Moulay Gouad décortique le rapport de la Cour des comptes : entre transparence et limites méthodologiques
L’expert-comptable et ancien Inspecteur général adjoint de l’État, Moulay Gouad, livre une analyse lucide et sans complaisance du dernier rapport de la Cour des comptes, entre avancées notables et faiblesses structurelles.
Analyse : Le rapport de la Cour des comptes passé au crible par Moulay Gouad
Par la rédaction de Mourrassiloun
Expert-comptable et ancien Inspecteur général adjoint de l’État, Moulay Gouad livre une lecture lucide et critique du dernier rapport de la Cour des comptes. À ses yeux, ce document dense et complexe mérite d’être abordé avec méthode, en deux temps : d’abord une analyse de sa forme et de sa démarche, puis une étude approfondie de ses conclusions sectorielles.
« Le volume d’informations et la diversité des observations imposent une lecture structurée », souligne-t-il, avant d’ajouter que cette première approche vise à “évaluer le style, le format et l’esprit de contrôle qui sous-tendent ce rapport essentiel”.
Un outil de transparence à double tranchant
Pour Moulay Gouad, la publication des rapports annuels de la Cour des comptes représente une étape majeure vers la transparence et la reddition de comptes. En rendant ces documents accessibles, l’institution invite la société civile, les médias et l’opinion publique à participer au contrôle de la gestion publique.
Mais il appelle à la responsabilité :
« Ces rapports ne doivent pas devenir des instruments de diffamation ni des prétextes à des règlements de comptes. Ils doivent être lus avec sérieux et objectivité. »
L’expert plaide pour que cette pratique s’étende à d’autres organes de contrôle — Inspection générale de l’État, corps d’audit ministériels — afin de renforcer la culture de transparence et d’améliorer la qualité des institutions de contrôle elles-mêmes.
Un rapport utile, mais perfectible
Au-delà du fond, Moulay Gouad s’attarde sur la forme :
« Quelle que soit sa valeur technique, un rapport doit être conçu pour être lu, compris et consulté. »
Il préconise une présentation plus claire, plus visuelle — avec graphiques, tableaux et indicateurs — afin de rendre les constats accessibles à tous.
L’expert note également un déséquilibre entre les ressources dont dispose la Cour et le nombre limité de missions réalisées, en moyenne six par an. Une cadence qu’il juge “modeste” et symptomatique d’un manque de dynamisme ou de motivation interne.
Des zones d’ombre et des lacunes
L’ancien inspecteur regrette l’absence d’informations sur les ressources humaines et matérielles de la Cour, qui auraient permis d’évaluer sa propre efficacité.
Autre constat : la faible présence du contrôle de performance, pourtant essentiel pour mesurer l’impact des politiques publiques.
« Cette approche semble encore formelle plutôt qu’analytique, faute d’outils adaptés et d’un environnement administratif prêt à l’accueillir », déplore-t-il.
Certaines formulations du rapport — “un nombre significatif de” ou “des irrégularités constatées” — manquent, selon lui, de précision chiffrée. Une imprécision qui, dit-il, “affaiblit la rigueur du document et brouille la transparence”.
Des omissions notables
Le rapport passe également sous silence des secteurs stratégiques comme l’éducation, l’agriculture ou l’eau.
De plus, aucun suivi n’est fait sur la mise en œuvre des recommandations précédentes, ni sur la réaction des administrations concernées.
« Sans ce suivi, le rapport perd une partie de sa valeur opérationnelle », insiste Gouad.
Entre diagnostic et surveillance
L’analyse de Moulay Gouad met en évidence une orientation “plus consultative que punitive” du rapport. Les observations se traduisent par des recommandations, sans désignation claire de responsabilités individuelles.
« Cette prudence affaiblit l’effet dissuasif du contrôle », estime-t-il, soulignant que le document “ressemble parfois davantage à un diagnostic administratif qu’à un véritable rapport de surveillance”.
Parmi les constats les plus marquants, environ 40 % des irrégularités relèveraient de la sphère financière — décaissements injustifiés, irrégularités de recouvrement — sans mention des suites données.
Une vigilance citoyenne encore à construire
En conclusion, Moulay Gouad appelle à un usage responsable des rapports publics, mais aussi à une amélioration méthodologique du travail des institutions de contrôle.
Son regard critique rappelle une évidence : la transparence n’est pas seulement une question de publication, mais de lisibilité, d’impartialité et de rigueur.
À suivre…
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