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Pr. Lô Gourmo Abdoul, vice-pdt de l’Union des forces du Progrès :

‘´Le Pacte n’est pas un accord programme et ne peut à lui tout seul servir de base à un partenariat électoral’’

Pr. Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des forces du Progrès (UFP): ‘´Le Pacte n’est pas un accord programme et ne peut à lui tout seul servir de base à un partenariat électoral’’

Le Calame: comment s’est effectué le processus ayant amené à la conclusion annoncée d’un accord politique l’UFP et le RFD d’une part, le Gouvernement et Insaf de l’autre ?

Pr. Lô Gourmo Abdoul: L’initiative de renouer le fil des discussions politiques entre les acteurs politiques a été prise au lendemain de la « suspension » du précédent dialogue par le régime à la demande de certains leaders de partis d’opposition comme Biram Dah Ould Abeid, à la veille de la conclusion des travaux portant sur des sujets majeurs : unité nationale, cohésion sociale, passif humanitaire, bonne gouvernance, pluralisme démocratique, code électoral etc. Cette expérience d’interruption brutale du dialogue à l’initiative de deux ou trois partis et sensibilités politiques ( qui avaient participé jusqu’au bout à tous les débats, après bien des tractations notamment avec Biram ) va amener l’UFP et le RFD à reprendre l’initiative d’une relance des discussions en vue d’une Entente nationale sur la base des acquis de l’initiative du dialogue précédent et de celle de la Feuille de Route qui l’avait précédée et dont la poursuite avait également été stoppée net à la phase cruciale de sa mise en œuvre en vue d’une Charte nationale, par certains courants politiques. Nos deux partis coalisés ont donc décidé de changer de méthode. Au lieu d’attendre que tous acceptent de participer à une reprise très aléatoire d’un dialogue avec un droit de blocage pour chacun, nous avons privilégié la démarche qui consiste à lancer un appel à tous les acteurs politiques désireux de conclure un accord politique ouvert et couvrant les grandes préoccupations du pays, à ouvrir immédiatement les discussions pour adopter un pacte national démocratique qui définirait les grandes orientations et mesures en matière de réformes et dont la mise en œuvre sera assurée par un mécanisme convenu par les parties signataire du Pacte national.

Votre initiative a suscité une hostilité chez certains et beaucoup d’interrogations au sein de l’opinion. Pourquoi n’en avez-vous pas informé le reste de l’opposition dont certains réclamaient aussi une Charte nationale ?

Suite à nos expériences passées, nous avons préconisé la démarche de la proactivité plutôt que celle de la simple présomption de bonne volonté d’aboutir à un accord politique conditionné de fait par un véritable droit de véto dont s’arrogent certains pour toute initiative qu’ils n’auraient pas prise eux-mêmes dans la scène politique. Nos deux partis, l’UFP et le RFD ont donc lancé, en fin décembre dernier, un appel solennel à toute la classe politique en vue d’ouvrir immédiatement des discussions sérieuses en vue de la conclusion d’un accord politique qui servirait de cadre à une entente nationale. L’annonce en a été faite solennellement par les deux Leaders Ahmed Daddah et Mohamed Maouloud, lors d’une Conférence de presse tenue au siège de l’UFP. C’était la poursuite de notre politique d’apaisement et de dialogue développée depuis l’avènement du Président Ghazouani. Ce dernier fut le seul, à ce moment là qui nous fit part de son acceptation d’ouvrir les discussions après avoir reçu les deux leaders. En janvier- février 2023, une commission technique composée des représentants des partis et ceux mandatés par le Président de la République fut mise sur pied et servit de cadre pour l’élaboration des thèmes de débats et l’ouverture des discussions. En février- mars, un document portant les principaux points d’accord entre les parties était fini pour l’essentiel et devait être signé en public. Nos deux partis ont alors demandé de geler le processus final jusqu’à la fin des élections dont la précampagne avait déjà été entamée dans le pays. Nous ne voulions pas de confusion et de mal interprétation quant à la nature de l’accord en finalisation qui devait instaurer une entente politique nationale donc inclusive et non un contrat électoral. Il fut convenu de reprendre le processus après les élections. Ce qui fut fait malgré l’ambiance délétère instauré par la mascarade électorale que tout le monde dénonce par ailleurs.

Ceci étant dit, à ma connaissance, il n’y a eu de réaction d’hostilité à l’annonce de la gestation de l’accord que de la part d’un seul acteur politique : Biram Dah Ould Abeid. Il est intéressant de noter les raisons publiquement annoncées par l’un pour justifier son opposition : le système en place est « pourri » et tout accord avec lui est une forme de complicité ou de connivence. Ce n’est donc pas faute d’avoir été informé mais parce que ses relations avec le Chef de l’Etat étaient apparemment au plus bas au moment de l’annonce de l’accord après avoir été au plus haut quelques mois plus tôt.

Quant aux interrogations de l’opinion, elles sont tout à fait légitimes, en raison de la non publication de l’accord ( ce qui favorise une campagne de fausses informations et de manipulation d’une rare intensité) et de son format ( seul 3 partis politiques et le Gouvernement en furent les initiateurs). Donc, pour une partie de l’opinion, il y’a anguille sous roche. Le scepticisme étant alimenté par la campagne de fake news et de diffamation…

Comment avez-vous accueilli les réactions hostiles de cette dernière ?

D’abord les réactions hostiles sont très peu nombreuses car l’opinion publique aspire à des réformes et à une nouvelle façon d’entreprendre la politique. Nous sommes confiants dans la justesse de notre démarche et si les parties ( particulièrement le Président de la République ) font respecter les termes de l’accord, alors ce dernier bénéficiera d’un grand soutien. Le peuple veut des changements concrets et positifs dans ses conditions de vie et dans les rapports avec les autorités. C’est ce que prévoit l’accord.

Dans l’une de vos sorties récentes, vous avez affirmé n’avoir pas rendu public le contenu du compromis ou de la charte. Pouvez-vous nous dire les raisons de cette méfiance ?

J’ai dit qu’il n’est ni juste ni bien seyant de publier le contenu d’un accord que les parties n’ont pas encore signé ! Ce le sera bientôt inchallah…

Certains acteurs politiques n’hésitent pas à vous répondre que vos deux partis n’auraient aucune légitimité à parler au nom de l’opposition, ils arguent que vous avez été laminés lors des dernières élections locales. Que leur répondez-vous ?

La confusion d’esprit est à son comble chez nos adversaires politiques qui sortent de telles absurdités. Celles-ci en disent long sur leur conception assez frustre de la vie des partis politiques et de la dynamique qui anime le paysage politique.

D’abord aucun parti politique ou entité ne peut parler au nom de quelqu’un d’autre que s’il en a été mandaté. Ni l’UFP ni le RFD n’ont affirmé parler au nom de l’opposition. Donc ce sont nos adversaires qui supputent et nous prêtent une telle grossièreté, dans l’esprit de provoquer assez naïvement d’ailleurs de la zizanie entre nous et les autres partis de la mouvance de l’opposition. Au demeurant, nous, dirigeants de l’UFP et du RFD, nous les avons visités tous pour les informer des tenants et aboutissants de l’accord politique en gestation : App, Ajd/MR, Tawassoul, Frud, Sawab. Nous avons été accueillis avec une grande teranga et avons eu des entretiens très productifs avec tous. Pas une seule attitude d’hostilité ou de rancœur. Ils attendent la publication de l’accord et se détermineront librement le moment venu puisque l’accord politique est inclusif.

Quant au fait que nous n’ayions plus aucune légitimité de représentation sur la scène politique en raison de notre laminage électoral dernier, cela confirme soit la naïveté des tenants de tels propos soit leur cynisme haineux à notre égard. Il suffit de se souvenir que nous avons eu droit, cette année aux élections les plus calamiteuses de notre histoire pour convaincre même des enfants de l’absurdité de faire de ces «élections » un critère quelconque de délégitimation des principales victimes de ce braquage électoral. La quasi-totalité des partis de la majorité ( du jamais vu !) et de l’opposition démocratique se sont insurgés et continuent de s’insurger contre ce fléau électoral fait notamment de détournement électronique des résultats des votes, de bourrage des urnes, d’achat massif de voix …. sur la base d’un refus systématique de donner les pv des bureaux de vote aux représentants des partis….Donc comment se fonder sur cette horreur pour disqualifier quelqu’un ? Certains ont pu s’en sortir mieux que d’autres ? Il faut leur demander à eux comment ils ont fait ! Pour notre part, nous n’avons rien pu faire, même si nous étions très loin d’être dans la meilleure des formes électorales. Notre conviction inébranlable est que nous aurions dû avoir au minimum 3 députés au vu de la sociologie électorale et de notre campagne électorale. En tout cas personne n’est dupe sur ce qui s’est passé dans et en dehors des bureaux de de vote. Nous n’en démordrons jamais. Et nous sommes fiers de voir l’incroyable élan de sympathie que tous les secteurs du pays n’a cessé de nous témoigner. Il suffit de voir avec quel respect et considération nos camarades de l’opposition nous accueillent et nous traitent. Même au sein de la Majorité présidentielle, le courant de sympathie est sincère. Cette débâcle électorale n’en est pas une pour nous. Nous regardons avec mépris les manœuvres qui nous ont visé et qui sont le produit d’une hostilité inextinguible contre nous de la part de l’l’Etat profond. Nous en avons été aussi victimes au plan judiciaire. Mais nous sommes toujours là. Debout et fiers de jouer notre partition : dialogue, unité du peuple, progrès social. Nous sommes là pour très longtemps encore incha allah.

Voudriez-vous nous faire l’économie de la charte, objet de vos échanges avec le pouvoir? Ensuite dites-nous les raisons qui ont poussé à croire à la sincérité du pouvoir, après avoir vécu l’expérience de l’été dernier, lorsque le gouvernement a décidé de stopper unilatéralement le processus de dialogue, en passe d’être lancé ? Enfin, que peuvent attendre les mauritaniens de ces pourparlers ?

Je ne puis rien dire de l’économie de cet accord politique. Il n’est pas encore signé. Je puis juste vous dire qu’il n’a rien, strictement rien à voir avec les contrevérités que certains se plaisent à déverser à longueur de journée sur le net. En particulier les aberrations sur une prétendue réforme sur la durée du mandat présidentiel. Certains prêchent le faux pour avoir du vrai. D’autres cherchent à «griller » l’accord avant sa publication officielle en vue de le « de construire » comme disent certains accros de la communication dite post-moderne («mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose »).

Quant aux raisons qui nous ont « poussé à croire en la sincérité » du Pouvoir malgré l’expérience de l’arrêt unilatéral du dialogue de l’été dernier, permettez moi de vous dire ceci :

– Tout d’abord l’arrêt du dialogue de l’été dernier a résulté d’une convergence de volonté de 3 leaders de l’opposition ayant chacun sa raison propre, ses propres revendications plus ou moins particulières voire personnelles et de deux autres leaders au sein de la majorité. L’esprit manipulateur au sein de l’Etat profond qui n’est toujours pas favorable à ce genre d’action a fait le reste.

– Ensuite, quant à la « sincérité » des uns et des autres, elle découlera de la pratique. Le Président de la République a sa vision propre. Nous avons la nôtre. Il s’est toujours montré très ouvert à l’égard de la classe politique au point qu’à un moment donné Biram lui-même a fait de lui une îcone pendant que notre côté nous nous attachions à chercher un accord politique avec lui. La question de la sincérité n’est un préalable que philosophiquement. En pratique, il n’y a pas de préalable. Il y a des faits dont l’acceptation par lui de conclure un accord politique avec nous sur des sujets que nous avons pour l’essentiel amené à la discussion. Il a eu une ligne de conduite empathique, en rupture avec son prédécesseur.

L’accord avec le gouvernement pourrait-il conduire le RFD et l’UFP à soutenir la candidature de Ghazwani pour un second mandat ? En attendant, vos deux partis ne pourraient-ils pas entrer au gouvernement, comme certains vous suspectent déjà ?

L’accord politique est, comme indiqué, un Pacte républicain. Il est inclusif et transpartisan par définition. Y adhérer ou non n’implique aucune conséquence de l’ordre que vous évoquez. Une fois conçu et mis en œuvre effectivement, il devra entraîner de profondes réflexions et réformes consolidantes de notre vivre-ensemble et de notre démocratie pluraliste. Il n’est donc pas un accord programme électoral et ne peut à lui tout seul servir de base à un partenariat électoral. Ce dernier relève d’une approche et d’une autre dimension de la vie politique. Pour soutenir un candidat, y compris l’actuel président s’il devait se représenter, il faut une autre démarche : il faut un programme de gouvernement. Ce n’est pas du tout pareil que l’accord politique actuel. Quant à notre entrée dans un prochain gouvernement, ce n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui est à l’ordre du jour c’est la signature et la publication de l’accord et la mise sur pied d’un processus de suivi commun.

Votre démarche et les réactions qu’elle a suscitées viennent approfondir davantage le fossé entre les acteurs de l’opposition. Est-ce à dire que tout consensus autour d’une candidature unique pour la présidentielle de 2024 est exclu ? Qu’est-ce qui explique le fait que les acteurs politiques de l’opposition ne réussissent pas à s’entendre, comme on dit, autour de l’essentiel ? C’est un problème d’égo ou des raisons idéologiques ou politiques ?

Personne ne nous a dit au sein de l’opposition que notre initiative approfondit le fossé entre nous. Nous poursuivons, parallèlement aux démarches finales concernant l’accord politique, des discussions constructives entre nous de l’opposition et ceux du pouvoir à propos des dernières élections calamiteuses et des réformes profondes à entreprendre. Concernant une éventuelle candidature unique de l’opposition pour la prochaine présidentielle, permettez moi de rappeler que l’UFP en a toujours été le chantre. Qui sont ceux qui s’y sont toujours opposés ? Mon ami Biram aime faire systématiquement cavalier seul, tout en exigeant un soutien quasiment de droit divin des autres. D’autres préfèrent des candidats indépendants. Nous en sommes là : jamais de candidat unique. Les explications sont nombreuses : absence de prise en compte des enjeux du moment, égo surdimensionné, manœuvres politiciennes. Etc.

A votre avis, la réforme du système éducatif, décidée à travers la dernière loi d’orientation est-elle sur de bons rails ?

En dépit de certaines faiblesses et fragilités, la dernière réforme du système éducatif est la meilleure que nous ayons jamais eue. Et c’est de mon point de vue l’une des meilleures de notre continent en termes de souveraineté éducative et d’intelligence pédagogique. C’est une réforme structurante dont la mise en œuvre effective et à certaines conditions que notre parti et le Président Mohamed Maouloud avaient soulignées en son temps. Comme pour la nationalisation de la Miferma ou la création de la monnaie, elle marquera profondément l’histoire de notre nation. Il faut la consolider et sortir rapidement de la phase transitoire tout en officialisant les langues negroafricaines (ce qui est l’esprit même de la réforme sur le plan linguistique).

Le gouvernement a décidé de parachever le processus d’enrôlement des citoyens. Comme on le sait, ces opérations ont suscité et suscitent toujours des controverses et des citoyens râlent devant les centres d’enrôlement s’estimant discriminés. Que pensez-vous de cette dernière décision des autorités ? Selon les échos que vous recevez, comment se déroulent ces opérations ?

Si l’intention du gouvernement est de mettre un terme définitif au cauchemar des enrôlements et le plus vite possible, je n’en suis que très réjoui. Avec la reconnaissance de la double nationalité, il s’agit là d’une mesure de reforme profonde qui change beaucoup la vie courante des gens paralysés par le déni administratif depuis plus d’une décennie. Mais je crois que la situation découlant du fonctionnement de comités ou commissions d’enrôlement n’est pas durable et viable. Ce sont des agents publics qui devraient s’en occuper dans le cadre des compétences traditionnelles universelles des collectivités territoriales en particulier des mairies qui doivent être réinsérées dans ce circuit intime de l’identité de proximité des personnes. Avant ça, il faut en finir avec la lenteur et le chassé croisé des lieux d’enrôlement qui maintiennent en fait le statu malfaisant auquel voulait mettre fin l’arrêté de juin 2023.

Quelle appréciation vous faites de la position du gouvernement mauritanien face au putsch militaire intervenu au Niger, le 26 juillet dernier ? L’UFP est-elle contre une intervention militaire de la CEDEAO pour rétablir l’ordre constitutionnel au pouvoir?

Le Gouvernement mauritanien a pris me semble t-il une position juste et diplomatiquement responsable. L’UFP aussi est contre les coups d’Etat, spécialement celui-là. Par ailleurs nous sommes contre toute intervention militaire étrangère dans les affaires intérieures des États surtout si proches. Il faut combattre les putschisme revenu à la mode à la faveur de nos crises multiples et de l’absence de perceptives de leur solution. Mais le putsch n’est pas un remède. Sur l’instant, le populisme niais qui le justifie peut s’avérer être un mal pire que celui qu’il était supposé soigner. Nos peuples méritent mieux et les puissances, spécialement l’ancienne coloniale ne doit trouver aucun prétexte pour nous apporter un peu plus de guerre et de chaos comme en Libye.

Propos recueillis par Dalay Lam

Le Calame

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