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Mini-sommet États-Unis–Afrique : Washington cible cinq pays pour ses intérêts stratégiques

Le président Donald Trump accueille cinq dirigeants africains à Washington pour un mini-sommet inédit. Derrière le discours économique, une stratégie géopolitique visant à contenir l'influence de la Chine et de la Russie en Afrique.

TRIBUNE – États-Unis – Afrique : Opportunités, influences et sélectivité stratégique

Du 9 au 11 juillet, Washington accueille un mini-sommet États-Unis–Afrique. Autour de la table : les dirigeants du Gabon, de la Guinée-Bissau, du Libéria, de la Mauritanie et du Sénégal. Une poignée d’États triés sur le volet, qui seront reçus par le président américain Donald Trump pour un déjeuner diplomatique aux allures de relance géostratégique. Ce rendez-vous, présenté par la Maison Blanche comme un pas vers un partenariat commercial « mutuellement bénéfique », soulève autant d’attentes que d’interrogations.

Selon le communiqué officiel, Donald Trump « estime que les pays africains offrent d’incroyables opportunités commerciales qui profiteront aux deux parties ». Pourtant, la composition resserrée de cette rencontre signale un changement d’approche dans la politique africaine des États-Unis. En misant sur cinq pays seulement — aux économies modestes mais dotés de ressources naturelles critiques — Washington semble désormais privilégier une stratégie de ciblage pragmatique plutôt qu’un engagement global.

Le ton a été donné ces dernières années : réduction drastique de l’aide publique au développement, recentrage de la politique africaine autour du Département d’État, restrictions migratoires visant plusieurs pays du continent… Le retrait progressif de l’USAID — qui consacrait près de 40 % de son budget aux pays subsahariens — a laissé un vide, comblé partiellement par une approche fondée sur les intérêts économiques. Pour nombre d’observateurs, cette mutation traduit moins un désengagement qu’une reconfiguration.

Derrière les discours sur les avantages mutuels, le nouveau modèle s’apparente à une lecture transactionnelle des relations internationales. Comme l’a déclaré récemment le secrétaire d’État Marco Rubio, « le modèle caritatif ne sert pas les intérêts des États-Unis ». En clair : les partenariats doivent désormais produire des retours sur investissement tangibles, notamment dans les secteurs critiques que sont l’énergie, les ressources minières ou encore les infrastructures stratégiques.

Ce changement de cap n’est pas sans lien avec le contexte géopolitique mondial. Selon des chercheurs de la Brookings Institution, l’objectif est double : garantir l’accès à des ressources essentielles et endiguer l’influence croissante de la Chine et de la Russie sur le continent. Il ne s’agit plus seulement de coopération, mais de compétition. Une compétition pour les métaux rares, les marchés émergents, les corridors maritimes — et les alliances durables.

Le choix des cinq pays invités illustre cette logique. Le Gabon, riche en manganèse, fer, cuivre et or, joue un rôle stratégique dans les chaînes d’approvisionnement en matériaux indispensables à la transition énergétique mondiale. La Guinée-Bissau, peu médiatisée sur la scène diplomatique, possède une biodiversité marine exceptionnelle et un sous-sol prometteur. Le Libéria, allié traditionnel des États-Unis, voit ses ressources minières redécouvertes à la lumière des besoins en cobalt, lithium ou néodyme. La Mauritanie, pionnière du développement de l’hydrogène vert et dotée d’un potentiel solaire et éolien considérable, attire l’attention dans le cadre de la transition énergétique. Quant au Sénégal, sa stabilité politique relative et ses gisements de zircon, de phosphates et de titane en font un acteur central de la recomposition énergétique régionale.

Dans cette configuration, le sommet de Washington n’est ni une simple opération de communication ni une relance nostalgique des années d’aide au développement. Il représente une inflexion stratégique qui cherche à combiner diplomatie ciblée, sécurisation des ressources et projection d’influence. Il marque aussi une tentative de repositionnement américain dans une Afrique convoitée, où la Russie, la Chine, la Turquie, les Émirats arabes unis et d’autres puissances redoublent d’efforts pour tisser leurs réseaux.

Reste à savoir si ce nouveau réalisme américain saura répondre aux attentes africaines. Car un partenariat équilibré ne peut se limiter à des considérations extractives ou sécuritaires. Il suppose également un dialogue politique, un engagement dans la durée, et un respect des aspirations des sociétés civiles locales. Autrement dit, la prospérité mutuelle, si elle veut être crédible, doit s’inscrire dans une vision partagée — et non dans une simple logique de rentabilité géopolitique.

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