Mauritanie : le parti UPR d’Aziz à Ghazouani

Le Président Ghazouani a enfin un parti à lui. L’Union pour la République (UPR), formation créée en 2009 par l’ex Président Aziz, est désormais le parti de Ghazouani. Tout s’est fait, en un tour de main, le 28 décembre, au Palais Al Mourabitounes de Nouakchott.

Les deux mille congressistes de l’UPR étaient venus des quatre coins de la Mauritanie pour jouer l’épilogue de ce que les observateurs avaient appelé, ces dernières semaines, la “guerre du parti”. Un congrès dont les résultats consacrent, – définitivement ? – la sortie d’Aziz d’un pouvoir qu’il avait pourtant mis en place. Même si le Directoire choisi par Ghazouani est composé, pour l’essentiel, d’hommes et de femmes qui étaient au service de son prédécesseur!

Après avoir scruté longtemps les alentours du Palais Al Mourabitounes, à quelque trente kilomètres de Nouakchott, pour voir s’élever la fumée blanche annonçant l’élection-choix d’un nouveau président, c’est le nom de Sidi Mohamed Ould Taleb Amar, l’actuel Directeur général de la Société nationale d’eau (SNDE) qui a été recommandé aux congressistes.

Homme de l’Est et ancien ministre de Taya, il vient confirmer la montée en puissance des régions orientales (Charg) de la Mauritanie qui ont longtemps perdu le pouvoir au profit du Nord, alors que ce sont elles qui font – et défont – les présidents par leur poids électoral.

Si le choix du Président et de ses adjoints ne prend pas en compte la diversité de la Mauritanie (non représentation des Soninké et des Ouolofs), l’UPR a tenté un timide équilibre entre les zones (Salka Mint Yamar, première vice-présidente, pour l’Ouest, Mohamed Yahya Ould Horma, deuxième vice-président, pour le Nord, Djinda Ball, troisième vice-présidente, pour le sud, Yahya Ould Ahmed Waghef et Khalil Ould Tiyib, pour le centre). Il n’est pas certain que le “rattrapage” au niveau du Conseil National (dont 335 membres) et du bureau exécutif (31 membres) qui a coopté Fall N’Guissaly (ancien gouverneur de Nouakchott) comme Secrétaire général du parti présidentiel, puissent taire les mécontentements qui fusent sur les réseaux sociaux depuis l’annonce des nouvelles structures du parti au pouvoir.

Plus que la cohésion de l’UPR, c’est l’unité nationale qui est mise à rude épreuve. Les ententes tacites ont jusque-là permis d’établir une sorte de “minimum vital” assurant non pas la défense des actes posés mais la cohérence du propos. On y mettait la forme mais il va falloir faire plus pour convaincre les Mauritaniens qu’ils entrent dans une nouvelle ère. Que le temps de Ghazouani n’est pas une continuation (une continuité) de celui d’Aziz, alors que le “nouveau” pouvoir roule avec les mêmes hommes.

Le statut “homme de consensus” délivré au nouveau Président mauritanien a besoin de plus de preuves que ces “ralliements” d’activistes politiques usés par dix ans d’opposition à Aziz. C’est que Biram Dah Abeid, arrivé deuxième lors de la présidentielle de juin 2019 semble dire quand il déclare que “l’espoir est presque perdu” avec un Ghazouani qui s’est entouré des mêmes hommes qui ont perdu son prédécesseur aujourd’hui voué aux gémonies. En voulant revenir, par le biais de l’UPR, Aziz a joué et perdu. Il a surtout compris qu’il n’avait rien de particulier par rapport à tous les présidents qui l’ont précédé, et qui ont été lâchés, à chaque fois que le pouvoir (la force) n’était plus entre leurs mains.

On peut cependant considérer que le nouveau président avait les mains liées et devait d’abord mettre en place son propre système pour entamer, véritablement, son quinquennat. De ce point de vue, l’on peut s’attendre, d’un moment à l’autre, à un remaniement ministériel qui consacre la rupture avec Aziz par la sortie des hommes et femmes “repris” par Ghazouani. Mais cela n’ôte nullement certaines craintes dont celles de voir resurgir, vu le retour en force de la vieille garde de Taya, d’un système tribalo-politique qui est la réincarnation de ce que la Mauritanie était, avant 2005, avec le Parti républicain démocratique et social (PRDS), ancêtre de l’UPR.

Mais le véritable test pour le Président Ghazouani sera de voir comment il tiendra la maison. Déjà, son soft power face à Aziz lui a rapporté, visiblement, le gain du match, mais cette manière douce tiendra-t-elle longtemps face à une élite politique dont la “nature” est un mélange d’opportunisme, vu comme des opportunités, et de transformations en fonction des contextes, non de convictions.

Par Mohamed Sneïba Correspondant permanent – Nouakchott

Afrimag

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