Accueil |

L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a quitté le Centre national de cardiologie

L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, condamné le 14 mai 2025 à 15 ans de prison ferme pour enrichissement illicite, continue de susciter l’attention nationale et internationale. Tandis que sa défense dénonce une instrumentalisation politique de la justice, son état de santé en détention alimente de vives inquiétudes. Enquête sur la gestion de ce dossier emblématique et les conditions de détention de l’ex-homme fort de Nouakchott.

Nouakchott – Près de deux ans après l’ouverture de l’instruction du « dossier de la décennie », le cas de Mohamed Ould Abdel Aziz reste au centre du débat public mauritanien. Si le verdict du 14 mai 2025 a marqué un tournant judiciaire inédit – avec la première condamnation d’un ancien chef d’État pour corruption dans l’histoire du pays – la gestion de son incarcération et les alertes répétées sur sa santé posent aujourd’hui la question d’un traitement équitable et conforme aux droits fondamentaux.

Un procès hors normes

Le procès de Mohamed Ould Abdel Aziz, ouvert en janvier 2023 devant la Cour criminelle de Nouakchott Ouest spécialisée dans la lutte contre la corruption, a retenu l’attention bien au-delà des frontières de la Mauritanie. L’ancien président (2009-2019) a été reconnu coupable d’avoir abusé de son pouvoir pour amasser une fortune personnelle, au détriment des ressources publiques.

Le jugement, salué par certains comme un signal fort contre l’impunité, est dénoncé par d’autres comme étant le résultat d’un règlement de comptes politique. L’accusé lui-même n’a eu de cesse de proclamer son innocence, invoquant son droit à l’immunité présidentielle et dénonçant une justice instrumentalisée. Ses avocats ont depuis interjeté appel et se battent désormais sur le terrain international, auprès d’organismes de défense des droits de l’homme.

Des conditions de détention sous tension

Depuis sa condamnation, Mohamed Ould Abdel Aziz est incarcéré dans une cellule de prison. Toutefois, des voix s’élèvent, notamment au sein de son entourage et de certains milieux juridiques, pour dénoncer des conditions de détention jugées dégradantes, voire dangereuses pour sa santé.

Souffrant de problèmes cardiaques et ayant été hospitalisé à plusieurs reprises durant la procédure judiciaire, l’ancien président a récemment subi une nouvelle intervention. Selon une source médicale citée par Sahara Media, il a quitté le Centre national de cardiologie dans la soirée du dimanche, après avoir subi un cathétérisme prescrit par le médecin chargé de son suivi. Les examens ont révélé un « problème mineur » au niveau d’une veine cardiaque, jugé sans gravité et traitable par médication, sans nécessité de chirurgie ni d’hospitalisation prolongée. L’intervention, réalisée vers 16 heures, s’est déroulée sans complications, selon les mêmes sources.

Ould Abdel Aziz, qui avait déjà subi deux procédures similaires par le passé, continue de souffrir de douleurs aiguës au genou, selon son équipe de défense, qui réclame avec insistance une autorisation pour des soins spécialisés à l’étranger. Cette requête reste pour l’instant lettre morte.

Un communiqué du  parquet général

Le parquet général, de son côté, a publié un communiqué pour clarifier les circonstances récentes. Il y est précisé que le 19 mai, l’ancien chef de l’État a signalé une dent mobile. Il a été examiné par un dentiste « de son choix », qui a recommandé une extraction, sous réserve d’une évaluation cardiologique préalable, en raison des antécédents médicaux du patient.
À la suite de cette recommandation, des examens complémentaires ont été prescrits par le cardiologue, et « toutes les procédures ont été effectuées en réponse à la demande de la personne concernée et conformément aux protocoles médicaux en vigueur », souligne le ministère public.

Ces éléments, bien que fournis dans un souci de transparence, n’ont pas suffi à rassurer les défenseurs de l’ancien président, qui dénoncent un traitement jugé arbitraire, loin des standards garantissant la dignité des détenus, y compris ceux ayant exercé les plus hautes fonctions.

Une affaire à double tranchant pour le pouvoir actuel

La gestion de ce dossier ultra-sensible constitue un véritable test pour le régime du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Ancien compagnon de route d’Aziz avant leur rupture politique, Ghazouani s’est engagé à instaurer un État de droit et une gouvernance plus transparente.

Cependant, les critiques fusent sur la manière dont le dossier est conduit. Certains observateurs, notamment à l’international, s’interrogent sur la coïncidence entre les démêlés judiciaires d’Aziz et les échéances politiques du pays, notamment la présidentielle de 2024. La tentation de neutraliser un adversaire encombrant n’est pas exclue, selon certains analystes, même si rien ne permet de l’affirmer formellement.

Vers une libération conditionnelle ?

Face aux inquiétudes croissantes sur sa santé, la question d’une libération conditionnelle ou d’un aménagement de peine est régulièrement soulevée. Pour l’heure, aucune décision en ce sens n’a été prise. La commission pénitentiaire compétente n’a pas communiqué officiellement, et les autorités judiciaires se retranchent derrière la nécessité d’une stricte application du droit.

Cependant, au sein de la société civile comme dans les cercles diplomatiques, l’idée d’un geste humanitaire commence à faire son chemin. Un compromis politique pourrait-il voir le jour pour désamorcer les tensions ?
Le dossier Mohamed Ould Abdel Aziz reste un révélateur des fragilités de l’État de droit en Mauritanie. Entre la volonté de tourner la page des années d’impunité et la nécessité de garantir un traitement équitable et humain, le pouvoir mauritanien avance sur une ligne de crête. Le sort de l’ancien président, derrière les murs de sa cellule, cristallise à lui seul toutes les tensions d’un pays encore en quête d’équilibre entre justice, politique et droits fondamentaux.

  • Dernières nouvelles de Mauritanie

Rapide info

Laisser un commentaire

Articles similaires