Sénégal : Nouveau souffle pour le commerce avec la Mauritanie
Sénégal
Pendant des années, le pont entre le Sénégal et la Mauritanie, pourtant géographiquement si court, était économiquement interminable. Au poste frontalier de Rosso, les transporteurs devaient décharger entièrement leurs marchandises côté mauritanien, pour les recharger ensuite dans un véhicule sénégalais, et inversement. Ce système, vécu comme un rituel inutile et coûteux, imposait aux camions de vider leur contenu sous le soleil, à la merci de contrôles redondants et de retards chroniques. Cette rupture dite de charge, bien plus qu’une simple formalité douanière, ralentissait l’acheminement des biens, alourdissait les coûts et nourrissait une méfiance sourde entre opérateurs des deux pays.
C’est ce verrou logistique que les ministres des Transports du Sénégal et de la Mauritanie ont décidé de faire sauter. Le 11 juillet 2025, à Rosso, Yankhoba Diémé et Ely Ould Veirik ont signé un accord qui abolit cette obligation et autorise la libre circulation continue des véhicules de transport. Le geste, hautement symbolique et concrètement utile, répond à une volonté partagée de fluidifier les échanges entre deux économies liées par l’histoire, la géographie et, de plus en plus, par des projets communs.
Le moteur de la diplomatie Diomaye
Cette avancée logistique intervient dans un contexte plus large de coopération renforcée entre les deux États. Depuis son investiture, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a fait du renforcement des liens avec la Mauritanie un axe prioritaire de sa politique étrangère. Le 2 juin dernier à Nouakchott, les deux gouvernements avaient déjà scellé un accord novateur sur la mobilité des citoyens, autorisant une circulation et une installation plus encadrées mais allégées pour les ressortissants des deux pays. L’objectif n’était pas uniquement de régler des problèmes frontaliers, mais de rebâtir un climat de confiance, en misant sur la complémentarité plutôt que la concurrence.
Dans le prolongement de cette vision, la signature de Rosso vient stabiliser l’un des flux les plus sensibles : celui des marchandises. Elle anticipe aussi les retombées attendues du développement gazier conjoint de Grand Tortue Ahmeyim, projet stratégique aux frontières maritimes des deux nations. Ce cadre coopératif a désormais une traduction très concrète pour les chauffeurs, les commerçants et les logisticiens. Fini les ruptures absurdes à la frontière. Un camion mauritanien pourra entrer à Kaolack ou Tambacounda sans déchargement forcé, tout comme un camion sénégalais pourra rallier Nouadhibou ou Atar sans rupture imposée.
Une coordination multisectorielle pour éviter les échecs passés
La nouveauté de cette convention réside aussi dans sa méthode. Plutôt que de s’en tenir à une signature politique sans suivi, les deux ministres ont validé la mise en place d’un comité mixte. Ce groupe, composé de professionnels du transport, de logisticiens, d’agents douaniers et de représentants des autorités locales, aura pour mission d’assurer l’application uniforme des nouvelles règles sur le terrain. Il devra harmoniser les pratiques des deux administrations, sécuriser les trajets et anticiper les conflits opérationnels.
Cette coordination est d’autant plus cruciale que plusieurs textes similaires avaient été signés par le passé, sans jamais sortir des tiroirs des administrations. Cette fois, les autorités veulent aller plus loin que les annonces. La levée de la rupture de charge ne sera effective que si elle est suivie d’un changement de comportement des douaniers, d’une transparence dans les procédures, et d’une adoption par les transporteurs eux-mêmes.
En conclusion, l’accord de Rosso n’est pas une simple mesure technique. Il témoigne d’une volonté politique d’agir au plus près des réalités du terrain, en supprimant une entrave aussi ancienne qu’injustifiée. Il pourrait aussi devenir un modèle de coopération régionale dans un espace ouest-africain trop souvent miné par les lenteurs administratives. Reste à voir si cette fois, les roues tourneront aussi vite que les promesses.
Source: lanouvelletribune