Messaoud : l’allié du pouvoir ou la voix des Haratines ?
Messaoud : l’allié du pouvoir ou la voix des Haratines ?
Depuis des décennies, Messaoud Ould Boulkheir se présente comme une figure incontournable de la lutte pour les droits des Haratines. Il s’est imposé dans l’histoire politique de la Mauritanie comme le symbole d’un combat longtemps nié. Mais derrière cette longévité se cache une ambiguïté grandissante : parle-t-il encore au nom des Haratines, ou est-il devenu un rouage d’un système qu’il prétendait combattre ?
Car dans les faits, Messaoud semble aujourd’hui incarner une posture qui désoriente plus qu’elle ne guide. Il donne l’image de celui qui dit implicitement : « Je suis avec le pouvoir » Ce positionnement, fondé sur des compromis successifs avec les régimes en place, l’a éloigné des aspirations d’émancipation réelle, de dignité et de justice portées par une nouvelle génération de Haratines. Comme l’a dit Frantz Fanon :
« Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. »
La mission que portait Messaoud semble aujourd’hui diluée dans des stratégies d’intégration qui renforcent l’ordre établi.
Pire encore, son attitude semble cautionner l’idée dangereuse que les Haratines ne sont qu’une caste subalterne dans le système beïdane, une simple couche intégrée mais jamais émancipée. Ce discours implicite alimente la résignation et l’immobilisme. Il trahit la radicalité nécessaire du combat haratine. Car comme l’écrivait Malcolm X :
« Si vous ne vous levez pas pour quelque chose, vous tomberez pour n’importe quoi. »
Le silence des autres leaders haratines face à cette dérive est inquiétant. Pourquoi ce mutisme ? Pourquoi personne ne répond, ne propose une contre-vision, ne remet en question cette forme de confiscation symbolique du combat ? Le peuple haratine attend des mots vrais, des postures courageuses, une orientation claire. Il ne suffit plus de murmurer dans les salons ou de critiquer en coulisses. Il faut assumer une rupture nette avec les ambivalences du passé.
La question est désormais frontale : voulons-nous être un folklore utile au système ou un groupe conscient, structuré, porteur de revendications historiques et modernes ? Les Haratines doivent avoir un statut politique clair dans la République, fondé sur la justice réparatrice, la reconnaissance des oppressions passées, et l’égalité réelle. Cela implique de sortir du cadre clientéliste. Comme l’a écrit Aimé Césaire :
« Il n’y a pas de dignité sans courage. »
Aujourd’hui, on ne peut plus regarder ailleurs pendant que la maison brûle. L’incendie est là : dans l’effacement politique, dans l’instrumentalisation des élites, dans les petites récompenses qui font taire les douleurs collectives. C’est l’heure de la vérité. L’heure d’un sursaut.
C’est le moment d’un Wetov.
Un Wetov qui dise : assez de compromissions, assez d’ambiguïtés, il est temps d’exister politiquement par soi-même, et non à travers les faveurs d’un pouvoir dont la mémoire sélective entretient l’injustice.
Sy Mamadou