Oualata : récit d’un témoin

Oualata : récit d’un témoin

(Conférence présentée le 13 avril 2013 au palais des congrès de Montreuil, à l’occasion de la célébration du 30 ème anniversaire des FLAM)

Chers amis,

En cette circonstance qui nous réunit ici aujourd’hui, celle de la célébration des trente ans des Forces de Libération Africaines de Mauritanie, Dieng Ahmadou Tidjane, Secrétaire Général de la section Europe de l’Ouest, m’a demandé, au nom du Bureau exécutif de la section qu’il préside, de présenter cette conférence sur le thème : Oualata : Récit d’un témoin.

Oualata est une vieille cité historique, d’accès très difficile, située dans le Sud-est de la Mauritanie. Elle a été élevée au rang de patrimoine mondial par l’UNESCO. Née au VII ème siècle, sa position géographique fera d’elle quelques siècles plus tard un point de jonction privilégié des caravanes venant de l’Afrique du nord et de l’Afrique noire. Elle devint vite une cité de rencontres, de cohabitation et d’ouverture sur le monde, un symbole de brassage des peuples et des cultures.

C’est cette ville chargée d’histoire, au passé si prestigieux, qui fut à jamais souillée et profanée. En effet, comment peut-on désormais évoquer le nom de cette illustre ville sans l’associer à son Fort-mouroir ? Comment pourra-t-on désormais parler de son passé glorieux et passer sous silence ce fait que c’est dans le Fort qu’elle abrite et qui la surplombe que furent emprisonnés dès décembre 1987 soixante-huit (68) détenus négro-africains ? Ils y furent détenus dans des conditions si atroces et si inhumaines que quatre d’entre eux y trépasseront au bout seulement de neuf mois et 19 jours de détention. Et la liste macabre aurait pu être longue, très longue, n’eussent été la forte mobilisation et l’intense pression internationale exercée sur le pouvoir de l’époque pour sinon libérer les détenus de Oualata, du moins humaniser leurs conditions de détention.

Oualata fut donc un mouroir, vous le savez. Et les conditions dans lesquelles cela advint, vous le savez aussi. À l’époque des faits, la presse internationale et les ONG ayant pour mission la sauvegarde et la promotion des droits de l’homme, notamment Amnesty International, ont largement alerté l’opinion publique nationale et internationale sur le sort des pensionnaires négro-africains du Fort de Oualata. Et depuis leur transfert dans le Fort d’Aïoun, et après que leurs familles eurent l’autorisation de leur rendre visite, il y eut transmission orale des horreurs vécues ; transmission à double direction : des détenus vers les familles, d’abord ; et des familles vers les parents, proches, amis, bref, vers le monde extérieur. Et puis, les rescapés du Fort-mouroir de Oualata ont parlé. Ils ont livré beaucoup de témoignages, sous diverses formes.

Que peut-on encore dire sur Oualata qui ne soit connu de vous ? Dans ces conditions, parler de Oualata ne paraitrait-il pas redondant ? pourrait-on se demander. À notre décharge ceci que l’itération, en cette matière comme en n’importe quelle autre, est une vertu, un acte pédagogique. À quoi il faut ajouter que l’espace carcéral objet de notre sujet, quoique réduit, est quotidiennement le théâtre d’une multitude d’événements. Petits et grands, divers et variés, ces événements se succèdent souvent à un rythme accéléré et peuvent se produire en dehors du champ visuel d’un détenu donné, et donc d’un futur témoin. Il en découle que les témoignages portant sur un ou des événements aussi intenses et nombreux, aussi exhaustifs et objectifs soient-ils, ne doivent être considérés que comme des maillons. Des maillons qu’il faut assembler et juxtaposer pour obtenir une chaîne de témoignages complets, qui appréhendent au plus près les faits vécus dans leur globalité. D’où l’intérêt, et sans doute le caractère original ou spécifique, de chaque témoignage pris isolément. Convoquer chaque témoignage, encore et toujours, parce que comme l’écrivait Primo Levi : « Nous, les rescapés, nous sommes des témoins, et tout témoin est tenu, même par la loi, de répondre de façon complète et véridique »

Cette profonde et admirable réflexion de Primo Lévi met en exergue, à mon sens, deux dimensions sémantiques : Le devoir de mémoire et l’impératif d’objectivité du témoignage.

Devoir de mémoire, donc. Son appel, nous ne nous y déroberons pas. Car au-delà du témoignage pour l’Histoire, demeure aussi ce devoir de témoignage, j’ai envie de dire : devoir de témoignage sacré des survivants à l’égard des compagnons de prison qui n’ont pas survécu à nos terribles conditions de détention. Elie Wiesel le souligne avec éloquence : « Pour le survivant qui se veut témoin — nous dit-il —, le problème est simple : son devoir est de déposer pour les morts autant que pour les vivants, et surtout pour les générations futures. ». À cet appel du devoir de mémoire, nous tenterons donc de répondre tout en tenant compte de ce qui est mentionné plus haut ; à savoir que sans être épuisé, tant s’en faut, le thème a longuement été abordé sous de multiples formes, en public ou en privé, par beaucoup de rescapés. Aussi, je me propose de n’évoquer ici que certains aspects de notre détention à Oualata ; nos conditions de détention : les travaux forcés ; le ferrement des détenus ; l’alimentation et les maladies ; le commencement de la fin ou le début de la série noire ; la mise en place des conditions pour stopper la série noire. Ces aspects, que j’ai longuement évoqués dans « J’ETAIS A OULATA », je les effleurerai sous un angle strictement narratif. Ensuite j’aborderai les points suivants sous un angle analytique et comparatif : la vie du détenu ou sa lutte pour survivre ; portraits de geôliers ; quelques éléments de similitudes avec les conditions carcérales vécues par d’autres détenus sous d’autres cieux ; enfin, je mentionnerai quelques enseignements ayant valeur universelle.

Nous ferons largement référence à Primo Lévi. Mais qu’il soit bien entendu qu’elle est bien loin de nous cette intention ou cette prétention d’établir la moindre symétrie entre le vécu de l’auteur de Si c’est un homme et ses compagnons et le sort des locataires du Fort de Oualata. Les contextes historiques sont complètement différents ; les acteurs et l’ampleur des entreprises de liquidation, aussi ; et « le caractère civilisé dans la barbarie » dont parlait Edgar Faure pour caractériser la spécificité de l’entreprise de destruction nazie lors de la Seconde Guerre mondiale (c’est-à-dire l’organisation et les méthodes de destruction industrielles de l’homme…), ce « caractère civilisé dans la barbarie » n’existe évidemment pas dans le cas qui nous occupe. Nous tentons simplement, à partir de certaines données identiques (une volonté avouée ou dissimulée d’anéantir des hommes, un même statut de prisonniers déshumanisés, certaines similitudes éloquentes dans les conditions de détention : la faim, la maladie, la crasse, l’humiliation, la torture, la mort, etc.), d’expliciter notre propos et de mettre en évidence ce fait que notre expérience carcérale, dans beaucoup de ses aspects, n’est pas un cas inédit ou isolé.

Dans la nuit du 8 au 9 décembre 1987, les 35 militaires qui venaient d’être jugés à Jreïda et condamnés pour « crime d’atteinte à la sureté de l’Etat » furent conduits, sous escorte et menottés, vers le site du Centre émetteur de radio Mauritanie situé entre Nouakchott-ville et Jreïda. Les camions qui les transportaient s’arrêtèrent aux abords du centre émetteur. Se trouvait déjà là un camion-remorque bâché sous la surveillance d’un peloton de la garde nationale. Dans le noir de la nuit, une nuit noire que la lune et les étoiles semblaient avoir déserté, comme pour signifier leur refus d’être les témoins de la tragédie qui attendait les 68 détenus négro-africains, le camion-remorque était à peine visible. S’y trouvaient 27 détenus civils arrêtés en septembre 1986 suite à la publication par les FLAM du Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé. Après avoir été comptés, fouillés et dépossédés de leurs briquets et de leurs boîtes d’allumettes, les 35 militaires embarquent dans le camion-remorque. Destination Oualata.

Dans la nuit du 9 au 10 décembre 1987, les 62 détenus négro-africains que nous étions (les six autres nous rejoindront plus tard) franchirent le seuil de la porte du Fort de Oualata après avoir parcouru plus de mille kilomètres de route — entassés comme des sardines dans un camion-remorque bâché —, et après une halte aux abords immédiats de l’aéroport de Néma, où ils troquèrent leur camion-remorque contre deux camions « Unimog » tout terrain, qui les transportèrent jusqu’au Fort de Oualata. Sitôt arrivés on nous introduisit dans une grande salle obscure. Nous étions épuisés par le long trajet. Le sommeil ne tarda pas à s’emparer de nous. Le 10 décembre 1987, à l’aube, les appels à la prière du matin de Djigo Tabssirou réveillèrent ceux d’entre nous qui dormaient encore. Sa maîtrise du Coran et son âge firent de Djigo Tabssirou notre Imam attitré. Fonction qu’il assumera avec compétence et enthousiasme jusqu’à sa mort, et ce, malgré les atrocités de la détention. Première nuit à Oualata. Première prière collective le matin. Première journée sans petit-déjeuner. Chacun repérait sa place, s’installait, découvrait l’environnement carcéral, ses compagnons de détention. En même temps que se poursuivaient les échanges d’informations commencés durant le voyage. La salle où nous étions parqués était de forme rectangulaire (une longueur de 15 à 20 mètres pour une largeur de 2 mètres cinquante). C’était un hangar qui faisait office de parking pour véhicules militaires qui fut transformé pour les besoins de la détention. Elle n’était pas bien aérée. Deux petits triangles isocèles, encastrés dans chacun des deux murs qui formaient les deux longueurs de la salle, faisaient fonction de fenêtres. Le plancher n’était pas damé. Chacun avait étalé sur le sol, à sa place, soit une couverture, soit un drap, soit un pagne. Nous nous installâmes de manière à former deux rangées de part et d’autre des deux longueurs de la salle. Il nous restait ainsi un couloir de circulation d’une largeur d’un mètre. Nous l’utilisions pour nous déplacer. Il conduisait directement aux toilettes via l’antichambre qui se trouvait à l’un des deux bouts de la salle.

Une trentaine de gardes armés de fusils Kalachnikov, c’étaient nos geôliers. Ils étaient sous le commandement d’un régisseur, l’adjudant-chef Mohamed Ould Boubaly (nommé par la décision numéro 1508 du 08 décembre 1987)

Premier repas dans le Fort. Il est servi à 10 heures du matin. Qu’il le fût à cette heure si matinale pour un repas ne nous parut pas de prime abord étrange. Beaucoup pensèrent que c’était pour compenser l’inexistence du petit-déjeuner. Mais notre repas, c’était en tout et pour tout une pâte de riz obtenue par simple mélange de riz et d’eau. Il était sans huile, sans viande, sans condiment, sans saveur. Un riz avarié dont les animaux n’auraient pas voulu. Un riz si avarié que cuit il exhalait une odeur à faire vomir. Dans la tradition gastronomique mauritanienne, cette pâte de riz, seule, en tant que telle, ne figure dans aucun menu. Pour être comestible, elle accompagne toujours une sauce — Mafé, domoda, riz à la sauce, etc. (Et là, je parle sous le contrôle de nos vaillantes femmes, spécialistes en la matière, ici présentes.) C’est cette pâte de riz que nous avions appelée « Gnankata ». Mot qui prendra très vite une bonne place dans notre vocable carcéral. Nos repas, nous les prenions par groupes de cinq ou six définitivement constitués. Comme nous n’avions pas suffisamment d’eau, même pour boire, les premiers jours nous mangions notre Gnankata sans nous laver les mains. Et après avoir mangé, certains nettoyaient leurs mains en les frottant sur leur tête, d’autres sur leurs maigres vêtements. Pour boire, chaque détenu n’avait droit qu’à deux dotations journalières : chaque dotation correspondait au contenu d’un pot de lait «Gloria» vide.

Le 27 décembre 1987 eut lieu la première fouille des détenus : montres, argent, cigarettes et d’autres colifichets furent confisqués.

Les travaux forcés, pour la réalisation desquels on nous retirait les menottes, avaient commencé juste après notre installation. Pour l’essentiel, ils consistaient à remplir d’eau des bidons de 70 litres à partir d’un puits situé à un kilomètre du Fort. Après quoi, il nous fallait transporter ces bidons jusqu’au Fort. Ces travaux, pour les exécuter nous formions deux équipes de quatre détenus le matin et deux autres équipes avec le même nombre l’après-midi. Chaque matin, chaque après-midi, chaque équipe effectuait plusieurs opérations de transport de bidons d’eau, escortée par trois ou quatre gardes armés de fusils kalachnikov. Pour transporter un bidon, nous le déposions, une fois rempli d’eau, sur un sac de riz vide. Chacun des deux détenus placés devant saisissait une des deux extrémités avant du sac, tandis que les deux autres placés derrière tenaient chacun l’une des deux autres extrémités arrière du sac. Le bidon de 70 litres ainsi posé sur le sac vide, ainsi soulevé, était ainsi transporté jusqu’au Fort. Les travaux de puisage et de transport de bidons d’eau étaient d’autant plus exténuants que nous étions affaiblis par la faim et les maladies et que nous les effectuions — dès le 3 janvier1988 — les pieds ferrés. Aussi, souvent, trois ou quatre arrêts étaient nécessaires pour que nous puissions souffler. Ces petites pauses sur le trajet Fort/puits étaient l’occasion pour certains gardes de nous rudoyer, nous insulter, nous traiter de « sales juifs ». À la souffrance physique s’ajoutait donc la souffrance morale, psychologique. Déplacer des pierres innocentes qui jonchaient les abords immédiats du Fort, c’était l’autre volet des travaux forcés.

Les chaînes avec lesquelles nous serons ferrés arrivent au Fort le 3 janvier 1988 dans les bagages du lieutenant Mohamed Ghaly Ould Souvi, nouveau commandant du Fort. (Arrivent le même jour au Fort Sy Abdoulaye Malikel, Gorgui Sar, Toumbo Haby, Sambou Youba, Ly Moussa Hamet et Diallo Alassane. Ils viennent de Nouadhibou où ils furent arrêtés en septembre 1986, jugés puis emprisonnés). Sitôt arrivé, le lieutenant Ghaly nous édifia définitivement sur le sort funeste qui nous attendait et dont on avait déjà commencé à percevoir les prémices. Dès ses premiers jours au Fort, il s’adresse à un groupe de détenus en ces termes : « […] Je m’en fous, celui qui déconne je le flingue et je rends compte qu’il est mort de diarrhée. » L’évolution des choses au Fort — ainsi que nous le verrons plus loin — ne lui donna pas l’occasion de « Flinguer » un détenu. Mais le 6 janvier 1988, soit 3 jours seulement après son arrivée au Fort, il fit ligoter et torturer notre camarade Sall Ibrahima Abou, qu’il exposa au soleil, au milieu de la cour, pour qu’il soit bien vu de tous les détenus. Pourquoi ? Parce que notre camarade lui avait fait observer au cours d’une discussion que les chaînes qui entravaient les pieds des détenus étaient incompatibles avec les travaux qu’ils effectuaient, et que leur usage relevait d’une pratique esclavagiste d’un autre monde.

Le 3 janvier 1988 tous les détenus furent ferrés par binôme. Un anneau de la chaîne enserrait le cou-de-pied droit d’un détenu pendant que l’autre enserrait le cou-de-pied gauche de son compagnon ou inversement. Les deux détenus se trouvaient ainsi attachés l’un à l’autre par ces grosses chaînes cadenassées. De sorte qu’aucun des deux ne pouvait se déplacer ou faire quoi que ce soit sans l’autre, y compris pour se coucher, y compris pour aller aux toilettes. Désormais, chacun devait satisfaire ses besoins naturels sous le regard de son compagnon-jumeau. Trop de désagréments. Trop de proximité. Aucune place pour la pudeur. Traités comme des animaux, nous avions demandé avec insistance à l’administration carcérale la suppression du ferrement par binôme pour le remplacer par le ferrement individuel des détenus. Ce qui fut fait au bout d’une semaine.

Au bout d’un mois, pas plus, les effets des travaux forcés, du « Gnankata », unique alimentation au déjeuner comme au dîner, se firent voir. Plusieurs cas de maladies, liées à la malnutrition ou aggravées par elle, furent observés : gastro-entérite aiguë, diarrhée, dysenterie, constipation, troubles visuels, altération de la santé sans cause apparente, maigreur, vertiges, asthénie, saignement des gencives, etc. Ces maladies furent facilement diagnostiquées par notre camarade Bâ Mamadou Sidi — spécialiste en matière sanitaire.

Le 24 janvier 1988 une délégation dirigée par un officier de renseignement de la Garde nationale arrive au Fort. Elle se compose, en plus de l’officier de renseignement, du lieutenant Dahi, commandant du Groupement Régional de la garde (GR) basé à Néma, et de l’adjudant Nouess. Le matin du 25 janvier 1988, la délégation, sans l’officier de renseignement et sans Boubaly, entre dans notre salle accompagnée du « Flingueur ». Le contact fut courtois et même chaleureux, surtout quand l’adjudant Nouess découvrit certaines de ses connaissances parmi les détenus. Et les échanges furent corrects et respectueux. Nous posâmes nos revendications : alimentation, soins, restitution de nos effets confisqués. Le lieutenant Dahi nous écouta. Il prit note. Puis la délégation partit. Vers 18 heures, elle revint. Cette fois-ci l’officier de renseignement était là. Le lieutenant Dahi nous demanda s’il y avait eu amélioration de notre repas de midi. On lui fit savoir qu’il n’y en avait pas eu. Et il n’y en aura pas jusqu’à ce que commence la terrible série noire. Les maladies que nous avons évoquées plus haut et notre alimentation annonçaient le béribéri. Beaucoup de détenus étaient atteints de béribéri. Cloués au même endroit, comme atteints de paralysie, ils ne pouvaient faire le moindre effort sans l’assistance de leurs camarades. « Provoqué par l’avitaminose, ceux qui en étaient atteints étaient envahis par l’asthénie. Ils s’essoufflaient au moindre effort. Etaient condamnés à l’immobilité jusqu’au moment où, faute de soins appropriés, la mort les emportait. » Et la mort arriva.

Le 26 août 1988 à 15 heures 5, Alassane Oumar Bâ rend son dernier soupir. Le 2 septembre 1988 Ten Youssouf Gueye, transporté à Néma par les soins du lieutenant Oumar Ould Boubacar pour y être soigné, décède dans une prison. Le 13 septembre 1988 vers 19 heures, le lieutenant Bâ Abdoul Khoudouss expire, les pieds ferrés. Le 28 septembre 1988 vers 9 heures 30, Djigo Tabssirou s’éteint. Un mois et deux jours : quatre morts.

Le 24 janvier 1988 eut lieu la première visite d’officiels au Fort, c’est celle mentionnée plus haut. Le 9 février 1988, le lieutenant-colonel Frank, chef d’Etat-major adjoint de la garde nationale, accompagné du lieutenant Dahi arrive au fort. Il apporte la mutation du Lieutenant « flingueur ». Probablement dans la première quinzaine du mois d’octobre 1988 (quelques jours seulement après le dernier décès, celui de Djigo Tabssirou), une forte délégation arrive au Fort. Sa composition : le lieutenant-colonel Frank, de nouveau, le commandant Oualad, Wali de la région Hodh El Chargui. Le lieutenant Oumar Ould Boubacar, qui a remplacé le lieutenant Dahi à la tête du Groupement régional de la Garde, les accompagnait. La délégation reçut les deux délégués des détenus, qui lui exposèrent toutes les doléances de leurs compagnons. La délégation écouta avec beaucoup de patience et d’intérêt, prit note et congé. Peu de temps après cette visite, toujours courant octobre 1988, un capitaine médecin de la Garde nationale débarque au Fort ; sa mission : soigner les détenus et veiller sur leur santé. Dans la même période, vêtements, couvertures, couettes, aliments divers et variés débarquent au Fort. Nous avions demandé et obtenu de prendre les commandes de notre cuisine. Notre camarade Djiby Doua avait désormais le contrôle de ce front de bataille névralgique dans la vie d’un détenu.

Manifestement le pouvoir de Nouakchott avait cédé aux pressions internationales devenues de plus en plus fortes et nombreuses depuis la mort de nos quatre camarades. Pressions qui exigeaient des informations fiables sur le sort des prisonniers négro-africains et la possibilité pour leurs familles de leur rendre visite. Mais nous étions des squelettes mobiles, méconnaissables. Pour que nous puissions reprendre contact avec le monde extérieur, il fallait nous faire passer de l’état d’animalité où nous avait réduits le système carcéral à l’état d’humanité. Soignés, nourris, vêtus, mieux considérés, les détenus retrouvèrent progressivement forme, force et santé. C’est sans doute pour constater par lui-même que le processus de notre mise en forme était bien enclenché et qu’il se poursuivait, que Djibril Ould Abdallahi, le tout-puissant ministre de l’intérieur de l’époque, arriva au Fort vers fin octobre 1988. L’accompagnait le lieutenant Oumar Ould Boubacar. Il ne chercha pas à nous rencontrer. Nous n’avions aucune envie de le voir. Il fut reçu par Boubaly devant l’entrée du Fort. Le lendemain de sa visite une journée de repos nous fut accordée ; et il y eut, ce jour, une amélioration notable de nos repas, en qualité et en quantité.

Le 31 octobre 1988, tous les détenus civils et de droit commun furent transférés au Fort d’Aïoun. Novembre/décembre 1988, une délégation composée de journalistes (de Sud Hebdo, du Sénégal, et de Jeune Afrique) et des représentants de la Ligue Mauritanienne Des Droits de l’Homme (LMDH) effectue une visite dans les Forts d’Aïoun et de Oualata. Le 1 janvier 1989, les détenus militaires quittent le Fort de Oualata pour celui d’Aïoun où se trouvent déjà leurs camarades civils. Quelques temps après, les détenus auront droit à la visite des familles.

Le 7 mars 1991, les 33 détenus militaires sont libérés. Les détenus civils l’avaient été avant cette date (Décembre 1989 pour les condamnés à 4 ans de prison ayant bénéficié de la remise de peine d’une année ; Septembre 1990 pour les condamnés à 5 ans de prison ayant bénéficié de la même remise de peine.)

La vie du détenu ou sa lutte pour survivre, sous quelque ciel que ce soit, consiste à faire sien ce « savoir-vivre » que définit Primo Lévi et qui consiste, dit-il, en un « […] code de comportement spontané : certaines « prescriptions » et certains interdits pouvaient être tournés, il fallait le savoir, mais on l’apprenait avec l’expérience […] Celui qui survivait aux premiers jours finissait par apprendre tous les biais, toutes les ficelles possibles, la meilleure manière de se porter malade, par exemple. » En somme, il s’agit de savoir ruser pour contourner des interdits, surmonter certaines contraintes ; développer, chaque fois que cela est possible, sinon des formes de lutte, du moins des résistances même passives pour tenir, pour survivre, pour sans cesse faire reculer cette échéance fatale toujours présente : celle de la mort. Nous étions dans la logique de ce « savoir-vivre » -là lorsque, harassés par la lourdeur de nos chaines aux pieds et l’inconfort dans lequel elles nous plongeaient en permanence, 22 d’entre nous décidèrent de casser le cadenas qui retenait la chaîne à leurs pieds. Pour cela, beaucoup passèrent devant la « forge » de Diacko Abdoul Kérim qui s’était spécialisé dans l’art de fracturer le cadenas dont les chaînes étaient pourvues. Il suffisait ensuite d’enrouler le cadenas cassé avec des morceaux de chiffons qui nous protégeaient en même temps des frottements des anneaux de la chaîne sur nos chevilles.

Le 22 mars 1988, 22 détenus, dont deux de droit commun, avaient le cadenas de leur chaîne cassé. Cela fut découvert suite à une fouille sévère et systématique… de tous les détenus et de tous leurs effets. Les 22 détenus qui avaient cassé leur cadenas seront atrocement torturés à ciel ouvert, dans la nuit du 22 mars 1988, puis isolés dans un local exigu pendant un mois. Les conditions de détention des autres furent durcies : maigres effets confisqués, l’unique lampe à pétrole supprimée. Obscurité complète la nuit. Les quelques ouvertures dans les murs qui faisaient office de fenêtres furent obturées avec du banco.

La valorisation du temps, l’organisation de la vie dans l’espace carcéral ; contrer la volonté de deshumanisation du système carcéral par des tentatives de construire dans l’espace carcéral un environnement humain: activités récréatives, culturelles, intellectuelles, cela aussi procède de ce « savoir-vivre » du détenu. Nous étions dans ce registre quand nous avions demandé et obtenu de prendre en charge l’organisation de nos groupes de travail (quatre en tout) ; quand nous avons mis sur pied une commission, composée des responsables de groupes de travail, présidée par Bâ Oumar Moussa et chargée du suivi et de la gestion de nos problèmes quotidiens. Nous étions toujours dans ce registre quand nous avons créé des jeux de dames et d’échec ; quand nous organisions des débats, des conférences, des séances de traduction du Coran ou des séances de blagues animées par Saïdou Kane ou Mamadou Habi Bâ. Nous étions dans la logique de résistance quand le 5 février 1988 nous avions décidé de débattre de la proposition de rédaction d’une lettre à adresser au CMSN sur « nos conditions de détentions, l’irrégularité de nos procès, notre position sur la situation du pays, notamment par rapport à la Question nationale. »

Le « savoir-vivre de survie » du détenu, ou le réflexe de conservation, lui permet de survivre, d’espérer. Et l’espoir est source de vie. Il réveille en nous des forces oubliées ou méconnues de nous. Des forces mentales qui, dans les pires moments de notre vie, peuvent nous empêcher de basculer dans l’abîme ; ce sont ces ressources qui, sollicitées, permettent au détenu d’opposer l’humanité, via ce « savoir-vivre » dont il a été question, à la volonté de deshumanisation d’un système carcéral dans lequel on retrouve grosso modo trois types de geôliers.

1. Le Mauvais ou le Méchant : c’est le cerbère pète-sec ; il est zélé ; il est intraitable. Il est capable du pire, et sans crier gare. C’est le type le plus dominant. Le garde Abdallahi, le lieutenant « Flingueur » et bien d’autres étaient de cette espèce.

2. Le Bon. C’est le geôlier compatissant, plein d’humanité, respectueux. Nous parlerons de lui plus longuement plus loin. Le garde Cheikh, après sa métamorphose, était de cette catégorie. Dans un camp de concentration, Elie Wiesel en croisera un, dont nous parlerons plus loin.

3. Enfin, il y a le geôlier qui est là parce que sa mission l’a placé là. Et sa mission, il essaie de l’accomplir sans zèle, dès fois sans enthousiasme. Il ne rudoie pas, ne provoque pas, ne maltraite pas ; le brigadier Brahim était de cette catégorie.

Dans la vie carcérale, il peut arriver un ou des moments où le détenu ploie sous les effets cumulés de la faim, de la fatigue, de la crasse, de la maladie, de la torture physique et psychologique… ; c’est le moment où, le processus de deshumanisation du système carcéral ayant atteint son point culminant, le détenu perd son sens grégaire naturel. À ce moment précis, l’aspiration à la survie individuelle a tendance à prendre le dessus sur celle à la survie du collectif, du groupe. Le « chacun pour soi » prend le pas sur l’esprit de solidarité. C’est ce qu’on pourrait appeler en pulaar « Yiɗannde hoore mum wona añannde banndum », expression qui pourrait correspondre au fameux « Charité bien ordonnée commence par soi-même ». Dans ces cas-là, quand l’estomac est longtemps resté sans exercer sa fonction physiologique, quelques morceaux de biscuits ou quelques arachides, vous vous cachez sous votre couverture pour les manger, plutôt que de les partager avec votre voisin. Quand, à la faveur d’une cohue suite à l’évacuation des prisonniers, Elie Wiesel, adolescent, tout en cherchant son père depuis longtemps agonisant, se dit : « Pourvu que je ne le trouve pas. Si je pouvais être débarrassé de ce poids mort, de façon à pouvoir lutter de toutes mes forces pour ma propre survie, à ne plus m’occuper que de moi-même. » ; quand il pense cela, ce n’est assurément pas par cynisme ni par manque d’amour filial ou d’humanité (d’ailleurs « Aussitôt, dit-il, j’eus honte, honte pour la vie, de moi-même. »), mais parce qu’il était à ce point accablé, écrasé, anéanti par les conditions de détention dans le camp de concentration, qu’il ne songeait plus qu’à sa propre survie, même au prix du sacrifice de celle de son propre père mourant.

S’insérer dans une démarche de survie individuelle ou opter pour la survie du groupe ; partager avec le groupe le peu que l’on a ou se le réserver soi-même ; cette ambivalence chez l’homme, lancinante chez le détenu, c’est encore elle que pointe du doigt Jorge Semprun quand il écrit que « Dans les camps, l’homme devient cet animal capable de voler le pain d’un camarade, de le pousser vers la mort. Mais dans les camps l’homme devient aussi cet être invincible capable de partager jusqu’à son mégot, jusqu’à son dernier morceau de pain, jusqu’à son dernier souffle, pour soutenir les camarades. C’est-à-dire, ce n’est pas dans les camps que l’homme devient cet animal invincible. Il l’est déjà. C’est une possibilité inscrite dès toujours dans sa nature sociale. […] Réellement, on n’avait pas besoin des camps pour savoir que l’homme est l’être capable du meilleur et du pire. »

Quant au rapport à la mort, nous constatons que dans des conditions de détention extrêmes la mort rôde. En permanence. Tout la signale. Tout la rappelle. Elle est présente, partout. Chacun y pense. Mais personne n’en parle vraiment. Comme si c’est un sujet tabou. Comme si en parler est un sacrilège. Quelques semaines avant le premier décès à Oualata, celui de Bâ Alassane Oumar, nous avions la certitude qu’elle allait frapper, et sans tarder. Mais cela ne se disait pas. Cela se taisait ou se chuchotait. Quand allait-elle intervenir précisément, qui ferait partie de la liste macabre, c’est à ce niveau que se situait l’inconnue pour nous. « La pensée de la mort était refoulée, comme dans la vie courante », nous dit P. Lévi pour qui, qu’elle fût « escamotée » découlait du fait qu’elle n’« apparaissait pas comme un péril immédiat ».

Je voudrais pour finir mettre l’accent sur deux enseignements, entre autres, de portée universelle, mis en évidence et vérifiés par le vécu carcéral.

Premier enseignement Le bon geôlier ou la métamorphose du mauvais geôlier en bon : c’est la mise en exergue, dans toute son acuité, de la complexité de l’être humain au travers de ses contradictions et de ce qu’il y a en lui d’ambivalent. C’est la problématique de « la bonté et de la méchanceté humaine » que Primo Lévi pose sous forme interrogative quand il dit « […] qu’il y a des hommes bons, d’autres qui ne le sont pas, que chacun est un mélange de bon et de mauvais ? »

Dans le système carcéral, objet de notre propos, la finalité est de briser psychologiquement et physiquement le détenu jusqu’à ce que mort s’ensuive, sinon de l’humilier en le deshumanisant. Pour réaliser cet objectif, le système carcéral s’appuie sur un dispositif de sécurité et de surveillance. Les hommes qui opèrent dans ce système carcéral en constituent l’élément central. Il faut qu’ils soient suffisamment obéissants, zélés, endoctrinés ou supposés comme tels, pour s’acquitter de la funeste besogne qui leur est confiée. En effet, zélés, revêches, cyniques, sadiques…, ils le sont en général et majoritairement. Mais dans ce milieu hostile et violent par essence, fait de brutes et de méchants, émergent toujours des hommes de bonté, des alliés, en somme. Ils vous apportent leur solidarité, leur aide, autant que le leur permettent les conditions dans lesquelles ils exercent leur fonction de geôliers. Le Bon et le Méchant, réunis et unis dans un système carcéral au service d’une même mission, mais qui la perçoivent et l’exécutent différemment, je les ai les côtoyés à Jreïda et à Oualata.

Le Bon de Jreïda, ayant déjà parlé de lui dans le livre mentionné plus haut, souffrez que je vous dise un mot à propos de celui de Oualata, car, à bien des égards, il présente étrangement des similitudes frappantes avec Lorenzo, celui dont Primo Lévi disait croire que c’était à lui qu’il devait d’avoir survécu. Mais parlons d’abord de notre Monsieur de Oualata. Il était courtois et respectueux. Il avait le visage et l’allure générale des personnes naturellement affables et attachantes, celles qui — au premier contact —, vous inspirent sympathie plutôt qu’aversion. Il était altier sans être arrogant. Il était l’antithèse du « Flingueur ». Il avait un sens empathique très prononcé. Il savait nous écouter. Face à nos multiples problèmes, il était très réactif. À chaque fois que cela fut pour lui possible, il a cherché à nous apporter un peu de confort, si tant est qu’on puisse faire usage de ce mot dans les conditions qui étaient les nôtres. Deux ou trois fois, il se rendit à Nouakchott. Dans ses bagages les lettres de quelques détenus destinées à leurs familles résidant à Nouakchott. Une fois à Nouakchott, déjà muni des coordonnées des familles qu’il avait obtenues des détenus, il se déplaçait lui-même jusque chez chaque famille, lui remettait son courrier, en prenait un autre pour le détenu. Aux détenus concernés, il apportait lettres et nouvelles de leurs familles. Est-il besoin de souligner qu’il suffit de se projeter dans le contexte de l’époque pour savoir que Monsieur prenait des risques énormes qui auraient pu lui coûter sa carrière s’il était pris la main dans le sac. Il y a aussi le cas de Cheikh que j’ai signalé dans J’ETAIS A OUALATA. Il ne s’agit pas là de la cohabitation entre deux geôliers : le Bon et le Méchant ; mais de l’ascendant du bon sur le mauvais chez le même geôlier. Cheikh était acariâtre, agressif, méchant, brutal dans ses manières et dans son expression. Il finit en peu de temps par se métamorphoser en geôlier qu’on pourrait classer parmi les Bons. Il devint simplement humain, capable d’empathie et de sympathie.

Quant à Lorenzo, ouvrier civil, Primo Lévi écrivait (ouvrons les Guillemets) : « […] pendant six mois (il), m’apporta un morceau de pain et le fond de sa gamelle de soupe ; il me donna un de ses chandails rapiécés et écrivit pour moi une carte postale qu’il envoya en Italie et dont il me fit parvenir la réponse. Il ne demanda rien et n’accepta rien en échange, parce qu’il était bon et simple, et ne pensait pas que faire du bien dût rapporter quelque chose. » « Mais Lorenzo était un homme : son humanité était pure et intacte, il n’appartenait pas à ce monde de négation. C’est à Lorenzo que je dois de n’avoir pas oublié que moi aussi j’étais un homme. » (Fermons les guillemets.)

Parlant d’un surveillant dans un camp de concentration, Elie Wiesel notait ceci : « Sept cents détenus travaillaient sous ses ordres et tous l’aimaient comme un frère. Jamais personne n’avait reçu une gifle de sa main, une injure de sa bouche. »

Le Bon et le méchant geôlier cohabitent souvent. Que le Bon soit visible du détenu ou non ; qu’il se laisse voir comme tel ou qu’il agisse dans la discrétion au profit du détenu, il est souvent, voire toujours, présent dans le milieu carcéral. Et le détenu finit toujours par l’identifier par son comportement, par mille petits gestes : une façon de parler, un regard, une recherche de proximité, de contact, etc. La cohabitation entre le Bon et le Méchant geôlier, dans des conditions carcérales extrêmes, c’est un fait que j’ai vérifié dans mon expérience carcérale, et je pense que c’est une réalité que l’on retrouve dans tous les milieux carcéraux, sous quelques cieux qu’il s’agisse. C’est cette cohabitation, entre le Bon et le Méchant, que nous désignons en pulaar par l’expression « Ɗo bonɗo woni fof, moƴƴo ene ɗoon », autrement dit, « là où se trouve le méchant, il y a le bon ».

Deuxième enseignement. Les valeurs de liberté et de dignité

Elles sont théoriquement et universellement admises comme n’ayant pas de prix, quelle que soit l’échelle considérée : une personne, un groupe humain, un pays. Mais seuls quelques laboratoires d’expérimentation infaillibles, quoique nous eussions bien voulu nous en passer, peuvent apporter la preuve concrète, tangible, irréfutable de cette vérité valable partout et en tout temps. Au nombre de ceux-ci le lieu carcéral, quel que soit le nom qu’il porte : camp, prison, Fort, etc. C’est en détention, là où on est complètement, radicalement privé de cette liberté et amputé de cette dignité que l’on saisit tout le sens, toute la portée, toute la substance, toute la vérité de ces belles et admirables formules : « La liberté n’a pas de prix », « La dignité n’a pas de prix ». Et c’est sans doute pour cela, et parce qu’elles sont à chaque instant menacées, cette liberté et cette dignité, que David Eisenhower, que je cite de mémoire, a dit en substance, dans son discours à l’occasion de l’une des premières célébrations en France du débarquement en Normandie des Forces Alliées le 6 juin 1944 : « La liberté est une conquête de tous les jours ».Autrement dit, elle doit être conquise et préservée chaque jour, et on doit y veiller de manière permanente sous peine de la voir piétinée ou confisquée. Il s’agit là, on l’aura compris, d’un enseignement majeur de la Seconde Guerre mondiale et de ses camps d’extermination, symbole abominable de la mort de la liberté et de la dignité humaine. Et c’est probablement fort de cet enseignement fondamental, qu’il a lui-même tiré de son propre vécu concentrationnaire, que Primo Lévi nous prévient : « Partout où, dans le monde, on commence par bafouer les libertés fondamentales de l’homme et son droit à l’égalité, on glisse rapidement vers le système concentrationnaire, et c’est une pente sur laquelle il est difficile de s’arrêter. »

En ce qui nous concerne, nous Mauritaniens, notre contribution dans le combat universel pour la liberté et la dignité humaine doit aussi consister à davantage de vigilance, et à œuvrer constamment pour que plus jamais ne se reproduisent en Mauritanie d’autres Oualata, d’autres Inal, d’autres Jreïda, d’autres Sorimalé. La liste est loin d’être exhaustive — cela ne vous a pas échappé.

Merci de votre patience.

Boye Alassane Harouna

13 avril 2013

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Bibliographie

BOYE Alassane Harouna – J’ETAIS A OUALATA – Le RACISME d’ETAT en MAURITANIE – Editions de l’Harmattan – 1999.

PRIMO Lévi – Si c’est un homme – Julliard – Pour traduction française – 1987.

PRIMO Lévi – Le Devoir de mémoire – Editions Mille et une nuits – janvier 1995/septembre

2000.

ELIE Wiesel – La nuit – Editions de minuit – 1958/2007.

Jorge Semprun – Le grand voyage – Folio – Editions Gallimard – 1963.

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