Tribune : Éviter les commérages – Boydiel Ould Houmeid
Dans cette tribune, Boydiel Ould Houmeid, ancien ministre et homme politique mauritanien, défend le haut cadre Mohamed Salem Merzoug contre des attaques qu’il juge injustes. Il appelle à un débat politique responsable, loin des commérages, et plaide pour une reconnaissance fondée sur le mérite et les compétences.
Éviter les commérages
Ces jours-ci, je vois beaucoup d’écrits sur des personnalités politiques susceptibles, selon les auteurs, d’être soutenues par le président de la République, Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani, en vue des prochaines élections présidentielles. Je trouve normal que chacun puisse porter son choix sur une personne qui, à ses yeux, remplit au mieux les critères d’éligibilité et correspond au meilleur profil pour être proposé, au nom de la majorité présidentielle. Je pense toutefois qu’une décision si importante ne doit pas être prise à titre individuel, mais collectivement, au niveau d’un parti ou d’un groupe de partis.
Cela dit, en jetant un coup d’œil sur les noms des personnalités citées, mon attention a été attirée par certaines critiques adressées à l’une d’entre elles, en l’occurrence Mohamed Salem Merzoug. Je ne sais pas si c’est dû à une animosité personnelle, à un sentiment envieux ou à l’origine sociale de l’intéressé.
En tout cas, j’ai eu à connaître ce grand intellectuel et cadre du pays sur le plan personnel et je suis étonné que de tels griefs puissent lui être adressés. Il est traité d’inculte, de complexé, d’incompétent, d’impopulaire, de descendant d’une famille nourricière, etc. On va jusqu’à dire que sa longévité au pouvoir est le fruit d’une politique de discrimination positive. Soit dit en passant, je ne suis pas personnellement partisan du principe de la discrimination positive, parce qu’elle est de nature à générer la médiocrité, et donc à porter préjudice aux couches de la population qu’elle est censée servir.
Les auteurs de ces écrits ont loué certains cadres issus de la communauté des Maures noirs, notamment Messaoud Ould Boulkheir, Sghair Ould M’Barek, Mohamed Ould Boilil, Haimer, Sidi Ould Salem, Boubacar Messaoud, Bilal Werzeg, Mohamed Ould Bilal, Achour Samba, Cheikh Ahmed Zahaf et moi-même. Il ne manque à la liste que Ahmed Khairou et Sidi Mohamed Nagi. Je dois souligner que ces cadres ont eu à exercer de hautes fonctions de l’Etat, pas parce qu’ils sont Maures noirs, mais parce qu’ils sont sortants de grandes écoles à l’intérieur du pays ou à l’étranger et pour la plupart majors ou vice-majors de leurs promotions, y compris Mohamed Salem Merzoug dont il est question ici.
Ce brillant cadre est non seulement major de sa promotion, mais il a aussi réussi, grâce à sa persévérance, à obtenir un doctorat en sciences politiques. Il a fait une remarquable carrière dans l’administration et, contrairement aux affirmations de ses détracteurs, il est très apprécié tant de sa hiérarchie, ce qui explique sa longévité administrative, que de ses subalternes. J’en sais quelque chose pour l’avoir remplacé à la tête du ministère de la Santé, comme il fut auparavant mon successeur au Commissariat à la sécurité alimentaire.
Dire que Merzoug n’a pas de base populaire, c’est ignorer qu’il contrôle politiquement depuis des décennies, la grande commune d’El mina. Aller jusqu’à taxer sa famille d’être nourricière, c’est méconnaître le rôle de grand notable que son père jouait dans la ville de Kiffa. Il fallait plutôt dire que son père était correspondant d’élèves dont les parents vivaient
à la campagne, comme le furent pour moi, au lycée de Rosso, feu Samory Ould Biya, commandant de cercle du Trarza et feu Jiyid Ould Moulaye, fonctionnaire de la collectivité de Rosso. Le qualifier de complexé, c’est mal le connaître, lui qui est très fier de sa lignée et qui, surtout, sait dire non quand il n’est pas d’accord. J’ai été président du Comité du bassin du fleuve Sénégal et j’ai assisté une fois à une discussion où les participants évaluaient les performances des Commissaires successifs de l’OMVS. Ils s’étaient accordés sur le fait que Merzoug a été celui qui avait révolutionné l’organisation, avec le plus d’ouvrages réalisés. Et ce n’est pas par hasard que l’un des chefs d’État de l’OMVS, et non des moindres, l’appelait le « meilleur cadre de l’Afrique ».
Ceux qui lui font un mauvais procès disent qu’il n’est pas éloquent et qu’il bégaie. Le bégaiement est un phénomène naturel qui, dans son cas, n’altère en rien ses capacités à communiquer. Pour preuve, les multiples interventions, discours et interviews dans lesquels il exprime, avec éloquence et diplomatie, aussi bien dans le fond que dans la forme, les positions de son pays sur les grandes questions internationales.
N’allez pas penser que je défends Merzoug pour des raisons ou des accointances particulières. Il n’a pas partagé avec moi le militantisme au sein du mouvement El Hor et quand il a intégré le parti où j’étais, nous n’avons jamais appartenu au même groupe. Si je prends sa défense, c’est simplement parce que je me fais le devoir de défendre un haut cadre
du pays que j’estime être offensé injustement.
Boydiel Ould Houmeid