Ould Bettar
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