« Partis politiques « modernes » et factions « néo-traditionnelles ».
Quelques réflexions sur la parenté, le politique et la démocratie au sein de la société bidân de la Mauritanie" par Mariella Villasante Cervello
PARTIS POLITIQUES « MODERNES » ET FACTIONS
*Quelques réflexions sur la parenté, le politique et la démocratie
au sein de la société bid& de la Mauritanie
Mariella Villasante-de Beauvais
Groupe de recherche du CNRS 1565
Introduction
La perspective générale de cet article ce considere que contrairement a une
vision encore courante en anthropologie sociale, l’ordre segmentaire, plus
fréquemment appelé « tribal », ne s’oppose guere a l’ordre étatique moderne.
En adoptant une perspective influencée par la théorie de la segmentaritél ou
par une vision évolutionniste de l’histoire, un certain nombre de spécialistes
des sociétés segmentaires arabes considere encore que la structure segmentaire
est ou devra Etre remplacée par l’avenement ou par l’installation de
1’Etat moderne. Dans ce cadre, l’on dit que la qabila, la « tribu », s’oppose a
1’Etat.
Or cette manière de voir les choses est parfois défendue non seulement.
par certains spécialistes, mais surtout par des hommes politiques, par des
gouvernants et, a l’autre pole, par des militants des partis politiques dans les
pays arabes concernés par certains spécialistes, mais surtout par des hommes
politiques, par des gouvernants et, a l’autre pole, par des militants
des partis politiques dans les pays arabes concernés.
Le cas de la Mauritanie, pays ou je travaille depuis une dizaine d’années,
est dans ce cadre particulierement exemplaire. Ici les structures segmentaires,
les solidarités et les alliances qui s’expriment politiquement a travers le
factionnalisme (c’est-a-dire le regroupement mouvant des individus en fonction
des objectifs politiques), ces structures continuent a se déployer dans le
nouveau contexte étatique y compris au sein meme de l’appareil de 17Etat.
En fait, 1’Etat a commencé a s’installer véritablement dans l’ensemble du pays
seulement apres la grande sécheresse sahélienne des années 1970.
Et depuis que le processus de réinstallation de la démocratie a commencé, en 1986, la
vie politique du pays s’organise, plus que jamais, dans le cadre des qabd ‘il,
des « tribus », et les partis politiques « modernes » fonctionnent en suivant les
regles du factionrialisme dit traditionnel -et que l’on peut en fait appeler
« néo-traditionnel ». Autant d’indices qui m’ont conduit a soutenir qu’en
Mauritanie l’ordre de la parenté prédomine sur lyordre du politique, au sens
moderne de pouvoir centralisé (Villasante-de Beauvais 1 995,2 1 9983).
Avant de comnencer a développer ces propositions, je voudrais apporter
quelques précisions. Comme nous le savons, la Mauritanie est un pays pluriethnique.
On y trouve une majorité bid& c’est-a-dire arabophone, et diverses communautés noires :
les Halpulaar sont les plus importants du point de vue démographique, suivis par les Soninké,
les Bambara et les Wolof.
Or s’il est certain que de: nombreux faits que nous allons voir concernent l’ensemble
des Mauritaniens, toutes origines confondues, l’analyse détaillée que je
développerai ici concerne au premier chef la société biddn.
En fait, compte tenu de l’état actuel des travaux sur les diverses communautés ethniques
mauritaniennes, il est tres difficile de développer, du moins pour le moment,
une analyse comparée suffisamment rigoureuse. Cela dit, je peux avancer
que les membres des communautés noires sont également concernés par la
prépondérance de la parenté, au sens élargi du terme, c’est-a-dire englobant
le fait ethnique, sur le politique; ils participent d’ailleurs activement aux
jeux d’alliances politiques et aux luttes factionnelles qui se développent
actuellement sous couvert des partis politiques modernes.
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Source infos: https://pucp.academia.edu/MariellaVillasante