Quand tu ne seras plus là…Sneiba Mohamed
3. Actuellement, tu es encore maître du jeu. Mais demain? Ta volonté de quitter en 2019 a déjà provoqué un branle-bas de combat au sein de ton camp. Un « weylemak yel warrani » (gare au dernier) qui justifie amplement la volonté de ne pas rater le train des positionnements. Les hommes qui t’entourent, ceux ayant pris place dans les premières loges, sont à la recherche d’un surplus de notoriété. Le peuple est à la recherche d’un dauphin, et chacun espère qu’il sera de sa tribu ou de sa région. La succession est ouverte.
Tu sais que tu dois livrer une rude bataille non pas pour préserver les acquis mais pour imposer tes choix. En fait, l’un vaut l’autre, n’est-ce pas ? Et, jusque-là, ça a bien marché.
A l’Assemblée, tu as réussi un coup de maître en imposant Baya, un homme à qui tu accordes apparemment une confiance sans limites, que d’aucuns considèrent comme ton double, et Boydiel le Sage, malgré ce qu’en dit l’opposition. En sabordant son parti Al wiam, le maire de Ndiago, désormais premier vice-président de l’Assemblée nationale au nom du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR) met fin à l’ambiguïté politique de son « opposition responsable ».
Il était dans l’antichambre du pouvoir, maintenant, il est en plein dedans ! Et toi, tu as forcément un homme « habité » par la politique, et dont l’une des qualités premières est de ne jamais renier ses engagements.
N’est-il pas un des rares ministres de Taya à s’être astreint à ne pas médire de lui, malgré les erreurs de l’homme exilé au Qatar depuis sa chute en août 2005? Je ne connais cette noble position que chez l’ancien Haut commissaire de l’OMVS, Mohamed Salem Ould Merzoug qui, lui aussi ancien ministre de Maawiya, n’avait jamais voué aux gémonies un régime qu’il a servi des années durant, ou l’ancien ministre des Affaires étrangères, actuel président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Mohamed Vall Ould Bellal.
On me rétorquera peut-être que Boidiel a trompé l’opposition ! Oui, c’est vrai, si l’on considère qu’en politique, les positions sont figées, qu’on se condamne, une fois pour toutes, à être opposant à vie ou « majoritant », alors que notre Mur de Berlin est bien tombé en 2005.
Le problème de ta majorité est qu’elle commence à bouger dans tous les sens. Mais on peut te faire confiance. Tu sais, macha Allah, comment diriger cette arche de Noé dans les eaux tumultueuses de la politique. Cette vision des choses t’a permis de contrôler une situation qui, sous Taya, avait fini par tourner à la pagaille généralisée.
Et c’est seulement pour écarter un tel risque que tu dois rester sur tes gardes. Rien n’est encore joué. Disons plutôt que c’est comme si la Mauritanie s’apprêtait à revivre le tumulte de 2007, quand le camp de Sidioca était opposé à celui d’Ahmed. Quand l’armée était aussi divisée autour de ces deux « champions » qui répondaient, pourtant, au même profil : anciens ministres de Moktar et fils de « grandes tentes » maraboutiques issus tous deux du centre du pays. Deux candidats qui n’étaient différents que par leurs tempéraments et la composition (recomposition plutôt) des alliances politico-militaires qui défendaient intérêts cachés et privilèges assumés. Ils portaient les espoirs de réussite politique et sociale des autres, de milliers d’hommes et de femmes qui savaient qu’il suffit d’un rien pour qu’ils deviennent « quelque chose ».
Sneiba Mohamed