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Philosophie éducative nationale : un enseignement fondé sur une ségrégation sociale réglementée

Philosophie éducative nationale

Par l’inspecteur pédagogique : Moustapha Abdel Kerim Ahmedheya

Dans presque tous les pays du monde, l’éducation est perçue comme le véritable levier du développement et la voie la plus courte vers la justice sociale. Pourtant, la réalité éducative en Mauritanie reflète – malheureusement – une philosophie inversée, qui transforme l’école en un outil de reproduction des inégalités sociales plutôt qu’en un moyen de les réduire. Elle consacre un système éducatif à deux vitesses, privant les enfants des pauvres de leurs droits les plus élémentaires à la formation et à l’élévation sociale.

Quiconque examine objectivement la carte de l’enseignement en Mauritanie constate l’existence de deux systèmes éducatifs parallèles qui ne se croisent jamais :

1. Un enseignement de qualité, privé ou étranger, destiné à l’élite politique et financière, avec des frais de scolarité dépassant les capacités du citoyen moyen. Il est dispensé dans des langues étrangères, dans un environnement stimulant, avec des programmes modernes, et forme des cadres préparés à occuper des postes de responsabilité dans l’administration ou les grandes entreprises.

2. Un enseignement public républicain, qui, en réalité, relève plus du « stockage » des élèves que de leur développement. Son environnement est répulsif, ses établissements délabrés, son personnel souvent insuffisamment formé, ses programmes désarticulés et déconnectés de l’époque. Ce système produit généralement des semi-lettrés, inaptes à la concurrence sur le marché du travail, automatiquement orientés vers des emplois subalternes.

Quant à l’enseignant – censé être la pierre angulaire du processus éducatif – il se trouve confronté à des pressions insupportables : formation insuffisante, manque de moyens, bas salaires, absence de reconnaissance sociale… Tout cela a contribué à une dégradation des performances, et à un état de rupture professionnelle justifiant la démotivation, voire une dérive vers l’activisme syndical revendicatif au détriment de l’engagement pédagogique.

Cependant, il serait injuste de faire porter aux enseignants seuls la responsabilité de l’échec. Ils sont eux-mêmes victimes de politiques éducatives incohérentes, plus soucieuses de calmer les tensions que de construire l’homme, et gérant les crises avec un minimum de coût politique.

Les faits démontrent que la majorité des ministères de l’Éducation successifs n’ont pas réellement cherché à réformer l’enseignement. Leur action s’est limitée à « apaiser » les syndicats, à acheter le silence des acteurs éducatifs avec des concessions minimales, dans un contexte marqué par la misère de la planification et l’éloignement de toute vision stratégique nationale.

Le paradoxe le plus douloureux est que celui qui est censé éduquer les enfants des autres ne trouve pas un système digne d’éduquer les siens. Il ne fait pas confiance à l’école où il enseigne, et ne peut pas se permettre les frais de l’enseignement privé. D’où cette question lancinante : Comment un enseignant peut-il garantir à ses enfants une éducation qu’il juge lui-même défaillante ? Et avec quels moyens, alors que son salaire ne couvre même pas ses besoins essentiels ?

La poursuite de cette approche constitue une menace directe pour l’avenir du pays. Il ne peut y avoir de justice sans justice éducative, ni d’État moderne sans un système éducatif unifié, sérieux et accessible à tous les enfants du pays sur un pied d’égalité.

Pour que la Mauritanie survive, se développe et progresse, il est indispensable de :

1. Reconnaître l’existence d’un dysfonctionnement structurel profond dans le système éducatif, qui nécessite une évaluation fondamentale.

2. Revoir la grille salariale des enseignants, ainsi que les critères de recrutement et de formation, afin de garantir la présence de véritables compétences sur le terrain.

3. Ouvrir un débat national sérieux sur l’avenir de l’éducation en Mauritanie, impliquant toutes les parties prenantes : l’État, les syndicats, les familles et la société civile.

En conclusion :

Une école qui produit des inégalités au lieu du progrès doit être repensée, avant que l’échec ne devienne un destin inévitable, et que l’exclusion ne se transforme en loi non écrite.

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