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Mauritanie: Tawassoul prône l’ouverture, tout en gardant ses réserves.

Mauritanie: Tawassoul prône l’ouverture, tout en gardant ses réserves.

Nouakchott – Le président du parti islamiste modéré « Tawassoul », Hammadi Ould Sid El Mokhtar, a dressé un plaidoyer mesuré mais ambitieux en faveur d’un dialogue politique renouvelé et plus inclusif en Mauritanie. Lors de son discours d’ouverture du Conseil de la Choura du parti, tenu hier, il a réaffirmé l’engagement de Tawassoul envers le dialogue en tant que mécanisme privilégié pour résoudre les différends politiques, tout en soulignant les conditions nécessaires à sa réussite.

« Notre participation à cette nouvelle phase de concertation nationale dépend en grande partie de la volonté sérieuse des parties prenantes, de l’inclusivité du processus, et de la capacité à aborder sans tabou les questions politiques, économiques et sociales essentielles à l’avenir de notre pays », a déclaré Ould Sid El Mokhtar.

Cette déclaration intervient dans un contexte politique marqué par une volonté affichée du pouvoir d’engager une nouvelle phase de dialogue national, censée renforcer la cohésion démocratique et désamorcer les tensions latentes entre le régime et ses opposants.

Un dialogue sous conditions

Si Tawassoul se dit prêt à participer à cette initiative, c’est avec prudence. Ould Sid El Mokhtar a rappelé les « leçons douloureuses » des dialogues passés, dénonçant le manque de partenariat réel, l’exclusion de certaines forces politiques, et des conclusions imposées d’en haut.

Il exige cette fois un processus intégralement participatif : depuis la composition des comités préparatoires jusqu’au suivi de la mise en œuvre des accords. Cette insistance traduit une volonté de rupture avec des pratiques qu’il juge opaques et peu démocratiques.

Unité de l’opposition : un pari délicat, mais stratégique

Le président de Tawassoul s’est également félicité de la coordination retrouvée entre les principales forces de l’opposition parlementaire. À l’initiative du parti, les échanges ont permis de réunir autour d’une même table l’ensemble des partis d’opposition institutionnelle — dont l’Union des Forces de Progrès (UFP), le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), ou encore le parti Sawab.

Cet effort vise à élaborer une position commune pour peser davantage dans les négociations à venir. Une stratégie jugée nécessaire dans un paysage politique où le pouvoir semble vouloir contrôler le rythme et le périmètre du dialogue.

Tawassoul avec les autres forces de l’opposition

Les partis d’opposition partagent en grande partie les exigences de Tawassoul : transparence, inclusion, et prise en compte des véritables préoccupations citoyennes. Cependant, leurs discours restent souvent plus laïques et moins ancrés dans les revendications identitaires ou religieuses, ce qui les distingue idéologiquement du parti islamiste.

Ces partis privilégient aussi, pour la plupart, des revendications institutionnelles (indépendance de la justice, réforme de la CENI, lutte contre la corruption), là où Tawassoul accorde une attention particulière aux dimensions sociales et morales de la gouvernance.

En revanche, l’opposition extra-institutionnelle ou « anti-système », comme certains mouvements de la société civile ou figures contestataires non représentées au Parlement, rejette souvent ces dialogues d’emblée, les considérant comme des mascarades orchestrées par le régime pour se donner un vernis démocratique. Leur critique vise tout autant le pouvoir que les partis d’opposition « traditionnels », accusés de se prêter à un jeu de dupes.

Ouverture ou prudence stratégique ?

La posture de Tawassoul semble osciller entre ouverture sincère et prudence stratégique. D’un côté, l’appel au dialogue franc, inclusif et structuré témoigne d’un souci réel de stabilité nationale et de réforme démocratique. De l’autre, l’insistance sur les conditions et les mécanismes peut aussi être interprétée comme une manière de préserver le capital politique du parti en cas d’échec du processus.

Cette double lecture, loin de décrédibiliser Tawassoul, reflète plutôt une maturité politique acquise après des années de participation critique à la vie publique. Le parti entend aujourd’hui peser autrement dans le jeu politique, sans renoncer à ses fondamentaux idéologiques.

À la veille d’un dialogue politique décisif, Tawassoul se positionne en acteur central de l’opposition parlementaire. Ni complaisant, ni radical, le parti avance ses pions avec prudence, mais détermination. Reste à savoir si le pouvoir et les autres acteurs sauront répondre aux appels à une concertation authentique, ou si l’histoire d’un dialogue manqué risque encore une fois de se répéter.

Ahmed OULD BETTAR

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