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Peine perdue ! Monsieur le Président, malgré les limogeages en cascade, rien ne changera

Dans cette tribune critique et lucide, Diaw Abdoullah (AKS) alerte le Président mauritanien sur l’échec des politiques de moralisation de la vie publique. Selon lui, les limogeages et les discours ne suffisent plus face à un système rongé par la corruption. Il appelle à une refondation morale, économique et institutionnelle pour sauver la Mauritanie d’un mal devenu culturel.

Peine perdue!
Monsieur le Président,
Malgré les limogeages en cascade, rien ne changera. Cette phrase peut paraître dure, mais elle est malheureusement réaliste. Ce que je vous dis aujourd’hui, je l’avais déjà dit à votre Premier ministre, M. Ould Nday, lors de sa déclaration de politique générale.
Son diagnostic était juste, tout comme le vôtre aujourd’hui, la corruption gangrène l’État et détruit la justice. Mais déjà à l’époque, j’avais averti que sa politique n’était pas en adéquation avec son propre constat. Et j’avais conclu : « Il vient de démontrer son échec. »
Un an plus tard, les faits me donnent raison. Le constat est implacable: l’échec est total, non pas à cause d’un manque de volonté politique, mais à cause d’un système profondément pourri par la corruption.
Vous avez hérité d’un État rongé par la corruption, et si rien ne change dans la méthode, vous laisserez à votre successeur un État tout aussi corrompu.
Si la solution consistait à limoger les corrompus, croyez-moi, 99 % des fonctionnaires seraient révoqués !
Lors de son procès pour enrichissement illicite, l’ancien président Aziz avait déclaré que 50 % des fonctionnaires ne pouvaient pas justifier leur fortune. Ce chiffre, déjà effrayant, est en réalité bien en dessous de la vérité. Car la corruption ne se limite plus aux élites: elle s’est infiltrée partout, dans chaque bureau, chaque école, chaque service public.
De l’agent subalterne au directeur général, presque tout le monde est compromis.
L’écrasante majorité ne travaille plus pour l’État, mais pour ses propres poches. Les budgets se partagent entre collègues, les postes servent à enrichir les proches, et l’intérêt public n’est plus qu’un mot vide.
La corruption n’est plus une exception, elle est devenue une culture nationale, une habitude apprise dès l’enfance.
Qui n’a pas entendu dans son foyer : « Si on te nomme, il faut profiter » ?
Profiter, c’est voler, c’est placer ses proches, c’est détourner. Même l’éducation a été contaminée: devant chaque centre d’examen, des parents aident leurs enfants à tricher, et ceux qui en ont les moyens achètent les sujets d’épreuve.
Ainsi, la corruption s’enseigne dès le berceau et se pratique jusqu’à la tombe. Même les morts, les victimes, les pauvres et les handicapés ne sont pas épargnés, on les arnaque aussi.
La République islamique de Mauritanie repose aujourd’hui, tristement, sur ce qu’elle est censée combattre, le péché de la corruption et de l’usure (riba).
C’est ce système qui maintient artificiellement l’équilibre social. C’est grave à dire, mais c’est la vérité, la corruption est devenue une nécessité vitale pour une grande partie des fonctionnaires.
Les salaires sont si bas qu’ils ne couvrent même pas le quart des besoins vitaux. Comment exiger l’intégrité d’un homme qu’on condamne d’avance à la misère ? Comment demander loyauté et transparence à un agent public contraint de voler pour nourrir sa famille ?
Le véritable scandale n’est donc pas seulement dans les détournements, mais dans l’injustice structurelle qui pousse à voler pour survivre.
Les mesures répressives, les limogeages et les discours moralisateurs ne suffiront jamais. Vous ne pouvez pas éradiquer un mal enraciné depuis des décennies avec des sanctions ponctuelles.
La solution passe par une refondation morale, économique et institutionnelle, par la mise en place d’un système qui rende la corruption inutile, coûteuse et socialement inacceptable.
Cela exige:
une revalorisation des salaires pour redonner dignité et loyauté aux fonctionnaires; une vraie transparence dans la gestion publique, avec la publication des patrimoines de tous les responsables disposant de budgets ou d’influence; une justice indépendante, libérée des pressions politiques; et surtout, une éducation morale et civique pour réapprendre aux Mauritaniens que voler l’État, c’est se voler soi-même.
Qu’Allah purifie notre pays de la corruption visible et invisible.
Qu’Il éclaire nos dirigeants pour qu’ils comprennent que le vrai courage n’est pas de limoger, mais de réformer.
Et qu’Il rappelle à chacun de nous que l’argent volé est un feu qu’on nourrit dans son ventre.
Diaw Abdoullah (AKS)
Militant pour la justice, la vérité et la démocratie en Mauritanie
Engagé pour une opposition responsable, unie, et au service du peuple
Non aux manipulations, non à la déstabilisation
Pour une Mauritanie forte, juste et unie

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