Sahara occidental : La défaite du droit international
Sahara occidental : La défaite du droit international
«L’Espagne part avec la rétine trempé et le cœur plein d’expériences partagées avec les sahraouis mais l’Espagne reste toujours avec les Sahraouis dans un lieu spirituel intime »
Lieutenant colonel Valdès l’Espagne quitte le Sahara cérémonie d’abaissement du drapeau espagnol 28février 1976
Résumé :
Dans cette contribution, nous allons rapporter en honnête courtier comment une cause juste que celle de l’auto-determination des peuples est victime des donneurs de leçons occidentaux qui décident de la norme du bien du mal, de l’obligation d’allégeance et par-dessus tout de faire passer au nième plan la morale au profit de l’intérêt. Nous allons montrer comment la doxa impose un discours qui donne l’impression de la noblesse des causes mais en définitive trompeur et bassement matériel ! Est-ce ainsi que les Homes vivent ?
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est considéré comme un «territoire non autonome» par l’ONU, en l’absence d’un règlement définitif. Depuis près de 50 ans, un conflit y oppose le Maroc aux indépendantistes du Front Polisario. Le Maroc, qui a annexé le territoire en 1975, contrôle près de 80% du territoire. De son côté, le Front Polisario réclame l’indépendance et souscrit à la proposition de l’ONU d’un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU. Ce référendum était prévu lors de la signature d’un cessez-le-feu en 1991 mais il n’a jamais été concrétisé.
Voilà un pays africain anciennement colonisé par l’Espagne, après la conférence de Berlin de 1880 où les pays européens se sont partagés l’Afrique et qui, depuis 1960, revendique son indépendance. Malgré les dizaines de résolutions et à l’instar du calvaire palestinien, ce pays est passé d’une colonisation espagnole à une colonisation marocaine avec la complicité de l’Espagne qui a bradé un pays mais aussi avec le soutien massif de la France depuis pratiquement cinquante ans, comme nous allons le montrer.
Présentation rapide du Sahara Occidental
Le Sahara occidental est un territoire de 266 000 km2 du Nord-Ouest de l’Afrique qui a pour voisin la Mauritanie, l’Algérie, le Maroc et une grande façade atlantique riche. C’est aussi un pays minier qui recèle du phosphate autour de Boukraa et même du fer. Le territoire dispose de 6 200 km de routes, il comporte une route qui longe la côte atlantique.
En 1884, l’Espagne place ce territoire sous son protectorat. Les Sahraouis ont commencé à revendiquer leur territoire depuis 1960. Le 16 octobre 1975, un avis consultatif de la Cour internationale de justice conclut que les liens des tribus avec le Maroc et la Mauritanie ne sont pas de nature à empêcher un référendum d’autodétermination, en y rendant inapplicable la notion de terra nullius. Dans son avis, la Cour précise : «(…) En revanche, la Cour conclut que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissent I ‘existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental, d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien, d’autre part». (1)
Historique : l’affaire du Sahara devant les Nations Unies La cession d’Ifni
La première décision du Maroc est de récupérer Ifni :« Sans abandonner l’espoir de régler le litige d’Ifni et du Sahara .par voie de négociation directe avec l’Espagne, le roi du Maroc Hassan Il avait saisi les Nations Unies, en 1963, de l’affaire des deux territoires, se référant à la résolution no 1514 votée par l’ONU le 14 décembre 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux peuples ·colonisés. Le 16 octobre 1964, le comité de décolonisation de l’ONU vota sa première résolution en la matière, Le 16 décembre 1965 (résolution 2072), l’Assemblée générale invita Madrid à engager immédiatement des négociations en vue de régler la question de la souveraineté du Sahara (…) le Maroc se déclara prêt à admettre l’application du principe d’autodétermination, sous condition du retrait préalable des forces armées et de l’administration . espagnoles, de la réintégration des habitants d’Ifni et du Sahara réfugiés au Maroc, et du contrôle de la consultation populaire par l’ONU ». (1bis)
« Celle-ci vota une résolution dans ce sens (n° 2229) en décembre 1966, une autre en 1967, approuvée, cette fois, par l’Espagne, une autre encore en décembre 1968, invitant l’Espagne à organiser au plus tôt· un référendum d’autodétermination au Sahara, « (…) Il était manifeste que le roi Hassan Il entendait s’en tenir aux voies pacifiques. Cette politique lui valut de recouvrer Ifni, après beaucoup de négociations confidentielles au plus haut niveau. Sur ce territoire, déjà abandonné en majeure partie par les Espagnols, Par le traité de Fès du 4 janvier 1969, Madrid rétrocéda au Maroc cette enclave. Les relations redevinrent excellentes entre Rabat et Madrid » (1bis)
L’entente Algérie Maroc Maurétanie pour l’auto-détermination du Sahara espagnol
Du point de vue, de la genèse du dossier il faut se souvenir que les trois pays parlaient d’une seule voie en face de l’Espagne. J.P. Peroncel Hugoz du journal le Monde rapporte : « Le roi Hassan II, le colonel Boumediène et le président Ould Daddah doivent se rencontrer le 14 septembre à Nouadibou. « …) Cette conférence a, en effet, pour objet de débattre de l’avenir du Sahara espagnol. Rabat, Alger et Nouakchott sont hostiles au maintien de la souveraineté de l’Espagne sur la côte nord-ouest de l’Afrique. Les trois capitales ont admis – avec plus ou moins d’enthousiasme – le principe d’un référendum d’autodétermination dans le territoire espagnol, en application de la résolution votée le 16 décembre 1965 par l’Assemblée Générale des Nations unies. Le Maroc et la Mauritanie estiment cependant l’un et l’autre avoir vocation à récupérer l’ensemble de la région ». (1 ter)
« Les Algériens n’ont pas, quoi qu’on en ait dit, de revendications territoriales sur le Sahara espagnol. L’Algérie ne s’opposerait pas, semble-t-il, à la création d’un » Etat du Sahara atlantique « . En revanche, elle écarte pour l’instant l’éventualité d’un partage territorial entre le Maroc et la Mauritanie. Les Espagnols reconnaissent aussi le droit à l’autodétermination de leur » province » saharienne. L’idée d’un » Etat saharien » respectant les intérêts économiques espagnols – notamment les investissements considérables effectués en vue de l’exploitation des gisements de phosphate de Bukraa – n’est pas écartée par le gouvernement du général Franco (…) ». (1ter )
Il y eut une autre réunion des trois chefs d’Etat le 22 juillet 1973 à Agadir . Réunion brève et protocolaire. Là encore il n’y avait aucune prémisse d’un futur partage du Sahara espagnol au contraire Boumediene tenait à ce que le différent frontalier Maurétanie Maroc se règle. Deux ans plus tard les deux « bélligérants » s’entendaient pour dépecer le Sahara Occidental sous le regard furieux du président Boumediene
Le basculement incompréhensible de l’Espagne
Le Sahara espagnol était considéré comme une colonie de l’Espagne depuis la conférence de Berlin de 1880. Le Sahara occidental a été inclus sur la liste des territoires non autonomes.
A l’époque, le Maroc ne revendiquait que la province espagnole d’Ifni qui a été libérée au bout de 11 ans au début des années 70 S’agissant du Sahara, et sous la pression des Sahraouis qui militaient pour l’indépendance l’Espagne a créé un semblant d’autonomie 24/1967 «les Djemaa» . Cependant, les Sahraouis à travers le Front Polisario voulaient leur indépendance.
Dans une atmosphère de fin du règne du général Franco mourant, l’Espagne décide de brader le Sahara Occidental dont elle avait la responsabilité d’amener à terme à l’auto-détermination «. L’Espagne a signé les accords de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie, le 14 novembre 1975. Le 20 novembre 1975, la loi sur la décolonisation 40/1975 est publiée en Espagne Comme conséquence immédiate, l’autorisation de l’Espagne donnée au Maroc et à la Mauritanie d’envahir un territoire qui ne leur appartient pas ! Hassan II, roi du Maroc, organise la marche verte (6 novembre 1975). Comme réponse, le 27 février 1976, la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) est proclamée par le Front Polisario ». (2)
« Immédiatement, Le Conseil de sécurité des Nations unies par la résolution 380/1975 a condamné l’invasion marocaine et a exhorté le Maroc à retirer immédiatement du territoire du Sahara occidental tous les participants à la marche. Pendant ce temps, la population était bombardé, on a parlé de napalm et de phosphore blanc. Le 26 février 1976, l’Espagne a informé le secrétaire général qu’à compter de cette date, elle mettait fin à sa présence dans le territoire du Sahara. Elle se considérait désormais déchargée de toute responsabilité de caractère international relative à son administration». (2)
« En 1990, l’Assemblée générale a réaffirmé que la question du Sahara occidental relevait de la décolonisation, processus que la population du Sahara occidental n’avait pas encore achevé. Le 6 septembre 199,1 il y a eu le cessez-le-feu qui devait déboucher sur la mise en place du référendum ». (2)
Les raisons du revirement
L’Espagne a une responsabilité particulière, c’était la puissance administrante. Rappelons la déclaration suivante de l’ancien ambassadeur espagnol au Maroc, Fernando Arias Salgado : «Le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui est «d’après le droit international, une norme de Jus cogens, (droit contraignant), c’est-à-dire qui ne lie pas seulement. L’ONU, en tant qu’institution, était appelée à résoudre des conflits territoriaux qui trouvent leurs origines dans la colonisation».Parmi les moyens de pression subis par l’Espagne, celui des émigrés. «L’Espagne a des raisons de craindre le Maroc qui contrôle le flux d’immigrés subsahariens tentant d’entrer sur son sol, comme ce fut le cas en août 2014 lorsque le Maroc a facilité le passage de 1 100 immigrés en 48 heures, probablement en représailles du yacht de Mohamed VI stoppé par la Garde civile espagnole dans les eaux de Ceuta». (2)
«Dans les années 1980, le Maroc, aidé par la France, érige un mur de défense qui sépare le territoire en deux, les 20% à l’est du mur étant désormais sous le contrôle du Front Polisario. Une guerre d’embuscades avec le Front Polisario prend fin en 1991, à la suite d’un cessez-le-feu. Un référendum organisé par les Nations unies sur le statut final a été reporté à plusieurs reprises. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu de 1991, le statut final du Sahara occidental reste à déterminer. Le Maroc a accepté de traiter directement et officiellement avec le Polisario en 2007 en tant qu’un des protagonistes du conflit. Le 30 avril 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 1813 qui renouvelle en substance le mandat de la MINURSO» (2) (3)
«L’Espagne a, depuis 2004, clairement abandonné sa politique traditionnelle de neutralité au sujet du Sahara occidental et affirmé son penchant pro-Marocains ainsi que l’indifférence à l’égard de la situation humanitaire critique des Sahraouis. Aujourd’hui, l’Espagne, qui compte près d’un million d’immigrés marocains sur son territoire, a développé des relations politiques, économiques et militaires (ventes d’armes) considérables avec le Maroc. Là encore, le réalisme politique tronque la légalité internationale. Pourtant à titre d’exemple, la justice espagnole a jugé le Maroc pour génocide. Le 9 avril 2015, le juge Pablo Ruz a inculqué 11 militaires et policiers de haut pour génocide au Sahara espagnol. Les hauts fonctionnaires ont été impliqués dans la mort de citoyens sahraouis du fait de torture’ (3).
«Il faut signaler enfin la deuxième trahison du peuple sahraoui par l’Espagne le 18 mars 2022. L’Espagne, puissance administrative, considère la proposition d’autonomie proposée par le Maroc comme la base la plus crédible sérieuse et réaliste pour la résolution du conflit. De fait, la reconnaissance du plan d’autonomie marocain que d’aucuns attribuent à un chantage est une conséquence de l’évolution de la situation». (3)
La position de principe de l’Algérie
L’Algérie déclare qu’elle n’a aucune ambition territoriale. Elle l’a déjà énoncé dès le début en présence de Hassan II et de Mokhtar Ould Dada. Le problème à l’époque au début des années 70 était de définir le soutien des 3 pays pour arracher l’indépendance du Sahara occidental. On connaît la suite : la collusion du Maroc et de la Mauritanie pour se partager un pays qui ne leur appartient pas. De fait et bien que cette position est lourde, l’Algérie soutient le principe d’autodétermination des peuples. Elle est pour la mise en application des résolutions (1754 (2007), 1783 (2007), 1813 (2008), 1871 (2009), 1920 (2010), 1979 (2011), 2044 (2012) et 2099 (2013) de lONU concernant l’organisation d’un référendum du peuple sahraoui sous les auspices de l’ONU. (1)
Quels sont les pays qui ont reconnu la RASD ?
Pour l’Union africaine (ancienne Organisation de l’unité africaine), la RASD est un État membre avec toutes ses prérogatives. Aucun pays arabe du Golfe ne soutient l’autodétermination du peuple saharaoui. La Ligue arabe soutient explicitement l’intégrité territoriale du Maroc. Nous voyons bien que les pays arabes sont rétifs au droit des peuples à s’auto-déterminer, n’ayant jamais combattu pour leur indépendance qui leur a été octroyée. De plus, les royautés se serrent les coudes car les peuples ne sont pas gouvernés, ils ne sont pas des citoyens mais des sujets dans un siècle où les hommes veulent aller sur Mars. Il y aurait une vingtaine de pays, la Russie, l’Espagne et le Royaume-Uni, les États-Unis font partie en théorie du “groupe d’amis du Sahara occidental”.
La position de la France toujours ambivalente : Fausse neutralité
La France est sortie enfin de sa fausse neutralité et annonce son soutien au plan marocain d’autonomie qui est de fait un changement de colonisation d’abord par l’Espagne ensuite par le Maroc. Le conflit du Sahara occidental a vu défiler 6 présidents de la Ve République qui, à des degrés divers, ont tous été du côté de l’injustice et de la négation des droits et des peuples à s’auto-déterminer. Nous allons décrire sans être exhaustifs les positions des six présidents tous alignés du côté du pays colonial.
Avec le président Valéry Giscard d’Estaing, non seulement il est pour l’invasion du Sahara par le Maroc lors de la marche verte, mais il prête ses avions pour bombarder les populations, comme le signale le gouvernement de la RASD : «Le ministère sahraoui de la Défense a annoncé, le 18 décembre 1976, dans un communiqué, que deux escadrilles de douze avions Jaguar chacune, accompagnées de quatre Breguet-Atlantic, avaient «mitraillé et bombardé au phosphore et au napalm, le 15 décembre, une unité sahraouie qui regagnait ses bases, après avoir attaqué le train minéralier Zouerate-Nouadhibou. Plusieurs dizaines de combattants auraient été tués, ainsi que quarante-neuf hommes qui avaient été faits prisonniers au cours d’une attaque du train.» (4)
«Le calcul du président français Giscard d’Estaing est alors stratégique : un Sahara occidental sous contrôle marocain sera plus facilement exploitable par des entreprises françaises qu’un Sahara occidental indépendant. La France n’a pas dévié de cette stratégie et «souhaite à tout prix ne pas froisser Rabat, quitte à piétiner le droit international pour la question sahraouie». (5)
Avec le président François Mitterrand; c’est un changement de président dans la continuité de l’engagement pro-Marocain. Nous lisons : Cela fait plusieurs années que ma position dans ce domaine est connue. Telle était ma position lorsque j’étais l’un des responsables de l’opposition politique en France. Telle est toujours ma position en tant que président de la République française. J’ai toujours demandé l’autodétermination sur la base d’un référendum, les procédures de ce référendum étant sous le contrôle d’institutions internationales reconnues, je pense à l’Organisation de l’unité africaine et aux Nations unies. Je n’ai pu que me réjouir lorsque Sa Majesté Hassan II a confirmé, lors d’une conférence de l’Organisation de l’Unité africaine, qu’un référendum sur la base que je viens d’indiquer – ou à peu près – verrait le Maroc s’y rallier et le soutenir.
L’autodétermination des populations au Sahara : ceux qui peuvent s’en réclamer parce qu’ils y sont nés, parce qu’ils y ont leurs attaches. Il existe pour cela des documents passés et il existe une réalité actuelle. Il appartient précisément à des gens impartiaux, sous contrôle international, de définir exactement les conditions de ce fameux recensement qui conditionne le référendum » (6) (à suivre)
Avec le président Jacques Chirac, la transition Mitterrand-Chirac a fait dans la continuité. La France a constamment soutenu le Maroc. Elle engage l’opération extérieure Lamantin de décembre 1977 à juillet 1978, au cours de laquelle les Jaguar français décollent secrètement de Dakar pour prêter main-forte à la Mauritanie contre les colonnes du Polisario.
En 1981-1982, alors que le président de la République et le patron du SDECE viennent de changer après l’élection de François Mitterrand, le soutien de la France au Maroc reste entier : janvier 1983, les services français épaulent le Maroc dans la construction du premier «mur» (juin 1982), dit du «triangle utile» qui met un terme aux offensives meurtrières du Polisario». (7)
Entre 1982 et 1987, les six murs de protection sanctuarisent 80% du territoire saharien au profit du royaume. Après le double septennat de François Mitterrand et le soutien de ses proches conseillers et ministres «marocophiles», la présidence de Jacques Chirac passe à un degré supérieur de soutien politique et diplomatique à la politique du royaume. Jacques Chirac, invité par Hassan II à assister son fils comme s’il était le sien, intensifie le soutien de la France à Rabat. Le 6 novembre, le roi déclare, avec l’assentiment de la France : «Notre unanimité nationale en faveur de l’option démocratique régionale (…) (est une) solution rendant le projet de référendum tel que prévu dans le plan de règlement onusien caduc, car inapplicable. Avec l’assentiment de la France, le Maroc sort d’un cadre que la démographie saharienne rend aléatoire. Lorsqu’en mars 2003, l’ONU, sur proposition de James Baker, relance la proposition d’autonomie transitoire dans l’attente d’un référendum d’autodétermination, le Royaume réfute le plan de paix et son promoteur démissionne en 2004». (7)
Le Plan d’autonomie rédigé avec l’aide de la France
Pierre Vermeren ajoute : «Le Maroc adresse une proposition à la communauté internationale en février 2007 pour reprendre l’initiative : un plan de «large autonomie» du Sahara, dans le cadre de la souveraineté marocaine. À en juger par le retentissement médiatique, politique et diplomatique qui lui est réservé à Paris, la France le soutient. Elle est dirigée par le tandem marocophile Jacques Chirac-Dominique de Villepin (qui se prévaut de sa naissance à Rabat). La dépêche d’agence, qui tient du communiqué officiel marocain, précise que ce document constitue «l’avant-projet de la proposition de doter les provinces du sud d’une autonomie, dans le cadre de la souveraineté du Royaume, de son unité nationale et de son intégrité territoriale». (7)
Cela va plus loin. Dominique de Villepin, Premier ministre, a bafoué une règle cardinale de la dignité, celle des peuples à disposer d’eux-mêmes. On se souvient, comme le rapporte Amine Ben du site Algérie Patriotique, que : «(…) C’est précisément le soutien sans limite de la France au Conseil de sécurité qui permet au Maroc d’esquiver l’application des résolutions des Nations unies et la mise en œuvre du référendum pour l’autodétermination au Sahara occidental. D’ailleurs, et selon les révélations du journaliste marocain Omar Brousky dans La République de sa majesté, c’est dans le bureau même de Dominique De Villepin, au Quai d’Orsay, que fut concocté le «plan d’autonomie» proposé par le Maroc et la France, affolés par la perspective d’un référendum et la mise en œuvre du plan Baker qui aurait abouti à l’indépendance du Sahara occidental». (8) (9)
L’appui de Paris : un énième cadeau concédé à Rabat
Dans un article sans concession, l’hebdomadaire explique les non-dits de cette reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental qui puise ses fondements dès l’invasion par la marche verte. Nous lisons cette récapitulation globale : les gouvernements français «n’ont cessé de courber l’échine devant les outrances marocaines». «Marianne» a déploré la position de la diplomatie française qui «s’est une nouvelle fois prosternée devant la monarchie marocaine». Dans un long article intitulé «Espionnage, droit international, désinformation… pourquoi la France cède-t-elle autant face au Maroc?», le magazine s’est demandé «de quoi ont peur au juste les Français». L’auteur de l’article rappelle les circonstances entourant l’occupation en 1975 du Sahara occidental par le Maroc, affirmant même que Paris avait soutenu l’invasion militaire marocaine». (10)
«La seconde courbette, et pas la moindre, intervient en 2021, rappelant, à ce titre, l’affaire d’espionnage par le Maroc des téléphones personnels du président Macron et de l’ensemble de ses ministres. «Là encore, la réponse de Paris est molle», Le magazine revient, en outre, sur les attaques de la presse marocaine affidée au Makhzen contre la personne du président Macron et les atteintes à sa vie privée. «Le Maroc utilise également le «chantage» migratoire pour obtenir des «gains diplomatiques», avance «Marianne», précisant qu’en 2022, huit personnes sur dix ayant rejoint illégalement le territoire espagnol étaient passées par le Royaume chérifien. «Une statistique ayant fait plier l’Espagne, contrainte, avant la France, d’adopter la même position vis-à-vis du Sahara occidental. Pour renforcer son occupation au Sahara occidental et prouver sa prétendue «souveraineté» sur ce territoire, le Maroc a usé également de l’arme de la désinformation. Au niveau médiatique, Abdelmalek Alaoui chapeaute la désinformation, obtenant des tribunes dans de prestigieux médias tels que Le Monde et Le Figaro», révèle le magazine français, faisant remarquer que «l’homme est un proche du conseiller du roi, André Azoulay». Il relève aussi une autre pratique cultivée par l’entourage de la monarchie, celle de «l’invitation de journalistes français pour des publireportages».(10)
«C’est la France du président Giscard qui a conseillé et couvert l’occupation marocaine du Sahara occidental. Quand le Maroc n’a pas pu combattre les Sahraouis, c’est l’aviation française qui a bombardé les Sahraouis civils et combattants. Quand le dossier est arrivé au Conseil de sécurité, c’est la France qui s’est opposée. Et quand le Conseil de sécurité a voulu élargir la Minurso aux droits de l’homme, c’est la France qui s’est opposée. La France a été chassée des pays africains dont elle profitait des richesses. La seule façon d’y retourner, c’est par l’intermédiaire du Maroc, pays soumis à l’Occident. En plus, Macron semble alléché par les richesses du Sahara que le Maroc lui a fait miroiter car tous les Africains se sont enfin réveillés et ont mis fin à l’ingérence de la France et à l’exploitation de leurs richesses par ce pays colonisateur». (10)
La reddition du président Sarkozy «En effet, lors de sa visite au Maroc du 22 au 24 octobre 2007, Nicolas Sarkozy a déclaré que la France était du «côté du Maroc» au Conseil de sécurité de l’ONU et a souhaité que le plan d’autonomie du Maroc, qu’il décrit comme «sérieux et crédible», puisse servir de base pour la négociation et engendrer une «solution raisonnable». Le président Nicolas Sarkozy a soutenu la proposition d’autonomie en déclarant : «Le plan d’autonomie marocain existe, il est sur la table et il constitue un élément nouveau de proposition, après des années d’impasse. Je veux prendre mes responsabilités en tant que chef de l’État : le Maroc a proposé un plan d’autonomie sérieux et crédible en tant que base de négociation Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la France a aussi bloqué les tentatives d’inclure dans la résolution du Conseil de sécurité la protection des droits de l’homme dans le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO)». (10)
La parenthèse avec le président François Hollande Cette fois, c’est un président de Gauche comme Mitterrand qui enfonce le clou : «Cette fleur n’a pas été la seule concession faite» par Paris à Rabat, citant la mise au placard par le président Hollande d’une procédure judiciaire visant le chef des services marocains de renseignement, Abdellatif Hammouchi, accusé en France de complicité de torture par des militants sahraouis et opposants marocains. (10)
«Cette position de l’État français n’a pas changé sous la présidence de François Hollande. À titre d’exemple, on pourra citer l’opposition de la France à l’inclusion d’un texte présenté par l’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, un texte qui, pour la première fois, chargeait la MINURSO de faire respecter les droits de l’homme au Sahara occidental.» (11)
La Déclaration sans surprise du Président Macron
Il ne faut pas s’étonner, de ce fait, de la déclaration du président Macron. Il ne fait qu’être fidèle à la politique de la France de deux fers au feu. Se gargariser des droits de l’homme et refuser la dignité à un peuple de s’auto-déterminer ne grandit pas les Occidentaux. Le 30 juillet 2024, en effet, le président de la République française, Emmanuel Macron, déclare : «Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», ce à quoi l’Algérie répond immédiatement en rappelant son ambassadeur en France. La position actuelle de la France ne doit pas nous étonner surtout si on ajoute deux facteurs : la France chassée des pays du Sahel soustraite au Maroc ses relations et, de plus, les attendus de l’exploitation par les entreprises françaises vont compenser ses pertes africaines.
«Dans le même ordre, souvenons-nous, écrit Damien LeLoup, du «Projet Pegasus» : un téléphone portable d’Emmanuel Macron dans le viseur du Maroc. En 2019, les numéros du chef de l’Etat, de son Premier ministre et de 14 ministres alors en exercice ont été sélectionnés pour une éventuelle mise sous surveillance par le logiciel espion. Contacté par Le Monde, l’Elysée affirme : «Si les faits sont avérés, ils sont évidemment très graves. Toute la lumière sera faite». Le président Macron n’a pas protesté par rapport à ces révélations».(12)
Conclusion
Nous avons décrit rapidement le problème de décolonisation et la place qu’a occupée la France qui, à des degrés divers, par son refus de dire le droit s’est fourvoyée dans une reconnaissance qui n’apporte rien de nouveau et n’aura aucune influence sur la détermination des Sahraouis à se battre, c’est de fait inutilement prolonger la souffrance d’un peuple qui ne demande qu’à vivre sur sa terre. Car le Sahara occidental est la dernière colonie en Afrique ; sa décolonisation reste une question de légalité internationale. Par conséquent, priver le peuple sahraoui du droit à l’autodétermination est une injustice et une violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Tout est permis pour le Maroc : les passe-droits, les manquements à la dignité humaine, tant que les trois membres du Conseil de sécurité veillent au grain et bloquent tout ce qui peut gêner le Maroc.
Dans le prochain article, nous verrons comment réagit la classe politique française, la position des Etats-Unis et d’Israël, celles des Nations unies et de l’Union européenne. Nous donnerons quelques indications sur la façon de fonctionner des lobbys favorables au Maroc.
1.https://fr.wikipedia.org/wiki/Sahara_occidental
1.bis Paul Dessens Le litige du sahara occidental La Documentation française 1976/1 n° 71 https://www.cairn.info/revue-maghreb-machrek1-1976-1-page-28.htm
2.https://fr.wikipedia.org/wiki/Sahara_occidental
3.https://saharaoccidental.es/francais/une-breve-histoire-du-sahara-occidental/
5.https://ouest-tribune.dz/un-enieme-cadeau-concede-a-rabat-estime-la-presse-francaise/ 208
7.Pierre Vermeren 23 avril 2015 https://orientxxi.info/magazine/engagement-de-la-france-sur-le-sahara,0869
8.Chems Eddine Chitour https://blogs.mediapart.fr/semcheddine/blog/260524/de-villepin-alger-courage-et-lucidite-sur-les-convulsions-du-monde 26 mai 2024
10.https://ouest-tribune.dz/un-enieme-cadeau-concede-a-rabat-estime-la-presse-francaise/
11. https://books.openedition.org/pufr/21250?lang=fr
12.Damien Leloup https://www.lemonde.fr/projet-pegasus/article/2021/07/20/projet-pegasus-un-telephone-portable-d-emmanuel-macron-dans-le-viseur-du-maroc_6088950_6088648.html
Article de référence:
Chems Eddine Chitour https://elwatan-dz.com/sahara-occidental-la-defaite-du-droit-international-1re-partie 07/08/2024
Chems Eddine Chitour https://elwatan-dz.com/sahara-occidental-la-defaite-du-droit-international-2-e-partie-et-fin 08/08/2024
Pr émérite Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger 1925- 2025
Source: Blogs.mediapart.fr