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Remaniement ministériel en Mauritanie : quatre départs, des retours stratégiques et une montée en puissance

En Mauritanie, le départ de quatre ministres et le retour de figures comme Naha Mint Mouknass et Sid’Ahmed Ould Mohamed révèlent une manœuvre stratégique à deux ans et démi des élections générales.

Remaniement ministériel en Mauritanie
Le décret est tombé, implacable comme toujours. Quatre ministres ont quitté la table gouvernementale sans tambour ni trompette : le ministre des Affaires islamiques, celui de la Santé, celui de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, et enfin le ministre de l’Élevage. Une sortie groupée, sèche, sans discours d’adieu ni hommages fleuris. En Mauritanie, les ministres partent souvent comme ils arrivent : dans un silence administratif, presque anonyme.

Et pourtant, les chaises laissées bruissent encore de mille interprétations. Que s’est-il donc passé pour que Sidi Yahya Ould Cheikhna, Abdallahi Ould Wedih, Memma Beibatta et Moctar Ould Gaguih quittent si vite le second gouvernement de Moctar Ould Diay ?

Les observateurs attentifs, notamment RapideInfo et d’autres plumes locales, évoquent des indices : le budget rectificatif qui appelle à une redistribution plus fine, les chantiers sociaux qui s’enlisent, la communication effervescente autour de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire… Comme si le pays exigeait soudain un changement de rythme, de souffle, de symboles.

La Santé ? Un secteur sous tension permanente, pris entre promesses d’infrastructures et plaintes quotidiennes des malades. L’Agriculture et l’Élevage ? Domaines stratégiques, fragiles face aux sécheresses et aux prix des denrées, où chaque retard se paye politiquement. Les Affaires islamiques ? Un ministère symbolique, scruté pour sa capacité à harmoniser discours religieux et modernité sociale.

Nulle charge officielle n’a été retenue contre ces ministres. Nulle critique ouverte d’un député ou d’un parti n’a franchi le filtre de la presse. Mais dans les cafés de Nouakchott comme dans les colonnes d’éditoriaux, une conviction s’installe : il fallait envoyer un signal. Montrer que le gouvernement peut encore se réinventer, que la Présidence garde la main ferme et qu’aucun portefeuille n’est à l’abri d’un coup de plume présidentiel.

Personnellement, certaines nominations attirent l’attention. La montée en puissance de Mohamed Ould Soueidatt, un proche du Premier ministre Moctar Ould Diay, en est l’exemple le plus frappant : premier nom sur la liste communiquée jeudi soir, il quitte la Fonction publique pour prendre en main le hautement stratégique ministère de la Justice. Autre fait marquant : Abdallahi Ould Souleymane Ould Cheikh Sidya, ancien ministre sous le régime de la transition du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), fait son retour au ministère des Affaires économiques et du Développement.

Ce réajustement est aussi marqué par le retour en force de quelques poids lourds politiques. Sid’Ahmed Ould Mohamed, ex-président du parti INSAF, prend la tête du ministère de l’Élevage, tandis que Naha Mint Mouknass, présidente de l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UDP), retrouve une place centrale à l’Habitat, l’Urbanisme et l’Aménagement du territoire. Une orientation loin d’être anodine, à moins de deux années des prochaines élections générales et une faveur que Coumba Ba même si nous estimons qu’elle puisse être en droit n’en a pas bénéficié. Dans le même mouvement, Mariam Boydiel fait son entrée au gouvernement, héritant du fauteuil de la Fonction publique et du Travail.

Alors, simple ajustement technique ou manœuvre stratégique ? Les paris vont bon train. Certains y voient la volonté d’injecter du sang neuf avant les grands rendez-vous économiques et sociaux. D’autres soupçonnent des calculs plus subtils : équilibre tribal, représentativité régionale, fidélité politique… Tout ce que la Mauritanie sait si bien mêler dans son alchimie gouvernementale.

Une chose est sûre : ces quatre chaises départs et ces nouveaux visages nous rappellent que le pouvoir mauritanien aime les surprises. Et qu’en attendant, les ministres en place dorment rarement d’un sommeil tranquille.

Ahmed Ould Bettar

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