Mauritanie : Le licenciement du Président de l’AJM soulève des questions sur la liberté de la presse
Mauritanie : Le licenciement du Président de l’AJM, entre liberté syndicale et obligations professionnelles
Le licenciement de Moussa Bouhli, président de l’Association des journalistes mauritaniens (AJM), par la chaîne publique TVM continue de susciter un vif débat. Condamné par la Fédération internationale des journalistes (FIJ) comme une attaque contre la liberté syndicale, cet acte met en lumière des tensions récurrentes entre les droits des journalistes et les obligations des fonctionnaires de l’État en Mauritanie.
Journaliste et fonctionnaire : une double casquette
Moussa Bouhli n’est pas seulement un journaliste reconnu, mais aussi un fonctionnaire de l’État, soumis au statut général de la fonction publique et aux lois régissant les travailleurs du secteur public en Mauritanie. Ce double rôle implique des responsabilités spécifiques :
- L’obligation de réserve : En tant que fonctionnaire, Bouhli est tenu de s’abstenir de tout acte ou déclaration publique susceptible de nuire à l’image ou au fonctionnement de l’administration publique. Cela inclut des prises de position publiques ou syndicales qui pourraient être interprétées comme une critique directe envers son employeur, en l’occurrence la chaîne publique TVM.
- Le respect du secret professionnel : La fonction publique impose également à ses membres de préserver la confidentialité des informations auxquelles ils ont accès dans l’exercice de leurs fonctions. Toute divulgation de ces informations pourrait constituer une faute professionnelle.
- Les statuts et le code du travail : Les règles régissant les travailleurs et contractuels auxiliaires, comme Moussa Bouhli, encadrent les droits et devoirs des employés vis-à-vis de l’État et des institutions publiques.
Une limite à la liberté syndicale ?
En tant que président de l’AJM, Bouhli s’est activement engagé dans la défense des droits des journalistes précaires. Cet engagement, bien qu’en phase avec les principes de la liberté syndicale, peut entrer en conflit avec ses obligations professionnelles. Les autorités mauritaniennes pourraient considérer que certaines de ses déclarations ou actions syndicales ont enfreint l’obligation de réserve ou les devoirs inhérents à son statut de fonctionnaire.
Si tel est le cas, cela soulève une question importante : dans quelle mesure un fonctionnaire peut-il concilier son rôle syndical avec ses obligations professionnelles, surtout lorsqu’il s’agit de défendre des causes sensibles ?
Une décision qui interroge
Le licenciement de Moussa Bouhli intervient dans un contexte marqué par la précarité de plus de 700 journalistes travaillant sans contrat stable dans l’audiovisuel public. En dénonçant cette situation, Boulhi a assumé un rôle de porte-parole, mais cela a-t-il été perçu comme une menace pour les autorités ? La FIJ, qui a vivement réagi en dénonçant une « décision indigne et inique », s’est-elle assurée de comprendre les motifs précis de cette décision avant de la condamner publiquement ?
Vers une clarification nécessaire
Il est crucial que les autorités mauritaniennes apportent des précisions sur les raisons exactes du licenciement. Était-ce une sanction pour des manquements professionnels, une réponse à des prises de position jugées incompatibles avec son rôle de fonctionnaire, ou une véritable tentative de museler un défenseur des droits des journalistes ?
De son côté, la FIJ devrait veiller à baser ses déclarations sur des faits vérifiés et à engager un dialogue avec les autorités compétentes. Une telle approche permettrait d’éviter tout malentendu ou polarisation inutile.
Une problématique plus large
Au-delà du cas spécifique de Moussa Bouhli, cette affaire met en lumière les défis structurels auxquels font face les journalistes en Mauritanie. La précarité des conditions de travail, le manque de stabilité contractuelle et l’absence de dialogue social effectif restent des problématiques majeures. La régularisation des pigistes et le respect des droits syndicaux devraient être une priorité pour les autorités.
Cependant, il est également essentiel de rappeler que la liberté syndicale et d’expression doit s’exercer dans le respect des cadres légaux et professionnels. Trouver un équilibre entre ces droits fondamentaux et les obligations des fonctionnaires de l’État est une tâche délicate, mais nécessaire, pour garantir une presse libre et respectée.
Conclusion
Le licenciement de Moussa Boulhi soulève des questions complexes sur les droits et devoirs des journalistes-fonctionnaires en Mauritanie. Si la défense des droits des travailleurs est un impératif, elle ne peut se faire en dehors du cadre légal établi. Cette affaire devrait inciter à un dialogue approfondi entre les autorités, les organisations syndicales et les médias pour trouver des solutions durables aux défis auxquels fait face la presse publique mauritanienne.
La Rédaction