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Moustapha Sidatt : Un Discours Puissant sur la Gouvernance en Mauritanie

Dans son dernier discours, Moustapha Sidatt, ancien sénateur connu pour son franc-parler, dépeint la situation politique en Mauritanie à travers une métaphore saisissante. Découvrez son analyse critique sur l'immobilisme et la stratégie du régime.

Moustapha Sidatt, ancien sénateur mauritanien, utilise des images évocatrices pour dénoncer l’immobilisme du régime actuel. À travers son dernier discours, il met en lumière les dérives d’une gouvernance figée et appelle à une vigilance civique.

Moustapha Sidatt, ancien sénateur, tribun au franc-parler proverbial. Son dernier discours imagé, s’inscrit dans cette tradition d’intellectuels mauritaniens capables d’user du lexique pastoral pour révéler les déraillements de la modernité politique.
« Le régime suit la politique du transporteur de boue » : en quelques mots, Moustapha Sidatt convoque une image tirée du fonds anthropologique maure. Celle d’un homme usant de dix ânes, contraints au mutisme par des sacs couvrant leur tête, pour les charger un à un de boue avant de les faire avancer aveuglément. Cette scène, que tout enfant saharien pourrait visualiser, devient ici l’illustration saisissante d’une gouvernance où les fonctionnaires sont méthodiquement rendus aveugles, sourds, muets – et surtout impuissants.
Cette figure, que d’aucuns qualifieraient de pastoralisme politique, n’est pas une simple trouvaille oratoire. Elle s’apparente à un diagnostic systémique : dans cette mauritanie décrite par Sidatt, il ne s’agirait pas d’un État en panne, mais d’un État sciemment figé. D’un appareil volontairement ankylosé pour empêcher la moindre velléité d’autonomie administrative ou de contre-pouvoir technocratique.
En bon connaisseur des pratiques politiques du régime, Moustapha Sidatt ne tombe pas dans la dénonciation naïve de l’incompétence. Il parle de stratégie. Selon lui, l’inefficacité face au trafic de drogue, à l’immigration clandestine ou à la corruption endémique ne relève pas de la faiblesse mais de la préméditation. Les responsables ne sont pas dépassés : ils sont muselés. L’argument est fort, presque subversif, car il renverse la grammaire habituelle du débat public. Là où les critiques parlent d’inefficience ou de lenteur, lui évoque délibération, verrouillage, et mise en condition institutionnelle.
Dans cette perspective, l’État n’est pas un corps malade : il est un organisme dopé à l’immobilisme, où toute cellule autonome est étouffée à dessein. Une dictature douce, aux allures technocratiques, mais où toute initiative sortant du script central est décapitée dans l’œuf.
Loin de s’arrêter à la dénonciation, l’ancien sénateur endosse le rôle d’un Cassandre politique. Il alerte sur les risques d’effondrement progressif, non pas spectaculaire mais diffus, par capillarité : désintégration des solidarités nationales, marginalisation des périphéries, fatigue des élites, désenchantement citoyen. À l’image du transporteur de boue, le pays avance, certes, mais sans direction, sans visibilité, et sans intelligence collective.
Ce risque de fragmentation, Sidatt ne le fantasme pas. Il le fonde sur l’absence de pilotage stratégique, sur le rejet des compétences indépendantes, sur la centralisation asphyxiante du pouvoir politique comme du savoir administratif.
Mais derrière le discours acerbe, une invitation se devine : celle de la vigilance civique et de la reconstruction morale de la République. Car si les ânes avancent à l’aveugle, ce n’est pas une fatalité. C’est un choix. Et ce choix peut être inversé. Par le courage d’agents publics déchaussant symboliquement les sacs. Par une société civile plus exigeante. Par une élite qui refuse l’obéissance mécanique. Et, peut-être, par le retour d’une parole politique authentique, qui ne craigne ni la boue ni le tumulte, tant qu’elle permet d’éviter le naufrage.
Le propos de Moustapha Sidatt n’est ni une saillie d’humeur ni une provocation sans lendemain. C’est une interpellation majeure sur la nature même de notre gouvernance. À travers une métaphore d’éleveur, il signe un traité de philosophie politique, où la lucidité pastorale devient arme de résistance. Un avertissement enveloppé dans les habits du folklore, mais dont l’écho pourrait bien traverser les murs épais du mutisme institutionnel.

Mohamed Ould Echriv Echriv

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