Sécurité au Sahel: le rôle discret mais central de la Mauritanie face à l’effondrement du G5
Dans un Sahel instable, la Mauritanie apparaît comme un acteur sécuritaire clé. Son armée modernisée, son refus de l’ingérence et sa neutralité stratégique en font un rempart face à l’effondrement du G5 Sahel.
Au cœur d’un Sahel en ébullition, où les coups d’État redessinent les équilibres institutionnels et où les groupes jihadistes gagnent du terrain, la Mauritanie fait figure d’exception. Stable, prudente, mais stratégique, elle s’impose comme un maillon central de la sécurité régionale, sans pourtant céder à la tentation hégémonique ni au repli souverainiste. (Lire aussi : La stabilité politique en Mauritanie face aux turbulences sahéliennes)
Une force nationale restructurée
Après avoir subi une vague d’attaques djihadistes entre 2005 et 2011, la Mauritanie a revu de fond en comble sa doctrine sécuritaire. L’armée mauritanienne, autrefois passive, est aujourd’hui professionnalisée, mieux équipée, et surtout autonome dans ses opérations de sécurisation. Nouakchott a refusé de sous-traiter sa sécurité à des acteurs étrangers, préférant renforcer ses services de renseignement et engager un dialogue religieux pour désamorcer la radicalisation. (Voir : Réformes de l’armée mauritanienne : bilan et perspectives)
G5 Sahel : d’ambition collective à coma stratégique
Lancé en 2014, le G5 Sahel devait incarner la réponse collective au chaos sécuritaire. Cinq pays — Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso — unissaient leurs efforts dans une force conjointe de 5 000 hommes, épaulée financièrement par l’Union européenne, planifiée avec la France, et politiquement encadrée par leurs chefs d’État. Mais le rêve a rapidement tourné au désenchantement. (À lire : G5 Sahel : chronologie d’un échec annoncé)
Le retrait du Mali en 2022, suivi du repli des troupes tchadiennes, a précipité l’implosion du dispositif. Des divergences politiques, des accusations d’ingérence française, et des priorités sécuritaires non alignées ont eu raison du projet. Selon le ministre nigérien Hassoumi Massoudou, « le G5 est un échec ». Les maigres opérations conjointes, l’absence de leadership collectif et l’impossibilité de synchroniser les efforts militaires entre pays membres ont miné la crédibilité de l’organisation.
Malgré tout, la Mauritanie reste membre sans rompre ni relancer, préférant attendre un éventuel retour du Mali à l’ordre constitutionnel. Elle mise sur la coopération bilatérale ciblée, tout en se tenant à l’écart des conflits diplomatiques entre ses voisins.
La neutralité stratégique mauritanienne
Face au retrait progressif de la France et à l’émergence de nouveaux partenaires (Russie, Wagner, Turquie), la Mauritanie conserve une neutralité active. Elle évite les affrontements diplomatiques, se positionne en médiateur potentiel, et valorise la maîtrise de son territoire comme carte de légitimité auprès des partenaires occidentaux.
Son refus d’intervenir militairement au-delà de ses frontières ne signifie pas l’inaction : la Mauritanie participe à des exercices conjoints avec l’UA, coopère discrètement avec des agences de renseignement étrangères, et continue de sécuriser ses zones frontalières, en particulier avec le Mali. (Voir aussi : La diplomatie mauritanienne dans le Sahel : entre prudence et influence)
Une digue fragile, mais encore debout
Alors que le triangle Mali-Niger-Burkina Faso s’enfonce dans une violence chronique, la stabilité mauritanienne semble presque anachronique. Pourtant, des fragilités existent : pression migratoire, tensions communautaires, trafic d’armes et de drogue, risques de débordement jihadiste dans le Hodh ou le Guidimakha. (Lire : Sécurité aux frontières sud-est : les nouveaux défis pour la Mauritanie)
Mais jusqu’à présent, la combinaison d’un appareil sécuritaire nationalisé, d’une diplomatie prudente et d’une vigilance permanente a permis à la Mauritanie de résister. À l’heure où les alliances régionales se dissolvent, elle demeure la sentinelle silencieuse d’un équilibre instable.
A.O.B
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