Sénégal : « Le souhait des jeunes est de changer de logique »

Sénégal : « Le souhait des jeunes est de changer de logique »

ENTRETIEN. Autour de quoi bat le pouls des Sénégalais de moins de 35 ans qui représentent 76 % de la population ? La réponse du président du Conseil national de la jeunesse.

Propos recueillis par Malick Diawara  – Point.fr

Jusqu’à récemment pays emblématique d’une Afrique stable et démocratique, le Sénégal paraît au milieu du gué à un an d’une élection présidentielle de tous les dangers marquée par les crispations autour d’un éventuel troisième mandat de Macky Sall et de séquences judiciaires à répétition pour celui qui apparaît comme l’opposant le plus radical, mais aussi le concurrent le plus sérieux de l’actuel chef de l’État. Dans un tel contexte, plus que jamais, la voix des jeunes doit compter. Khadim Diop, président du Conseil national de la jeunesse, s’est confié au Point Afrique.

Le Point Afrique : L’organisme que vous présidez gagne à être connu. Que pouvez-vous nous en dire ?

Khadim Diop : Le Conseil national de la jeunesse du Sénégal a été créé en 1954. Il regroupe l’ensemble des organisations et mouvements de jeunes de notre pays. Notre mission est de promouvoir les jeunes et de les représenter dans toutes les instances de prise de décision, que ce soit au niveau du gouvernement, des politiques territoriales, mais aussi dans le cadre de partenariats technique et financier. Nous sommes ainsi présents, à travers des associations, dans toutes les instances territoriales. Ainsi au niveau des communes, des arrondissements, des départements, des régions et bien sûr à celui plus large national où nous fédérons les centrales syndicales, les étudiants, les associations de personnes à mobilité réduite, les entrepreneurs et les mouvements dédiés à l’emploi des jeunes.

S’il faut définir votre structure aujourd’hui, que doit-on dire ? Est-ce une structure administrative, un organe syndical ou un organisme de la société civile ?

Le Conseil national de la jeunesse est une organisation de la société civile. Notre objectif primordial est de lutter contre le chômage des jeunes en étant force de proposition et d’action en étroite collaboration avec le gouvernement et les collectivités territoriales. Il est aussi de promouvoir les activités des jeunes autant au niveau local qu’au niveau national. Il convient de rappeler ici que pour l’ensemble du continent, il existe une Union panafricaine de la jeunesse, dont la mission est de porter notre voix auprès d’instances aussi importantes que l’Union africaine avec le dessein de contribuer, ensemble, à l’émergence de nos pays respectifs.

L’Afrique est assaillie par des problèmes économiques, mais aussi par l’extrémisme et l’obscurantisme religieux. Quel regard avez-vous posé sur la Conférence africaine pour la paix organisée en janvier dernier à Nouakchott pour en conjurer les conséquences néfastes pour nos pays ?
Les jeunes représentent plus de 70 % de la population africaine. Rien n’est possible sans eux, aussi le système des Nations unies a-t-il demandé aux États de les impliquer dans toutes les résolutions des conflits. Je rappelle sa Résolution 2250 traitant du sujet de la jeunesse dans une perspective de paix et de sécurité internationales. Reconnaissant les efforts des jeunes dans la consolidation de la paix, cette résolution fournit un ensemble de lignes directrices sur lesquelles les politiques et les programmes doivent être élaborés par les États membres, l’ONU et la société civile. Ce cadre politique mondial, adopté par le Conseil de Sécurité des Nations unies en décembre 2015, explore l’impact des conflits sur la vie des jeunes et ce qui doit être fait pour atténuer ses effets, ainsi que la manière dont les jeunes peuvent être inclus de manière significative dans la création de communautés pacifiques. Comme piliers clés de cette résolution, ils tournent autour d’actions clés telles que la participation, la protection, la prévention, le partenariat, le désengagement et la réintégration. Voilà qui explique et justifie que nous ayons été présents à cette conférence pour apporter notre contribution à la lutte contre les extrémistes violents mais aussi pour sensibiliser les jeunes à l’importance de vivre dans des pays en paix, condition sine qua non pour espérer l’émergence.
Que préconisez-vous comme décisions à prendre à l’endroit des jeunes pour s’inscrire dans une logique de bonne gouvernance ?

La priorité des priorités m’apparaît de commencer par offrir aux jeunes une éducation de qualité suivie d’une formation qualifiante pour augmenter leurs chances de trouver un emploi. Faut-il le rappeler ? Chaque année, dans nos pays, plus de 200 000 jeunes sortent des écoles et des universités. C’est de la responsabilité de l’État et de ses partenaires techniques et financiers que d’essayer de créer un environnement qui favorise cela.

Une autre priorité, c’est de permettre aux jeunes d’accéder au foncier et à l’eau. L’entrepreneuriat n’est pas possible quand les jeunes ne peuvent pas accéder à la terre. L’enveloppe financière dédiée aux projets et aux programmes concernant les jeunes doit être augmentée, et ce, pour une raison simple : l’État ne pouvant pas employer tous les jeunes diplômés, il convient d’encourager leur auto-emploi.

Il y a l’auto-emploi, mais aussi la nécessité pour le pays de créer de la valeur sur place. Quel regard posez-vous sur cette exigence ?

Au niveau du Conseil national de la jeunesse, notre souhait est de changer de logique, de passer de celle de la représentation à celle de la création de richesses où les jeunes auront une part plus grande. Pour cette raison, il est important non seulement d’encourager les jeunes à créer des entreprises et des coopératives, mais aussi d’assurer un meilleur suivi des projets et des programmes. Si l’on prend l’exemple du Sénégal, on réalise l’ampleur du challenge. Certes, l’État a mis sur la table 50 milliards de francs CFA pour appuyer les projets et programmes à destination des jeunes, mais il faudrait 150 milliards. Ce gap conséquent gagnerait à être comblé.

Quel regard posez-vous sur l’avenir de l’Afrique ?

Nous avons des raisons d’être optimistes, car le continent dispose d’une jeunesse compétente et de plus en plus engagée pour son développement. En tant qu’organisation de jeunesse, nous devons donner l’exemple pour être source d’inspiration et d’encouragement pour ceux et celles que nous représentons. C’est le meilleur moyen de les convier à travailler à l’émergence d’une Afrique où se joue l’avenir du monde.

Source: Point.fr

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page