Passif humanitaire et dialogue national : Kadiata Diallo met en cause le rôle de l’armée mauritanienne
Passif humanitaire et dialogue national : Kadiata Diallo met en cause le rôle de l’armée mauritanienne
Dans une intervention sans détours sur la chaîne Sahara 24, la députée de l’opposition Kadiata Malik Diallo a vivement critiqué l’implication de l’armée mauritanienne dans la gestion du dossier du passif humanitaire, un sujet sensible et toujours non résolu en Mauritanie. Selon l’élue, le commandement militaire « empêche le règlement » de ce dossier, insinuant une entrave structurelle à l’établissement de la vérité et à la réconciliation nationale.
La parlementaire a également exprimé ses réserves quant à un lien implicite entre le coup d’État de 2008 – qui avait porté l’actuel pouvoir à ses débuts – et le blocage persistant sur ce dossier. Cette déclaration s’inscrit dans un contexte où les responsabilités historiques de certains hauts gradés, toujours en fonction ou influents, continuent d’alimenter les suspicions.
« Les Mauritaniens doivent savoir ce qui s’est passé », a-t-elle insisté, en référence aux violences perpétrées dans les années 1989, 1990 et 1991 contre les communautés négro-mauritaniennes : exécutions sommaires, tortures, disparitions forcées, souvent sans aucun procès ni reconnaissance officielle. Ce passé douloureux, qualifié de « passif humanitaire », reste un point de fracture dans la mémoire nationale.
Alors que se profile un nouveau cycle de dialogue politique, Kadiata Diallo met en garde contre une dilution des enjeux majeurs. À ses yeux, prétendre aborder « toutes les questions du pays » dans ce dialogue reviendrait à détourner l’attention des véritables urgences et à « leurrer le peuple ». Elle plaide plutôt pour une concentration sur les sujets « pouvant faire l’objet d’un consensus national », citant notamment l’unité nationale, la question de l’esclavage et bien sûr, le passif humanitaire.
Cette posture critique fait également écho à une certaine constance dans la ligne de l’opposition. Mme Diallo rappelle que, lors de son premier mandat, le régime avait jugé inutile tout dialogue, estimant qu’aucune question majeure ne le justifiait. Aujourd’hui, selon elle, le discours gouvernemental a changé du tout au tout, en promettant un dialogue « sans tabou », mais sans clarté sur ses véritables intentions. « J’en ignore les raisons, mais j’ai la certitude que le dialogue sera fastidieux et inutile », conclut-elle, sceptique.
L’intervention de Kadiata Malik Diallo souligne ainsi les limites structurelles et politiques du processus de réconciliation en Mauritanie. En ciblant explicitement le rôle de l’armée, elle soulève une question centrale : peut-on espérer un règlement apaisé de ce passif humanitaire tant que les institutions qui y sont associées ne sont pas elles-mêmes mises en débat ? Wait and see, les jours qui suivent, nous apporterons, sans nul doute, les éléments de réponse.
Ahmed Ould Bettar
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Précisons de l’honorable Député Kadiata Malick Diallo
« Je voudrais quand même apporter quelques précisions concernant les commentaires qui ont été faits, par vous et par d’autres, à propos de l’armée et de la recherche de solutions.
Pour moi, tant que l’armée n’aura pas accepté que le dossier du passif humanitaire soit abordé de manière claire et transparente, il n’y aura pas de véritable solution. J’ai dit — et je le maintiens — que l’armée détient la clé. Le journaliste m’a demandé : « C’est elle le blocage ? » J’ai répondu oui. C’est l’armée qui doit accepter que ce dossier soit traité sérieusement.
J’ai évoqué à ce propos les journées de concertation lancées par feu le président Sidi Ould Cheikh Abdellahi, après son élection. Lorsque la question a été posée, et qu’on a voulu réfléchir à un processus de règlement définitif, ce sont les militaires qui s’y sont opposés. Je n’exclus pas que l’une des raisons du coup d’État contre lui soit liée à sa volonté de traiter ce dossier de manière sincère.
Sur la question du dialogue, je n’ai jamais dit qu’il était inutile ou fastidieux. J’ai simplement exprimé des réserves sur l’idée que le dialogue puisse tout régler. Il est important ici d’apporter une clarification, comme l’a bien souligné la députée Kadiata Malick Diallo :
Les sujets qui relèvent de la gestion quotidienne — comme les programmes gouvernementaux, les politiques économiques, etc. — sont du ressort du gouvernement en place. L’opposition, elle, a pour rôle de critiquer, de proposer des alternatives et d’incarner une vision différente.
En revanche, les questions existentielles — telles que l’unité nationale, les règles du jeu démocratique ou encore l’esclavage — sont des enjeux structurels. Ces sujets exigent un consensus national et doivent, à ce titre, faire l’objet d’un véritable dialogue inclusif. C’est à ce niveau qu’un dialogue peut avoir un sens et une utilité profonde.
Je n’ai jamais dit que le dialogue serait fastidieux ou inutile. Je ne sais pas d’où vous tirez cela. J’ai simplement exprimé mes doutes quant à sa capacité à aboutir à des résultats concrets.
Kadiata Malick Diallo
Je tiens tout d’abord à présenter mes excuses à l’honorable député pour la mauvaise lecture que j’ai faite de ses propos. Mon interprétation a été erronée, et je le regrette sincèrement.
Ahmed Ould Bettar
Précisons de l’honorable député, kadiata Malick diallo