Mauritanie : les priorités du gouvernement pour le second semestre 2025 – Éditorial
À l’aube du second semestre 2025, le gouvernement mauritanien doit transformer ses promesses en actes concrets. Entre relance économique, justice sociale et gouvernance, l’éditorial dresse un état des lieux lucide et critique.
Nouakchott – Juillet 2025.
À l’aube du second semestre 2025, le gouvernement mauritanien se trouve à la croisée des chemins. Entre annonces ambitieuses, chantiers entamés et attentes populaires toujours vives, l’exécutif joue une partition délicate : transformer des engagements politiques en réformes tangibles, sans céder au confort de la rhétorique.
Depuis plusieurs mois, les autorités affirment leur volonté de « changer la méthode », en prônant une gouvernance participative et une action publique recentrée sur l’impact réel. Mais la confiance ne se décrète pas : elle se mérite. Et c’est précisément là que réside le défi majeur du premier Ministre Mokhtar Ould Diay et de son équipe.
Gouvernance : entre écoute et centralisation
Les missions gouvernementales déployées dans les wilayas, sous couvert d’une planification participative, marquent un pas dans la bonne direction. Elles témoignent d’un désir de renouer avec les préoccupations des citoyens, longtemps marginalisées dans les politiques publiques. Mais ce sursaut restera vain s’il n’est pas suivi d’un véritable transfert de compétences vers les collectivités locales, souvent dépendantes de Nouakchott pour la moindre décision.
À l’heure où la réforme de la justice, la régulation des migrations ou la lutte contre la corruption reviennent au centre du discours politique, une vigilance s’impose : celle de ne pas céder à l’effet d’annonce, ni de réduire la réforme institutionnelle à des gestes symboliques.
Une croissance à double tranchant
La relance économique est bien là, portée par le boom gazier du champ GTA et l’intérêt renouvelé des bailleurs de fonds. Deux milliards de dollars promis par le Groupe de coordination arabe, des engagements de la Banque mondiale, des projets d’hydrogène vert… L’État semble désormais mieux positionné sur l’échiquier énergétique africain.
Mais à qui profite cette manne ? C’est la question que se posent de nombreux citoyens. Le développement ne saurait se réduire à une croissance du PIB ou à des indicateurs macroéconomiques flatteurs. Il doit se traduire par des routes praticables, des hôpitaux fonctionnels, des écoles dignes de ce nom – et surtout, une équité régionale. Si Nouakchott polarise encore l’essentiel des investissements, le fossé entre centre et périphérie ne fera que s’élargir.
L’État social à l’épreuve des faits
La volonté affichée d’instaurer un système de protection sociale plus ciblé est louable. Le programme Tekavoul, les registres sociaux unifiés, et la transition vers des aides monétaires directes laissent entrevoir une vision plus moderne et plus juste de la solidarité nationale. Mais ces avancées resteront fragiles tant qu’elles ne seront pas consolidées par une politique de long terme, affranchie des aléas politiques.
La Mauritanie reste exposée à des poches d’extrême pauvreté, à des inégalités criantes et à des tensions sociales larvées, parfois aggravées par la perception d’une justice à deux vitesses.
Diplomatie, sécurité et équilibre régional
Sur le plan international, le pays gagne en stature. Son rôle actif à l’Union africaine et ses partenariats renouvelés avec l’Union européenne ou les institutions financières lui confèrent une nouvelle visibilité. En matière de sécurité, l’expérience mauritanienne de prévention des extrémismes reste saluée.
Mais cette stabilité intérieure ne peut être tenue pour acquise. La situation dans le Sahel, les flux migratoires incontrôlés et l’instabilité régionale pourraient fragiliser les avancées. La diplomatie, si elle veut être utile, doit être à la fois proactive et lucide.
Une opportunité à ne pas gâcher
Le second semestre 2025 pourrait être celui de la consolidation. Pour cela, le gouvernement devra aller au-delà du discours, et surtout éviter les dérives d’une verticalité excessive. Il ne s’agit plus seulement de piloter des réformes depuis le sommet, mais de construire des mécanismes durables, inclusifs, et fondés sur la redevabilité.
L’histoire récente de la Mauritanie est jalonnée de transitions prometteuses, souvent avortées. Il serait tragique que cette fenêtre d’opportunité soit refermée sans résultats durables.
En somme, la Mauritanie a désormais les moyens – financiers, diplomatiques et institutionnels – de franchir un cap. Reste à savoir si elle aura la volonté politique, le courage administratif et la lucidité démocratique pour le faire. Le rendez-vous avec l’histoire est proche. Et il n’attendra pas.
Ahmed Ould Bettar