Tribune – La Mauritanie mérite mieux qu’un second mandat d’annonces
La Mauritanie mérite mieux qu’un second mandat d’annonces
Par Dah Kaly Loud Godiata Ba, membre de l’opposition démocratique
Le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani entame son second mandat sous le signe d’une ambition proclamée : réformes institutionnelles, projets d’envergure, justice sociale, renouveau diplomatique. Une feuille de route que tout patriote sincère souhaiterait voir se réaliser. Mais en tant que responsable politique de l’opposition, je ne peux que m’interroger – et alerter – sur la distance flagrante entre les promesses affichées et la réalité vécue par nos concitoyens.
Depuis 2019, les Mauritaniens ont entendu bien des discours : celui de la rupture douce, de l’apaisement, du progrès. Mais qu’ont-ils vu ? Une persistance des inégalités, une justice aux ordres, une économie accaparée par les proches du pouvoir, et une démocratie à peine tolérée.
Alors que le président réaffirme sa volonté de changement, nous disons : le changement ne se décrète pas, il se prouve.
Des réformes sans transformation
Le président Ghazouani évoque des réformes « profondes » dans la justice, l’administration, l’éducation. Or, nous avons assisté à cinq années de réformisme de façade, sans volonté réelle de remettre en cause les privilèges enracinés. La justice reste l’instrument du pouvoir, non l’arbitre impartial des citoyens. L’école publique est toujours à l’abandon, incapable de garantir l’égalité des chances. Et l’administration reste une machine clientéliste, verrouillée par les réseaux tribaux et militaires.
Des projets d’infrastructure sans équité
La multiplication des annonces d’autoroutes, de ports, de pôles énergétiques peut impressionner. Mais au-delà des effets d’annonce, qui bénéficie réellement de ces investissements ? Les entreprises proches du régime raflent les marchés, sans transparence, sans appels d’offres ouverts. Les populations des quartiers pauvres, des wilayas enclavées ou des zones rurales attendent encore l’eau potable, l’électricité, des routes carrossables.
Nous ne rejetons pas le développement. Nous réclamons qu’il soit équitable, contrôlé et durable. La croissance ne vaut que si elle réduit les injustices, pas si elle les approfondit.
Une justice sociale au conditionnel
À l’aube de ce nouveau mandat, le chef de l’État parle de justice sociale. Mais que reste-t-il de ce mot, lorsque les haratines vivent encore en marge, que les rapatriés attendent la réparation, que les jeunes peinent à s’insérer, que les femmes restent exclues des sphères de décision ? Où sont les politiques publiques courageuses en faveur de l’égalité réelle, de la redistribution, de la dignité pour tous ?
La Mauritanie de 2025 ne peut plus se contenter de déclarations d’intention. Elle a besoin d’un État qui agit, protège et répare.
Un rayonnement diplomatique sans contrepartie démocratique
Le président se félicite du regain d’intérêt que porte la communauté internationale à notre pays. Tant mieux. Mais nous lui rappelons ceci : le prestige extérieur ne saurait servir de cache-misère intérieur. La coopération avec l’Europe, avec les partenaires africains ou du Golfe ne doit pas être un chèque en blanc pour gouverner sans contre-pouvoir.
Nous appelons nos partenaires étrangers à plus de cohérence : soutenir le peuple mauritanien, ce n’est pas applaudir ses dirigeants, c’est exiger des garanties démocratiques, des élections crédibles, une presse libre, une société civile protégée.
Pour un sursaut démocratique
Nous, forces de l’opposition, ne sommes pas des détracteurs professionnels. Nous sommes des citoyens engagés, porteurs d’un autre projet pour le pays : un projet fondé sur l’État de droit, la justice sociale, l’alternance pacifique et la dignité humaine.
Ce second mandat peut être l’occasion d’un sursaut. Mais il ne pourra advenir que si le président accepte le débat, la critique, la réforme réelle. Sinon, ce ne sera pas un nouveau départ, mais la poursuite du même immobilisme sous un vernis modernisateur.
La Mauritanie mérite mieux. Elle mérite un avenir construit avec tous ses enfants, dans la vérité, l’équité et la liberté.
Dah Kaly Loud Godiata Ba,
membre de l’opposition démocratique – Nouakchott, 1er août 2025
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