La réforme foncière de Haidalla en 1983!
Analyse approfondie de la réforme foncière de 1983 en Mauritanie sous Haidalla : origines, principes juridiques, impacts sur les terres coutumières, conflits sociaux et perspectives actuelles.

Adoptée en 1983 sous le régime militaire du colonel Mohamed Khouna Ould Haidalla, la réforme foncière mauritanienne a profondément bouleversé les équilibres hérités des systèmes coutumiers. En proclamant que « la terre appartient à la nation », l’ordonnance du 5 juin 1983 a instauré une nouvelle logique de propriété individualisée et étatisée, au nom de la modernisation agricole et de l’autosuffisance alimentaire. Plus de quarante ans plus tard, cette réforme continue de façonner les rapports à la terre, d’alimenter les conflits sociaux et de poser la question toujours sensible de la reconnaissance des droits traditionnels.
La réforme foncière de 1983, formalisée par l’ordonnance n°83-127 du 5 juin, a radicalement transformé les terres coutumières en passant d’un système collectif et pastoral à un régime individualiste subordonné à l’État, déclarant que « la terre appartient à la nation » pour favoriser l’exploitation agricole intensive .
Cette mesure, adoptée sous le régime militaire du colonel Haidallah, visait l’autosuffisance alimentaire via des projets hydro-agricoles dans la vallée du fleuve , mais a souvent fragilisé les communautés traditionnelles dépendant d’usages extensifs et saisonniers .
Elle abolit les tenures collectives au profit d’une individualisation, distinguant patrimoines fonciers traditionnels (où la propriété privée émerge via partage) du domaine national (terres vacantes ou non mises en valeur), exposant les « terres mortes » à une reprise étatique .
Origines et principes fondamentaux.
Avant 1983, les terres coutumières étaient gérées par des clans ou tribus via des droits d’usage consensuels : pâturages nomades, cultures de décrue et réserves collectives pour les vulnérables, sans titres formels mais ancrés dans la tradition orale .
L’article 1 de l’ordonnance ouvre l’accès à tout Mauritanien pour acquérir une propriété par concession ou individualisation, tandis que l’article 3 supprime explicitement ces tenures collectives, imposant un partage en parcelles familiales perpendiculaires aux cours d’eau, avec 10% minimum réservé à l’État pour l’intérêt public .
Cette logique modernisatrice répondait aux blocages des systèmes coutumiers face aux investissements (SONADER, SAED), mais ignorait souvent la flexibilité pastorale arabe-berbère.Mécanismes d’impact sur les terres coutumièresIndividualisation forcée : Les patrimoines traditionnels subissent un partage administratif (décret 1984), prouvant l’emprise par cultures permanentes, plantations ou infrastructures ; sans cela, les terres intègrent le domaine national (article 9), perdant leur statut coutumier .
Définition des « terres mortes » :
Terres jamais cultivées ou abandonnées sans mise en valeur effective reviennent à l’État, priorisant les grands projets ; les occupations antérieures à 1983 sont protégées si prouvées, mais les usages saisonniers (pâturages) sont requalifiés comme insuffisants .
Procédures de concession :
Demande auprès des autorités locales, enquête et octroi conditionné à l’exploitation ; absence de mise en valeur entraîne désaffectation après mise en demeure, non automatique .
Conséquences socio-économiques et conflits
Cette réforme a accéléré l’accaparement étatique et spéculatif dans les zones fertiles, exacerbant les inégalités : les puissants (élites urbaines, investisseurs) ont obtenu de vastes concessions, tandis que pasteurs et petits cultivateurs perdaient leurs accès collectifs, favorisant exode rural, endettement et conflits intertribaux .
Les femmes et jeunes, sans moyens d’exploitation intensive, ont vu leurs parts cédées ou saisies, rompant l’équilibre social coutumier basé sur la solidarité .
Judicialement, la Cour suprême a annulé des abus, mais les rumeurs d' »expropriation pour non-culture » persistent, déformant un processus encadré par des recours .
Évolutions, résistances et perspectives.
Les résistances locales (recours judiciaires, mobilisations) ont conduit à des régularisations partielles pour emprises pré-1983, et des décrets d’application intègrent des enquêtes communautaires .
Post-1983, des réformes proposées hybrident coutume et modernité, reconnaissant partiellement les droits pastoraux face aux changements climatiques.
Aujourd’hui, l’accaparement persiste, mais la loi protège via garanties d’État (article 20).
Un conseil pratique pour les populations.
Sécurisez vos droits : Rassemblez preuves (témoignages, photos coloniales, récoltes) pour demander individualisation ou concession gratuite.
Réagissez aux menaces : Contestez mises en demeure par démonstration de capacité (outils, projets familiaux) ; recours au tribunal administratif.
Prévention : Formez groupements pour concessions collectives résiduelles ; évitez ventes illégales et surveillez attributions domaniales locales.
Abdoulaziz DEME
Le 18 décembre 2025



