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Quand l’élite abdique son destin/El Wely Sidi Heiba

La démission de l’élite, qui peut être assimilée à une trahison des éclaireurs, est devenue un spectacle quotidien, presque banal, et pourtant de plus en plus accablant. Ceux qui devraient incarner la lumière et montrer la voie se sont mués en simples spectateurs, hypnotisés par les mirages du pouvoir et de l’argent. Leur regard fuit les plaies vives de la nation – l’école qui s’effondre, l’hôpital qui suffoque, la justice qui vacille – comme si ces crises ne relevaient pas de leur mission première.
Pourtant, une élite ne se résume pas à un cercle de privilégiés : elle est supposée incarner la conscience collective, veiller sur le destin commun, porter la voix de la vérité lorsque les autres se taisent. Mais ici, elle se accommode du silence et de la médiocrité, préférant la rente à la responsabilité, la complaisance à l’exigence. Ainsi trahit-elle non seulement sa raison d’être, mais aussi l’espérance de générations entières.

L’histoire, pourtant, offre des contre-exemples saisissants. Le Japon, émergeant des cendres de la guerre, a pu s’appuyer sur une élite visionnaire qui fit de la discipline et de l’éducation le socle d’une renaissance spectaculaire. Le Rwanda, après l’abîme génocidaire, a trouvé dans une élite lucide et déterminée la force de rebâtir un État digne, uni et tourné vers l’avenir. La Corée du Sud, naguère parmi les nations les plus pauvres, a vu ses élites tracer une voie audacieuse vers le savoir et l’innovation, metamorphosant la misère en puissance.

La leçon est sans équivoque : les peuples ne se relèvent que lorsque leurs élites assument pleinement leur vocation historique. Là où elles faillissent, la stagnation s’installe, entraînant avec elle la désillusion, la colère et parfois le chaos. Notre pays n’échappera pas à cette règle. Le temps est compté : soit notre élite se réveille, soit elle sera emportée par le jugement inexorable de l’histoire.

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