Migration à Nouadhibou : Focus sur le trafic, la traite et l’exploitation des migrants, 2020

Migration à Nouadhibou : Focus sur le trafic, la traite et l’exploitation des migrants, 2020

Introduction

Située à la frontière nord de la Mauritanie, la ville de Nouadhibou est un pôle commercial dynamique. Les importantes activités portuaires qui y sont développées et sa position stratégique la rendent très attractive, tant pour les nationaux que pour les étrangers.

Les migrants forment une part importante de la population de la ville. Un bon nombre d’entre eux s’installent à Nouadhibou attiré par les opportunités économiques (réelles ou supposées), tandis que pour d’autres, la proximité avec l’Espagne, via les Iles Canaries, avec le Sahara occidental et le Maroc ou encore avec l’Algérie sont des facteurs motivant le voyage à Nouadhibou. Presque la moitié (44%) des migrants interrogés pendant les phases 1 et 2 à Nouadhibou souhaitent rester dans la ville ; tandis que 13 pour cent des migrants envisagent de quitter Nouadhibou pour continuer vers le nord, et 8% souhaitent rentrer dans leurs pays d’origine.

Les années 2018 à 2020 ont vu une augmentation importante du nombre d’arrivées en Espagne, et plus spécifiquement aux Iles Canaries via les routes de l’Atlantique et de la Méditerranée occidentale, confirmant une augmentation probable des passages par la Mauritanie.

Afin de bénéficier d’une meilleure compréhension des parcours et conditions de vie des migrants à Nouadhibou ainsi que leur accès aux droits et aux services, l’OIM Mauritanie y a mené différentes activités de la Matrice de Suivi des Déplacements (DTM), en novembre 2018 et en mars-avril 2019. Au cours de ces enquêtes, le trafic illicite de migrants, la traite des êtres humains, le travail forcé et autres types d’exploitation se sont révélés être des problématiques régulièrement rapportées par les migrants. L’identification et la prise en charge de plusieurs victimes de traite, migrants objets de trafic, et autres personnes en situation de vulnérabilité par l’équipe de l’OIM Nouadhibou ont confirmé l’existence de ces phénomènes, sans toutefois en déterminer l’ampleur.

En vue de mieux contextualiser ces éléments, l’OIM Mauritanie a mené un 3ème round d’enquête de terrain dans la ville. Les premières deux phases de ce 3ème round pendant le mois d’octobre 2019 ont accordé une place importante à l’actualisation du nombre de migrants présents dans la ville et aux risques auxquels sont confrontées ces personnes. L’OIM a réalisé une troisième phase toujours dans ce 3ème round afin d’approfondir la recherche sur les différents phénomènes d’exploitation et de trafic dans la ville. Réalisée en décembre 2019, cette phase permet de mettre en lumière les secteurs concernés et les besoins particuliers des personnes impactées.

Ce rapport présente que les résultats de la troisième phase. Il est divisé en trois parties :

Méthodologie et de ses limites ;

Résultats obtenus à travers les entretiens avec les informateurs clés, par étape de la migration (en route vers Nouadhibou, à Nouadhibou, à partir de Nouadhibou) ; et

Recommandations, entre autres par rapport aux secteurs à étudier plus en profondeur.

Les données recueillies contribueront à informer davantage les initiatives de lutte contre la traite, l’exploitation et le trafic des migrants en Mauritanie, et permettront à l’OIM et d’autres acteurs travaillant dans ce domaine de continuer à développer une réponse appropriée le long des routes migratoires de la région.

Cadre juridique relatif à la traite des êtres humains et au trafic de migrants

La Mauritanie avait adhéré au Protocole de Palerme en 2005, mais la législation interne de lutte contre la traite adoptée en 2003 couvrait de façon trop sommaire ce crime. Elle n’envisageait pas explicitement la protection des victimes de la traite des êtres humains, ni des mesures concrètes pour les assister. Pour faire face à ces défis, le ministère de la justice a enclenché en 2019 un processus de réforme législative accompagné de larges consultations, en vue de s’assurer d’un projet de loi pratique et enrichi par les perspectives des acteurs de première ligne, le rendant ainsi capable de faire face aux dimensions locales d’un fléau global. Les consultations se sont déroulées dans les quatre villes sièges de cours d’appel en Mauritanie, c’est-à-dire Nouakchott, Nouadhibou, Aleg et Kiffa, avec l’appui de l’OIM, et les commentaires des acteurs et partenaires techniques du Ministère ont été incorporés en début 2020.

Malgré la pandémie du COVID-19, la Mauritanie a démontré l’importance octroyée à la lutte contre la traite des êtres humains, et le trafic illicite de migrants, en adoptant les deux projets de loi en Conseil de Ministres le 12 mars 2020, et ensuite à l’Assemblée nationale le 7 juillet 2020. Ils ont été publiés le 6 août 2020. Ces instruments contribuent à renforcer le cadre juridique existant pour réprimer et punir les auteurs de ces crimes et offrir une protection et une aide renforcées aux victimes. Ils faciliteront également la coordination de la lutte contre les réseaux de traite et de trafic.

Conformément aux obligations internationales que la Mauritanie avait acceptées en ratifiant le Protocole de Palerme, la nouvelle loi sur la traite contient de nombreuses dispositions en matière de droits humains. Elle permettrait aux victimes de traite étrangères de rester sur le territoire avec un séjour régulier pendant « une période de rétablissement et de réflexion », en vue de pouvoir engager les procédures judiciaires visant à réprimer les auteurs de ces crimes. La loi préconise également l’accès à une assistance légale et sociale pour les victimes qui portent plainte contre un trafiquant, ainsi que la protection de leur identité. Ces lois envisagent également plusieurs procédures relatives aux enfants survivants de traite ou objets de trafic et veillent à leur réinsertion et éducation, ainsi que la détermination individualisée de l’intérêt supérieur de l’enfant. Elles ont intégré plusieurs bonnes pratiques inspirées de la législation ouest et nord-africaine en la matière, et placent la question de la coordination au cœur de la lutte contre la traite et le trafic. L’adoption de la nouvelle loi relative à la traite créer une instance nationale de lutte contre la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants.

Ces bonnes pratiques avaient été compilées précédemment dans une étude publiée conjointement par le ministère de la justice et l’OIM en Mauritanie au préalable de cette importante réforme. En effet, la mise à jour des deux textes était envisagée en parallèle, étant donné les liens entre ces deux crimes et la nécessité de lutter de manière coordonnée contre les réseaux de trafiquants impliqués dans la traite personnes et contre les réseaux de passeurs qui visent à faciliter un passage irrégulier de migrants dans d’autres pays – et qui finissent souvent par les maltraiter ou exploiter aussi.

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