Pêche artisanale contre pêche industrielle, pourquoi les conflits persistent sur les côtes ouest africaines ?

Pêche artisanale contre pêche industrielle, pourquoi les conflits persistent sur les côtes ouest africaines ?
Les eaux des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest sont depuis quelques années le territoire de conflit entre pêcheurs artisanaux et exploitants industriels. Est-il possible de créer un cadre sain où pêche industrielle et pêche artisanale cohabitent ? Si oui, comment ?

Chaque jour, au petit matin, on peut observer à partir des plages de Yoff au Sénégal, Gbessia en Guinée ou Rosso en Mauritanie, des pêcheurs braver les vagues avec leurs pirogues à la quête de poissons de plus en plus difficile à trouver. Ils indexent principalement la mauvaise pratique de pêche des industriels.

« Parce qu’à l’origine, ce sont des zones très productives, étant donné les conditions climatiques, ce qui attire en quelque sorte les navires de pêche industrielle », explique Dr Aliou Ba, responsable de la campagne Océans chez Greenpeace Afrique.

« Les navires de pêche industrielle causent des dégâts énormes aux pêcheurs artisans. Il arrive que des bateaux pénètrent dans la zone des six miles qui, comme vous le savez, est une zone d’évolution des pirogues », renchérit Moussa Mbengue, secrétaire exécutif de l’association ouest africaine pour le développement de la pêche artisanale.
Les conséquences peuvent alors être dramatiques, allant de la destruction de filets de pêche, d’embarcations, jusqu’à provoquer des accidents, dont certains mortels. « On constate de plus en plus une présence de plus en plus nombreuse de navires de pêche industrielle qui interviennent en Afrique de l’Ouest sur la base d’accords de pêche avec l’Union européenne », poursuit Moussa Mbengue.

Il faut ajouter à cette liste les navires qui bénéficient d’autorisations d’affrètement de la part des Etats et, encore plus préoccupant, les bateaux pirates qui échappent à la surveillance des pays et s’emploient à voler les ressources halieutiques

VOSTOCK VIA GETTY IMAGES Des accords avec l'Union européenne permet à des navires européens de pêcher dans les côtes des pays africains signataires.
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Des accords avec l’Union européenne permet à des navires européens de pêcher dans les côtes des pays africains signataires.

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Des accords avec l’Union européenne permet à des navires européens de pêcher dans les côtes des pays africains signataires.

« Ce qui se manifeste par des difficultés d’accès aux poissons de la part de ces pêcheurs artisans, ce qui affecte la rentabilité de leurs activités, donc contribuant également à leur appauvrissement » conclut Mbengue.

Mais quelle solution à long terme peut-on envisager pour que la pêche artisanale et la pêche industrielle puissent cohabiter de manière équitable ?

RENATE WEFERS / EYEEM VIA GETTY IMAGESSuspension temporaire des exportations de poisson en Guinée
RENATE WEFERS / EYEEM VIA GETTY IMAGES

Les autorités guinéennes élaborent et rendent public chaque année un plan national de la pêche. Conçu par le ministère de la Pêche, ce document définit les contours d’une exploitation judicieuse et viable des ressources halieutiques au bénéfice des couches laborieuses guinéennes.

Le 27 mars dernier, le gouvernement guinéen a pris une mesure interdisant, et ce jusqu’au 22 avril, l’exportation du poisson sous toutes ses formes. Une décision qui selon le communiqué du ministère des pêches et de l’économie maritime visait à soulager le panier de la ménagère et à rendre disponible le poisson en quantité suffisante durant le mois de Ramadan.

Pour une cogestion durable des ressources
L’interdiction temporaire de l’exportation du poisson décidée récemment par le gouvernement guinéen montre que les gouvernements peuvent jouer un rôle important pour réguler la pêche dans leurs eaux territoriales.

Il est également essentiel de renforcer les accords de pêche avec l’Union européenne pour qu’ils soient plus équitables et prennent mieux en compte les besoins des pêcheurs artisanaux, d’où l’importance de leur participation à la gestion durable des ressources.

La participation des pêcheurs artisans à la gestion durable des ressources est une des mesures qui peuvent aider à atténuer les conflits. En ce sens, l’association ouest africaine pour le développement de la pêche artisanale forme ses membres dans les organes de cogestion pour leur « permettre d’améliorer leurs connaissances en matière d’écosystèmes marins et côtiers et en cogestion », selon son secrétaire général Moussa Mbengue.

Elle dit fournir aussi des vedettes équipées aux commissions de surveillance pour les aider à mieux s’acquitter de leur tâche.

Une utilisation durable des ressources pourrait protéger l'avenir de la pêche en Afrique de l'Ouest.
CRÉDIT PHOTO,ECOPIC VIA GETTY IMAGES
Une utilisation durable des ressources pourrait protéger l’avenir de la pêche en Afrique de l’Ouest.

L’industrie FMFO, une autre menace

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les principales espèces de poissons utilisées par l’industrie de la farine de poisson et de l’huile de poisson (FMFO) en Afrique de l’Ouest – la sardinelle et le bonga – sont déjà surexploitées, ce qui constitue « une menace sérieuse pour la sécurité alimentaire dans la sous-région ».

En effet, selon un rapport de Changingmarkets.org, chaque année, les côtes de l’Afrique de l’Ouest sont le théâtre de l’extraction de plus de 500 000 tonnes de poissons, une ressource qui pourrait nourrir plus de 33 millions de personnes dans la région. Malheureusement, la quasi-totalité de ces poissons est transformée en farine et huile de poisson pour alimenter les élevages de poissons et de bétail ou la production de cosmétiques, de compléments alimentaires et de produits pour animaux de compagnie en Europe et en Asie.

Pour le Dr Aliou Ba de Greenpeace Afrique, dans un contexte de rareté des ressources due à une surexploitation, les industries FMFO « devraient vraiment quitter l’environnement ouest africain parce qu’elles n’ont pas d’intérêt ni pour les Etats ni pour les communautés. »

Il est essentiel de garantir une utilisation durable des ressources halieutiques pour protéger l’avenir de la pêche en Afrique de l’Ouest.

Au-delà de son impact économique, la pêche revêt aussi une dimension sociale et culturelle forte dans sa pratique artisanale chez les populations côtières.

La coexistence de la pêche artisanale et industrielle en Afrique de l’Ouest est donc un enjeu crucial pour la protection des ressources halieutiques et la préservation des moyens de subsistance des pêcheurs.

Des mesures doivent être prises pour réglementer la pêche artisanale et limiter l’accès à la ressource pour les navires de pêche industrielle. Le renforcement des capacités de contrôle des Etats côtiers est également crucial pour lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.

Source: BBC

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