Mauritanie : « Non, je n’ai pas trahi Mohamed Ould Abdel Aziz », déclare le président Mohamed Ould Ghazouani

Mauritanie : « Non, je n’ai pas trahi Mohamed Ould Abdel Aziz », déclare le président Mohamed Ould Ghazouani.
Mohamed Ould Ghazouani a assuré qu’il n’avait pas « trahi » son prédécesseur, Mohamed Ould Abdel Aziz, incarcéré depuis le 22 juin pour des soupçons de détournement de fonds. A Nouakchott, le chef de l’Etat mauritanien a répondu aux questions de Christophe Boisbouvier de RFI et de Marc Perelman de France 24.

Voici un extrait de l’entretien publié dans RFI le

M.P. : On va passer à la situation en Mauritanie. Votre prédécesseur, le président Mohamed Ould Abdel Aziz, a été inculpé au mois de mars pour « corruption », « blanchiment d’argent », « enrichissement illicite ». Il est écroué depuis un peu plus d’un mois. Il vous accuse directement d’être l’instigateur de ses démêlés avec la justice pour des raisons purement politiques…

Il est actuellement entre les mains de la justice. Je n’aurais pas grand-chose à ajouter à cela parce que je préfère ou je m’impose de ne pas me mêler des affaires de la justice.

C.B. : Vous parlez de cette enquête parlementaire. On a remarqué qu’elle a démarré en janvier 2020, quelques semaines après que votre prédécesseur eut tenté de reprendre le contrôle du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR). Est-ce que la coïncidence des dates n’est pas troublante quand même ?

Non, je ne vois pas en quoi cela est troublant. L’UPR est un parti effectivement. C’était l’outil politique du pouvoir en place. Il s’agit comme n’importe quel parti d’un certain nombre d’hommes et de femmes. Je ne pense pas qu’on puisse s’approprier un parti et considérer que c’est un objet. Le parti est composé d’un directoire, de militants. Ce sont des personnes. Ils prennent des positions là où ils le veulent. Je ne pense pas du tout qu’on peut lier ces deux évènements.

C.B. : Mais vous n’avez pas apprécié le fait que votre prédécesseur ait voulu reprendre le contrôle de ce parti, alors ?

Non. Je vous dis, c’est le directoire du parti, et ce sont les députés du parti, peut-être qu’ils n’ont pas apprécié. Au contraire, j’avais beaucoup contribué à calmer cette population aussi bien au niveau du parti qu’au niveau du Parlement.

C.B. : Et votre prédécesseur affirme que les députés qui ont lancé cette enquête parlementaire ont été soudoyés par des membres influents de votre entourage dans le but que cette enquête soit ouverte ? Qu’est-ce que vous lui répondez ?

D’abord, je ne l’ai jamais appris comme ça. Je défie quiconque de dire qu’il a été soudoyé pour prendre une position, parce que je connais bien la situation. Je sais que j’avais fourni beaucoup d’efforts justement pour calmer cette situation. Donc, il n’y avait pas besoin de soudoyer quiconque. S’ils devaient être soudoyés, c’est pour calmer.

M.P. : Monsieur le président, quand on lit ce rapport d’enquête parlementaire, on a l’impression qu’il y a une véritable entreprise de prédation, de népotisme sur l’argent public. Est-ce que cela vous a choqué ?

Je vous assure que je n’ai jamais lu cela.

M.P. : Vous n’avez jamais lu ce rapport ?

Je vous assure que je n’ai jamais lu ça.

M.P. : Vous en avez entendu parler quand même ?

Oui, j’ai entendu parler de cela.

M.P. : Cela vous a surpris, certaines choses vous ont surpris ?

En réalité, ce n’est pas la peine de vous dire ce que j’ai pensé de tout cela, parce que j’ai considéré que c’était un dossier qui se trouvait à deux niveaux pour lesquels je n’étais pas concerné. Tout d’abord, le Parlement. Et par la suite, la justice.

M.P. : Mais quand même, vous étiez son ami de 40 ans, son plus proche lieutenant. Beaucoup de gens se disent que, quand ils lisent tout cela, vous ne pouviez pas ignorer tout cela ? Vous deviez être au courant de ce qui se passait quand même ?

J’avais d’autres choses à faire.

M.P. : Vous ne vous êtes jamais douté de tout ce qui se passait ?

Non, non. Je ne me suis jamais douté. Effectivement, pour revenir un peu à ça, je peux vous dire que, en tant que personne mais pas en tant que président, j’ai été bien surpris par ce qui a été révélé dans ce rapport.

M.P. : Vous n’avez pas senti, de sa part, peut-être une façon de vous prendre comme son éternel second, une sorte peut-être de mépris à l’égard de ses proches ?

Non. Il y a beaucoup de choses qui m’ont surpris dans tout ce qui s’est passé, pour vous parler franchement. Je ne pensais pas qu’on pouvait se trouver dans une telle situation. Mais une fois que c’est arrivé, je crois que… là aussi, il faut la vivre.

C.B. : Vous êtes amer quand même ? Vous êtes déçu ?

(silence)

M. P. : Vos yeux parlent pour vous…

Laissez-les parler, ce sont mes yeux quand même (rires)

M.P. : En juin 2019, il fait campagne pour vous. Il dit que vous l’avez trahi. C’est un mot fort pour quelqu’un comme vous…

Non, je dis que je ne l’ai pas trahi.

M.P. : Et lui, vous a-t-il trahi ?

Posez-lui la question.

C.B. : Et si jamais, l’ancien président restitue une partie des biens mal acquis qu’il aurait éventuellement obtenus, est-ce qu’il pourrait échapper à un procès ?

Il ne me revient pas de prendre des décisions, de prendre des positions par rapport à cela. Je considère que, depuis que le dossier est entre les mains de la justice, il vaut mieux attendre que la justice tranche dans un sens ou dans l’autre.

M. P. : Le président Aziz a renoncé à un troisième mandat et, aujourd’hui, il est en prison. Se pose la question de savoir : est-ce que ça n’est pas le meilleur argument pour les présidents du continent ou d’ailleurs qui veulent s’accrocher au pouvoir ? En d’autres mots, ils se disent : « Si je pars, je risque de finir derrière les barreaux »…

Oui, j’ai un peu déjà entendu cette interprétation. Moi, je crois que ceux qui s’accrochent, qui veulent s’accrocher au pouvoir et ne pas accepter d’alternance, n’ont pas besoin de situation comme ça pour justifier. Ceux qui veulent considérer que l’alternance est nécessaire ne seront pas plombés par le fait que quelqu’un pourrait comparaître devant la justice pour être interrogé sur certaines choses.

Source: RFI

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