Tunisie: cinq choses à savoir sur les élections législatives anticipées

Tunisie: cinq choses à savoir sur les élections législatives anticipées
– Les Tunisiens se rendront aux urnes samedi pour élire leurs représentants au nouveau Parlement, lors d’un scrutin boycotté par l’opposition.
Mehmet Akif Turan | 16.12.2022

Tunis
AA / Tunis / Mehmet Akif Turan

Les Tunisiens se rendront, samedi 17 décembre aux urnes, pour élire leurs représentants au nouveau Parlement dans le cadre des élections législatives anticipées.

Dans les 161 circonscriptions électorales, dont 10 circonscriptions à l’étranger, 1 058 candidats parmi lesquels 122 femmes, se disputent les 161 sièges du Parlement, tandis que 9 millions d’électeurs inscrits -dans un pays qui compte près de 12 millions d’habitants- sont appelés à renouveler l’Assemblée des représentants du peuple.

La campagne électorale s’est déroulée du 25 novembre au 13 décembre dans une atmosphère « calme » dans tout le pays. Les candidats aux législatives étaient autorisés à faire campagne de manière individuelle sans leur étiquette partisane.

Sur les 1 058 candidatures retenues, aucune n’a été déposée dans sept circonscriptions électorales, tandis que dix circonscriptions n’ont enregistré qu’une seule candidature.

Le nombre de députés du futur Parlement tunisien a été réduit à 161 contre 217 lors des mandatures précédentes.

Alors que le « Mouvement Echaâb » (nationaliste arabe), la formation politique du « Courant populaire », l’Initiative « Pour que le peuple triomphe » et le « Mouvement du 25 juillet », entités politiques proches du président de la République Kaïs Saïed, ont confirmé leur participation aux législatives, 12 partis de premier plan dans le pays ont annoncé qu’ils boycotteraient le scrutin.

– Pourquoi des législatives anticipées ?

Le 25 juillet 2021, le président tunisien Kaïs Saïed annonce des mesures d’exception dont la suspension de l’Assemblée des représentants du peuple, la levée de l’immunité des parlementaires, ainsi que la nomination d’un nouvel exécutif et sa décision de légiférer par décret.

Le 22 septembre 2021, le président Saïed annonce la reconduction de ses mesures par décret ainsi que la dissolution de l’Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi et s’octroie tout le pouvoir exécutif.

Certains partis politiques et organisations de la société civile ont critiqué les mesures de Saïed, qui selon eux, ne font qu’enliser le pays dans la crise politique qui dure depuis dix ans.

Dans un discours à la nation en date du 13 décembre 2021, Saïed annonçait l’organisation d’un référendum sur les amendements constitutionnels le 25 juillet 2022 ainsi que des élections législatives anticipées pour le 17 décembre 2022. Le président tunisien prolonge également la suspension du Parlement jusqu’à la tenue du scrutin.

Le « oui » à la nouvelle Constitution l’a emporté à un majorité de 94,6 % lors du référendum organisé dans le pays le 25 juillet, mais avec un faible taux de participation de 30,5 %.

À la suite de l’adoption de la nouvelle Constitution, le 15 septembre, la nouvelle loi électorale pour les élections générales anticipées prévues le 17 décembre 2022 a été promulguée.

– Comment se présente le nouveau système électoral ?

Pour la première fois, les élections législatives anticipées du 17 décembre adoptent le système uninominal et l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a annoncé que ce sont les candidats, et non pas les partis, qui ont le droit de mener des campagnes électorales.

La nouvelle loi électorale dispose que le vote aux élections législatives sera uninominal à un seul tour ou à deux tours à majorité absolue (50% + une voix), au besoin, et ce dans des circonscriptions électorales à un siège. Le texte prévoit également de réduire le nombre des sièges à l’Assemblée des représentants du peuple de 217 à 161, ce qui correspondrait au nombre des circonscriptions électorales. Ainsi, selon ce nouveau système, un candidat est élu dans chaque circonscription électorale.

La nouvelle loi électorale a également introduit de nouvelles conditions de candidature, telles qu’un casier judiciaire « propre », la présentation d’un programme électoral écrit et l’obtention de 400 parrainages exclusifs pour chaque candidat qui ne peut, en outre, postuler que dans la circonscription de son lieu de résidence.

Ce nouveau mode de scrutin, qui est critiqué en raison de ses inconvénients par rapport au système électoral basé sur des listes à majorité simple, est appliqué dans très peu de pays.

Cela étant, l’enjeu majeur pour ce scrutin inédit, demeure le taux de participation.

– Quels sont les partis politiques qui boycottent les législatives et pourquoi ?

Certains partis politiques ont annoncé le boycott du scrutin du 17 décembre pour deux raisons principales.

Plusieurs forces politiques et sociales tunisiennes, rejettent les mesures de Saïed, annoncées le 25 juillet 2021 qu’elles considèrent comme étant « un coup d’État contre la Constitution » de 2014 et une consécration d’un pouvoir absolu et individuel. Elles s’opposent par principe à la totalité du processus (depuis les mesures d’exception jusqu’aux législatives) initié par le locataire du Palais de Carthage.

D’autres partis soutiennent les mesures d’exception de Saïed en date du 25 juillet, estimant qu’il s’agit d’une « restauration du processus de la Révolution » de 2011, qui avait fait chuter l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali (1987-2011), mais s’opposent aux décisions du président intervenues après le 25 juillet qu’ils qualifient d’« antidémocratiques ».

Douze partis ont décidé de boycotter ces législatives à savoir : le mouvement d’obédience islamique « Ennahdha » (53 députés au Parlement dissous), « Qalb Tounes » (Au cœur de la Tunisie, 28 députés ), le « Courant démocrate » (22 députés), la « Coalition Al-Karama » (18 députés), le « Parti destourien libre » (16 députés), « Afek Tounes » (deux députés), le « Forum démocratique pour le travail et les libertés », le parti « Harak Tounes Al Irada », le parti « Al Amal », le « Parti républicain » (Al Jomhouri), le « Parti des travailleurs », et le « Pôle démocratique moderniste ».

– Quelles sont les formations politiques qui prennent part au scrutin ?

Les candidats aux législatives sont en majorité « indépendants », auxquels s’ajoutent les partis « Pour que le peuple triomphe » (qui compte dans ses rangs des personnalités politiques ainsi que la formation politique du « Courant populaire »), le « Mouvement Echaâb » (nationaliste arabe), le « Mouvement du 25 juillet » et le « Mouvement Tunisie en avant » (gauche).

Le « Mouvement Echaâb » a annoncé avoir présenté des candidats, dont 5 anciens députés, dans 85 circonscriptions électorales du pays.

De son côté, le « Mouvement du 25 juillet » a annoncé faire campagne dans toutes les circonscriptions électorales du pays. Ses membres se présentent comme étant des candidats « indépendants ».

– Pourquoi les candidats aux législatives sont-ils en majorité « indépendants »?

La nouvelle loi électorale a consacré un mode de scrutin uninominal à un seul tour ou à deux tours à majorité absolue (50% + une voix) en lieu et place d’un système électoral basé sur des listes à majorité simple avec prise en compte des grands restes. Ainsi les Tunisiens sont appelés à élire leurs représentants individuellement et non plus en votant pour une liste présentée par un parti politique.

Les partis n’ayant pas le droit de faire campagne, tous les candidats aux législatives sont autorisés à faire campagne de manière individuelle sans leur étiquette partisane.

Des experts politiques tunisiens déclarent qu’avec un Parlement issu des législatives où les candidats « indépendants » auront raflé la majorité des sièges, il sera difficile de former des coalitions, et encore moins un gouvernement.

* Traduit du turc par Alex Sinhan Bogmis

Agence Anadolu

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