Relations Maroc-France : La nature a horreur du vide.
Relations Maroc-France : La nature a horreur du vide.
Publié le 07 octobre 2022 dans aujourd’hui.ma
Il est donc vivement recommandé à l’Elysée de réévaluer ses relations avec le Maroc, de telle manière à leur insuffler un nouveau dynamisme, pour redonner du lustre et de l’influence à la diplomatie française, sachant que le Maroc reste un pays clef pour la France en Afrique.
Les liens entre le Royaume du Maroc et la République de France, ancrés dans l’histoire commune des deux peuples, caractérisés par un partenariat, une confiance et une amitié sans faille, ainsi que par des marques de respect mutuel et de collaboration passent, actuellement, par une crise que beaucoup de politologues et de diplomates éclairés qualifient de transitoire et de cyclique.
Ces mêmes experts reprochent l’équanimité de l’Elysée, l’invitant à admettre les nouveaux paradigmes des relations internationales et tenir compte des puissances régionales émergentes qui n’existaient pas il y a une dizaine d’années et qui, aujourd’hui, ont leur mot à dire dans le paysage géopolitique de leurs régions.
Revenons quelques années en arrière: Emmanuel Macron avait réservé au Maroc, en date du 14 juin 2017, sa première visite au Maghreb, en tant que président, sur invitation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste. Ensuite, le 15 novembre 2018, le président français y retourne pour inaugurer, cette fois-ci, avec l’Auguste Monarque, la Ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca, considérée comme la ligne africaine la plus rapide.
Deux visites présidentielles qui ne peuvent – quoi que l’on en dise – que témoigner des relations privilégiées, entretenues entre le Maroc et la France. Mais que s’est-il vraiment produit au juste depuis pour se retrouver dans un froid glacial entre Paris et Rabat ?
Contrairement à ce que certains disent, ni l’histoire des migrants, ni le scandale Pegasus, ni l’affaire liée au contrôle des institutions de l’Islam de France ne justifieraient un tel revirement. Seule explication : l’influence, de plus en plus forte, du Maroc en Afrique, ses victoires diplomatiques successives dans le dossier du Sahara, son rapprochement démesuré avec plusieurs puissances (Etats-Unis d’Amérique, Israël, Espagne, Allemagne, Angleterre,…), couronnés par la signature d’une batterie d’accords stratégiques et la réalisation d’importantes transactions commerciales.
C’est dans ce contexte que la France s’est sentie trahie – ce qui est absolument faux – réagissant dans la précipitation au point de compromettre ses propres intérêts.
Pourtant, la vérité est tout autre car tout simplement, les nouvelles puissances régionales ont réussi à imposer leurs visions du monde aux grandes puissances, entraînant une ardente réorganisation du système international, basé, dorénavant, sur une logique constante de partenariat gagnant-gagnant.
L’époque où une poignée de puissances majeures se partageait le monde est révolue, surtout que celles-ci ne sont plus en mesure d’y exercer un contrôle effectif, y compris sur leurs principaux alliés.
En situant les choses dans leur contexte, il semble parfois difficile mais bien loin d’être impossible pour un pays (France) de maintenir une bonne amitié avec l’un de ses partenaires stratégiques (Maroc), face à une rivalité acharnée d’une ou de plusieurs puissances, où la convoitise et l’envie, induites par la concurrence, peuvent démolir les interactions, à même de produire un conflit ouvert ou à moindre mesure, un ressentiment caché.
La France peut-elle continuer à garder le silence face à une telle situation ? Non, absolument pas car les intérêts en jeu sont énormes.
Tôt ou tard, Macron finira par se faire tordre le bras et tirer l’oreille pour reconnaître la marocanité du Sahara, ce qui serait la bonne chose à faire.
L’Elysée et le Quai d’Orsaydans la tourmente
Beaucoup d’investisseurs et d’hommes d’affaires, marocains et français, s’apitoient de la situation actuelle, s’importunant de retrouver le cours normal des choses, habituellement marqué par un dynamisme positif des relations bilatérales.
Personne ne serait non plus étonné de voir combien même le nombre de Français qui ne considèrent pas le Maroc comme un territoire étranger, mais comme le prolongement de leur marché intérieur : une familiarité qui est un facteur incalculable dans l’avenir des deux nations.
S’y ajoute le fait que le tiers des Marocains parle français, dont 13,5% sont, parfaitement, francophones, selon l’Organisation internationale de la francophonie.
Refuser des visas à cette catégorie de personnes ne serait-il pas une manière, pour la France, de se porter préjudice, sachant que sa diplomatie mobilise 600 millions d’euros (1) en vue de promouvoir le français et la francophonie. Ce qui limite également les voyages d’affaires et touristiques, empêchant l’établissement de relations pérennes, mutuellement fructueuses entre Marocains et Français.
N’oublions pas non plus le rôle joué par le renseignement marocain, sous la vision éclairée de SM le Roi Mohammed VI, qui n’a eu de cesse de placer son expérience et son expertise au service de la France, en vue d’éviter, à maintes reprises, des bains de sang et d’éventuelles attaques inhumaines contre le territoire français et européen.
En un seul mot : la réciprocité des intérêts impose un retour imminent à la normale, voire un plus profond ancrage des liens multidimensionnels qui unissent les peuples marocain et français.
Il n’est pas dans l’intérêt de Paris de garder le silence
Le Maroc a tout compris, en proclamant que c’est une grande nation ouverte aux quatre coins du monde et que sa richesse et son développement reposent sur la diversité et la pluralité de ses partenaires, dans le temps et dans l’espace, tout en étant intransigeant vis-à-vis de ses relations qui doivent, impérieusement, être axées sur la réciprocité, basées sur les intérêts mutuels et dénuées de toutes formes d’ambiguïté ou de mauvaises intentions.
«S’agissant de certains pays comptant parmi nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara sont ambiguës, Nous attendons qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque» : des propos repris du discours adressé par SM le Roi Mohammed VI à la nation à l’occasion du 69è anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, dont la France en serait, vraisemblablement, concernée, en tant que partenaire traditionnel.
Ce qui insinue, que pour tout éventuel réexamen de ses relations avec le Royaume chérifien, Paris est invitée à sortir de son silence pour considérer l’initiative marocaine d’autonomie comme unique solution pour la résolution du règlement du différend au sujet du Sahara.
Un appel s’ajoutant à plusieurs voix de citoyens marocains et français, hommes d’affaires, artistes, écrivains, scientifiques, intellectuels, politologues, francophones, francophiles, membres d’associations, de fondations, ce qui permettrait à la France de se concentrer sur les aspects concrets d’une réconciliation, pour un partenariat profitable pour les deux pays, à tous les niveaux : économique, commercial, industriel, culturel, environnemental, énergétique et sécuritaire. Outre la dimension bilatérale, le Maroc et la France disposent de tous les atouts et se complètent pour investir, ensemble, des espaces géographiques d’intérêt commun, à l’exemple de l’Afrique ou de la Méditerranée.
«La nature a horreur du vide», disait le philosophe Aristote. A cet égard, il n’est nullement dans l’intérêt de la France de passer sous silence le gel actuel de ses relations avec le Royaume, surtout que Rabat par son actuel pouvoir d’influence, excessivement fort, joue déjà dans la cour des grands, sur les plans africain, régional, voire mondial.
La raison finit toujours par avoir le dernier mot
Il est donc vivement recommandé à l’Elysée de réévaluer ses relations avec le Maroc, de telle manière à leur insuffler un nouveau dynamisme, pour redonner du lustre et de l’influence à la diplomatie française, sachant que le Maroc reste un pays clef pour la France en Afrique.
Pour terminer, je reprendrais les récents propos publiés par l’ancienne ambassadrice de France à Rabat, Hélène le Gal, sur Twitter, lesquels témoignent de la particularité des relations Maroc-France, deux partenaires inséparables, dont le proche avenir s’annoncerait prometteur.
«Lors de mon audience avec M. Bourita, ministre des affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, à la fin de mon mandat de 3 ans, je me suis souvenue de cette première rencontre, 3 ans riches de partenariats, de rencontres Maroc-France. Merci à ceux qui les font vivre».
Quoi qu’il en soit, ce n’est qu’une question de temps : la raison finit toujours par avoir le dernier mot.
(1) – https://www.gouvernement.fr/action/la-francophonie..
Docteur en droit/Expert en intelligence économique
Analyste en stratégie internationale/Auteur du concept d’intelligence diplomatique
Source: aujourd’hui.ma