Mauritanie

Rompre avec le pessimisme| Par Mohamed El Mounir∗

Rompre avec le pessimisme| Par Mohamed El Mounir∗
Un vent de pessimisme souffle sur notre pays. Conséquence de la perte de confiance des Mauritaniens dans les élites politiques, incapables d’apporter des solutions aux problèmes pressants d’une population déprimée, faute de perspectives prometteuses.
Les Mauritaniens sont en effet convaincus que ceux qui prétendent vouloir réformer le pays le font juste par calcul du « ventre », d’où cette perception répandue que la politique est la voie royale de l’enrichissement. Un phénomène de perte de confiance qui discrédite toute velléité de réforme, décourage les vocations et favorise la résignation et le statu quo.
Mais cette morosité ambiante est aussi entretenue par la prolifération d’un discours nihiliste et populiste, qui prospère essentiellement sur les réseaux sociaux, porté de manière décomplexée par des donneurs de leçons qui se présentent en parangon de la morale, disséminant la sinistrose, cultivant les doutes quant aux intentions supposées des uns et des autres, jetant l’anathème de manière généralisée et indifférenciée, par la critique facile et les jugements à l’emporte-pièce. Ce nihilisme-là est pire que tout. Il tue l’espoir.
Dans ces conditions, il devient impératif de rompre avec la prédominance du pessimisme, en ressuscitant l’espoir, en prêchant l’optimisme, en répétant systématiquement que les choses évolueront et que la situation changera dans le bon sens.

Insuffler la joie

Nous devons insuffler et répandre la joie de vivre, par la promotion d’initiatives positives, en matière d’art, de musique, de culture, de cinéma, de sport…quelque chose qui nous fait oublier nos problèmes du quotidien et qui montre qu’on peut vivre heureux, malgré la situation démoralisante du pays.
Par exemple, nous devons communiquer de manière constructive, en répétant que l’exploitation du gaz naturel offrira des perspectives prometteuses et ouvrira de vraies opportunités, en termes de croissance économique et de développement humain, et que cette chance ne sera pas dilapidée, comme on l’avait fait pour le pétrole en 2006.
Mais il faut aller bien au-delà des déclarations vertueuses et des discours optimistes sur les réformes, car il y a vraiment urgence de répondre aux attentes prosaïques de populations de plus en plus impatientes.
Parallèlement aux effets d’annonce, il faut en effet passer à l’action et montrer que les chantiers sont engagés, pas nécessairement sous forme de multiplication de comités interministériels, de visites de terrain, d’augmentation limitée de salaires ou de distribution d’aides sociales, de baisse symbolique du prix du gaz domestique ou du ciment, qui restent des mesures populistes et populaires, certes nécessaires mais insuffisantes.
Il faudrait aller plus loin. Beaucoup plus loin. La situation du pays exige des réponses fortes et des moyens conséquents, une politique volontariste et des programme ambitieux, pour produire des résultats significatifs, concrets et visibles, par une amélioration tangible des conditions de vie des populations.
Concrètement, il faut produire une vision intégrée et un projet de société, susceptibles d’accélérer le développement du pays. Préparer ensuite un plan d’urgence, avec un train de mesures à mettre en œuvre immédiatement, et amorcer, en parallèle, une réflexion impliquant tous les acteurs, sur les réformes requises à plus long terme.

Se retrousser les manches

Il s’agit de se mobiliser et de se retrousser les manches pour affronter les priorités urgentes et les défis structurels, en libérant le pays de la pauvreté, de l’ignorance et de la corruption, et en apportant de vraies solutions au délabrement des infrastructures, à la faiblesse des services de base, et au désespoir des jeunes, face à l’absence de perspectives.
Auparavant, il faut reprendre en main l’appareil d’Etat, en identifiant les meilleurs éléments, au sein de l’administration, intègres et passionnés, les installer aux postes décisionnels, et leur conférer la marge de manœuvre nécessaire pour servir l’Etat et la société.
Il faut engager une guerre sans merci contre la corruption, surtout que notre pays est confronté à un niveau élevé de corruption, incontestablement le principal danger qui guette notre développement. Et les indicateurs sont là pour le prouver : nombre hallucinant de marchés de gré à gré, absence de sanctions contre les corrupteurs et les présumés corrompus, enrichissement sans cause et train de vie dispendieux de certains fonctionnaires, n’hésitant pas à faire un étalage ostentatoire et indécent de fortunes mal acquises.
Pour transfigurer la nature patrimoniale de l’État, nous devons mettre en œuvre une stratégie proactive de lutte contre la corruption, en vue d’identifier et de réduire les opportunités de malversations, avec des garde-fous et des dispositifs efficaces de contrôle des dépenses publiques. La priorité devrait être accordée à la prévention, au contrôle a priori et à la répression, pour mettre fin à l’impunité, à travers une application rigoureuse de la loi.
Si le défi de la corruption n’est pas traité de manière adéquate, en mettant un terme au pillage systématique des ressources publiques, il risque d’entrainer un processus irrémédiable de délitement de l’État.
En définitive, ressusciter l’espoir passe nécessairement par l’appropriation de telles réformes, indispensables pour apaiser les frustrations, répondre aux attentes les plus pressantes et éviter l’exacerbation de la colère populaire. Le changement par petits pas est un luxe pour une société qui a atteint un point de rupture.

∗Mohamed El Mounir, docteur en science politique, ancien fonctionnaire des Nations Unies

Source: le Calame

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