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Réconciliation Linguistique et Culturelle : Redéfinir l’Identité Nationale en Mauritanie

Réconciliation Linguistique et Culturelle : Redéfinir l’Identité Nationale en Mauritanie
La question de l’inclusion linguistique et culturelle en Mauritanie ne relève pas simplement d’un débat sur la diversité : elle interroge les fondements mêmes du projet national. Depuis l’indépendance, l’État a fait le choix d’une uniformisation par l’arabité, au détriment des réalités culturelles et linguistiques profondes qui façonnent le pays. Or, aucune nation ne peut se construire durablement sur le déni de ce qu’elle est en vérité.
Le modèle américain, à ce titre, offre une piste de réflexion lucide. En l’absence d’un ministère central de la Culture, ce sont les communautés elles-mêmes, dans un cadre juridique protecteur, qui assurent la préservation et la transmission de leurs langues, de leurs savoirs et de leurs expressions. Ce modèle décentralisé ne folklorise pas la diversité : il en fait une force constitutive de la cohésion nationale. Chaque langue y est une richesse, chaque culture un pilier de la démocratie vivante.

Chez nous, à l’inverse, la centralisation autoritaire de la culture a conduit à la marginalisation des langues nationales pulaar, wolof, soninké, bambara reléguées en seconde zone , exclues de l’école, absentes des médias publics. Mais plus grave encore, elle a invisibilisé les parlers historiques tels que le hassaniya et les parlers berbère, pourtant enracinés dans l’histoire du pays. Ironie douloureuse: ce sont de ces parlers que sont issus plusieurs des promoteurs les plus fervents de l’arabisation. Pourtant, leurs propres langues sont aujourd’hui niées, sacrifiées au profit d’un arabe standardisé présenté comme seul horizon linguistique légitime.
Ce refus d’officialisation linguistique est une violence symbolique majeure. Il prive des millions de citoyens de leur droit à la parole publique, les exclut des dynamiques de production du savoir, et les éloigne du sentiment d’appartenance à une patrie commune. Il alimente les frustrations, creuse les fractures, et affaiblit l’unité nationale au lieu de la renforcer.

Rebâtir la nation suppose donc un changement de paradigme. Il ne s’agit plus de tolérer la diversité linguistique, mais de l’instituer. Il faut conférer aux langues nationales un statut officiel clair, les introduire dans l’enseignement, les valoriser dans les institutions publiques, les promouvoir dans les espaces culturels et médiatiques. Il faut restaurer l’égalité linguistique comme fondement d’une démocratie vivante et d’un vivre-ensemble durable.
Ce n’est pas une imitation aveugle d’un modèle étranger. C’est une réappropriation de notre réalité historique. La Mauritanie est, de fait, plurielle : multilingue, multiethnique, multiculturelle. Assumer cette vérité, c’est choisir la justice contre l’effacement, la reconnaissance contre l’exclusion, la cohésion par la diversité et non par l’imposition.
Une nation qui se respecte commence par écouter toutes ses voix. L’unité réelle ne se décrète pas, elle se construit par la reconnaissance active de chacun dans ce qu’il est, dans ce qu’il parle, dans ce qu’il transmet. C’est à ce prix que la Mauritanie pourra se refonder sur des bases solides, justes et partagées.

Yaaya Tuure
@Patriotes-unis

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