Qui sont les principaux leaders de la contestation au Mali ?
Le pays connaît une crise politique profonde depuis la réélection du président Ibrahim Boubacar Keïta en 2018, aggravée par les législatives d’avril.
A leur arrivée à Bamako, jeudi 23 juillet, les chefs d’Etat ivoirien, ghanéen, nigérien, sénégalais et nigérian missionnés par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour trouver une issue à la crise malienne rencontreront le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).
Mais qui sera, ou plutôt qui seront leurs interlocuteurs du côté des protestataires ? Prédicateurs, anciens ministres, figures de la société civile… On trouve toutes sortes de profils dans l’hétéroclite coalition qui s’est rassemblée sous la bannière du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Petit tour des figures majeures de la contestation.
Mahmoud Dicko
Il est la caution morale du mouvement, sans en être directement membre. L’imam que les Maliens écoutent et que les leaders de l’opposition ont placé sur le devant de la scène pour gagner en popularité. Religieux rigoriste formé dans les écoles coraniques de Mauritanie et d’Arabie saoudite, adepte du wahhabisme, Mahmoud Dicko s’est fait connaître du grand public en 2009 pour son opposition à l’adoption d’un code de la famille offrant plus de droits aux femmes. En 2018, il obtient le retrait de manuels scolaires abordant l’éducation sexuelle.
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Soutien d’IBK, lors de la présidentielle de 2013, le religieux finit par s’opposer à son « ami » et pousse en 2019 le premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga à la démission. Depuis, il a créé la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS). Une organisation politico-religieuse dirigée par son protégé et bras droit politique : Issa Kaou N’Djim. C’est ce dernier qui, le vendredi 10 juillet, a appelé le peuple à déborder les autorisations de manifester en « occupant les ponts et les ronds-points », et en se rendant devant l’Assemblée nationale et l’Office de radiodiffusion et télévision du Mali (ORTM). Des stations-service ont été pillées, des barricades montées et des incendies allumés aux quatre coins de la ville, ce qui lu a valu d’être arrêté par la police avec d’autres têtes du mouvement M5.
Choguel Maiga
Archétype du politicien malien passé par tous les gouvernements, cet ingénieur de formation né en 1958 a frayé avec le dictateur Moussa Traoré avant sa chute en 1991. Candidat malheureux à la présidentielle de 2002, il soutient au second tour Amadou Toumani Touré et intègre son gouvernement en tant que ministre de l’industrie et du commerce. Il se rapproche d’IBK à l’élection de 2013 et est nommé trois ans plus tard ministre de l’économie numérique, de l’information et de la communication avant d’être remplacé par Mountaga Tall en 2016. Un remaniement qui le fera entrer dans l’opposition.
Mountaga Tall
Ce routier de la politique malienne a candidaté, sans succès, à toutes les élections présidentielles depuis 1992. Fondateur du Congrès national d’initiative démocratique (CNID) en 1990, il devient le chef de l’opposition parlementaire après le renversement du dictateur Moussa Traoré. Il est élu député du Parlement de la Cédéao en 2002 puis du Parlement panafricain depuis 2004. Candidat à la présidentielle de 2013, il s’incline face à IBK mais finira par rejoindre son gouvernement en tant que ministre de la communication.
Agé de 63 ans aujourd’hui, Mountaga Tall fait partie des leaders arrêtés et libérés après les débordements de la manifestation du 10 juillet. Il est le cofondateur, aux côtés de Soumaïla Cissé, du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), une coalition politique de plusieurs dizaines de partis d’opposition et de syndicats. C’est la deuxième composante majeure du M5. Soumaïla Cissé, arrivé en deuxième position lors des présidentielles de 2013 et 2018, a été enlevé le 25 mars alors qu’il battait campagne pour le premier tour des législatives près de Nianfunké, au centre du Mali.
Modibo Sidibé
Personnage discret et influent, cet ancien premier ministre de 67 ans est pressenti pour reprendre son rôle dans un potentiel gouvernement d’union nationale. Fonctionnaire de police à l’origine, il a fait ses classes politiques sous la présidence d’Amadou Toumani Touré dans les années 1990 et 2000, enchaînant les postes : directeur de cabinet du président, ministre de la santé, ministre des affaires étrangères, secrétaire général de la présidence et enfin premier ministre. Lors du coup d’Etat de 2012 contre son mentor, il sera arrêté par le capitaine Amadou Haya Sanogo. Candidat à la présidentielle de 2018 face à IBK, il obtiendra moins de 2 % des voix. Il est le mentor de nombreux jeunes politiciens du M5.
Oumar Mariko
Avec sa barbe grise et sa casquette de révolutionnaire cubain, Oumar Mariko incarne la gauche anti-capitaliste à la tête du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI) qu’il a fondé en 1996. Né en 1959, il a commencé à militer au lycée au sein du syndicat Association des élèves et étudiants du Mali. Il s’y forge un compas politique qui ne changera pas de toute sa carrière : anti-impérialiste et anti-colonialiste. Candidat malheureux aux présidentielles de 2002 (moins de 1 % des voix) et de 2007, il est à nouveau investi par son parti en 2013 sur un programme de « répartition équitable des ressources du pays ». Il rejoint le M5 via une coalition de gauche, le Mouvement démocratique et Populaire (MDP).
Cheick Oumar Sissoko
Ce « cinéaste de l’urgence », comme le qualifiait Le Monde en 1999, a troqué depuis longtemps la caméra pour les pupitres politiques. Issu du SADI, il est nommé, après l’élection d’ATT, ministre de la culture dans le gouvernement d’Ahmed Mohamed Ag-Hamani, puis dans celui d’Ousmane Issoufi Maïga, avant de démissionner en 2007. A 75 ans, il est à l’initiative d’Espoir Mali Koura (EMK), un mouvement de la société civile créé en mai 2020 et qui est l’une des trois composantes principales du M5.
Clément Dembélé
Voix montante au sein du M5, celui que ses alliés surnomment « le professeur » est devenu en quelques années le poil à gratter du pouvoir. Fondateur de la Plateforme contre la corruption et le chômage au Mali (PCC), il s’est fixé une mission : constituer des dossiers d’enquêtes solides pour traîner les corrompus de la fonction publique devant les tribunaux. Une tâche ardue dans un pays classé 130e sur 180 pour l’indice de corruption dans le secteur public établi par l’organisation non gouvernementale Transparency International.Lire aussi Clément Dembélé : « On m’a accusé de fomenter un coup d’Etat contre le président du Mali »
Clément Dembélé, qui a participé à la récente réouverture des affaires de l’avion présidentiel et de surfacturations de matériel militaire, est un proche de Mamadou Sinsy Coulibaly, le patron du patronat malien. Ses interventions souvent très virulentes contre le pouvoir l’ont conduit à être enlevé en pleine rue, le 9 mai, par les services de renseignement maliens qui l’ont accusé de fomenter un coup d’Etat.
Matteo Maillard(Bamako, correspondance)
rédaction du « Monde Afrique »
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