Rebâtir le vivre-ensemble en Mauritanie : les fondations d’une nation pour tous”
“Rebâtir le vivre-ensemble en Mauritanie : les fondations d’une nation pour tous”
La Mauritanie, depuis son indépendance, est traversée par des tensions identitaires, des inégalités structurelles, et des traumatismes collectifs non résolus. Si le terme de “vivre-ensemble” est souvent évoqué dans les discours officiels, il reste un concept vide tant qu’il ne repose pas sur des fondations claires, justes et concrètes. Le vivre-ensemble ne peut pas être un slogan ; il doit être un projet politique, moral et historique. Et pour qu’il soit crédible, il doit reposer sur plusieurs piliers solides.
La reconnaissance de la vérité historique
Il n’y a pas de paix sans mémoire, ni de réconciliation sans reconnaissance. Les crimes d’État commis dans les années 1980-1990 – exécutions, déportations, discriminations, confiscations de terres – doivent être pleinement reconnus.
• Une commission vérité et justice indépendante doit être mise en place pour établir les faits et identifier les responsabilités.
• L’histoire réelle de la Mauritanie, incluant l’esclavage, le racisme d’État, les purges ethniques, les résistances doit être enseignée dans les écoles.
Reconnaître, ce n’est pas diviser. C’est libérer. Tant que l’État mauritanien refusera de regarder son passé en face, il sera incapable de bâtir un avenir commun.
L’égalité citoyenne comme socle républicain
Le vivre-ensemble ne peut pas coexister avec un système où l’appartenance ethnique détermine l’accès à l’école, à l’emploi, à la terre ou au pouvoir. Il faut :
• Mettre fin à toutes les formes de discrimination systémique dans l’administration, l’armée, la justice et les médias.
• Réformer les institutions pour garantir l’équité dans la représentation de toutes les composantes nationales.
• Protéger constitutionnellement les droits culturels et linguistiques des communautés nationales.
On ne vit pas ensemble quand certains vivent au sommet, et d’autres à genoux.
La justice comme condition de la paix
Le pardon sans justice est une farce. Pour rebâtir un vivre-ensemble sincère, il faut :
• Réparer les préjudices subis par les victimes de violences étatiques (indemnisations, restitutions de terres, réintégrations).
• Traduire en justice les responsables de crimes graves, quelle que soit leur position.
• Instaurer une culture de l’État de droit, où chaque citoyen, quel que soit son statut ou son origine, est traité à égalité devant la loi.
Une paix construite sur l’impunité est une paix factice.
Une nouvelle narration nationale
L’imaginaire collectif mauritanien reste dominé par une vision arabo-islamique exclusive, niant la pluralité réelle du pays. Il est temps de redéfinir l’identité nationale sur une base inclusive, respectueuse de la diversité.
• Adopter une charte de la diversité culturelle.
• Promouvoir toutes les langues nationales (pulaar, soninké, wolof, arabe) comme vecteurs de citoyenneté.
• Valoriser les héros, les penseurs, les figures historiques de toutes les communautés.
Le vivre-ensemble commence quand chacun se sent pleinement chez lui, respecté dans ce qu’il est.
Un projet commun, partagé et ambitieux
Il ne suffit pas de vivre côte à côte. Il faut créer un avenir ensemble. Cela passe par :
• Une réforme éducative profonde qui transmet des valeurs de justice, de respect mutuel et de solidarité.
• Des politiques de développement équitables entre les régions.
• Un nouveau pacte économique, mettant fin à la marginalisation des zones noires et rurales.
Le vivre-ensemble ne se décrète pas : il se construit par des actes, des politiques, des choix courageux.
reconstruire , ce n’est pas réconcilier l’injuste et le juste
Rebâtir le vivre-ensemble en Mauritanie, ce n’est pas demander aux opprimés d’oublier, ni aux oppresseurs de continuer. C’est refonder la maison commune sur la vérité, l’égalité, la justice, la reconnaissance mutuelle et l’espérance collective. C’est refuser la paix du silence pour bâtir la paix de la justice. C’est assumer que la diversité est une richesse, non un problème. Et c’est surtout poser, ensemble, les premières pierres d’une Mauritanie réellement une et indivisible.
Sy Mamadou