Actualités Politiques en Mauritanie | Rapide InfoAfriqueMauritanie

Mauritanie : Ghazouani entre stabilité politique et rétrécissement démocratique

Sous Ghazouani, la Mauritanie oscille entre stabilité et rétrécissement démocratique. Consensus ou verrouillage ? Le pays face à un avenir incertain.

Alors que le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani met en avant la stabilité et le consensus comme piliers de son mandat, la vie politique mauritanienne connaît un rétrécissement de l’espace démocratique. Entre l’émergence de nouveaux partis à coloration islamo-conservatrice et la marginalisation des formations libérales-démocratiques, le pays se retrouve à un carrefour de la vie : consolider l’ordre ou préserver le pluralisme.

Mauritanie : Entre consolidation du Pouvoir et rétrécissement de l’espace démocratique

Nouakchott – Rapide Info.
La scène politique mauritanienne traverse une phase charnière sous la présidence de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Six ans après son arrivée au pouvoir, le pays oscille entre une volonté affichée de stabilité et une dynamique de recentrage qui, aux yeux de nombreux observateurs, s’apparente à une mise sous contrôle progressive de l’opposition libérale-démocratique.

Une stratégie présidentielle en quête de stabilité

Depuis 2019, Ghazouani a misé sur un discours de consensus et de rassemblement. Face aux défis sécuritaires, économiques et sociaux, il se présente comme le garant d’un ordre institutionnel et d’une continuité de l’État. La Mauritanie, marquée par des fragilités structurelles et un environnement régional instable, a jusqu’ici évité les secousses politiques majeures qui auraient pu la déstabiliser.

Le président justifie ainsi certaines restrictions imposées aux partis politiques par la nécessité de maintenir une cohésion nationale. « Éviter la division » et « recentrer le débat » autour de priorités nationales — lutte contre la pauvreté, chômage, terrorisme et inégalités sociales — sont les maîtres mots de son discours. Dans cette logique, la création de nouveaux partis à orientation islamiste serait davantage perçue comme un moyen d’absorber les tensions populaires que comme une dérive idéologique.

La perception d’une « dynastie politique »

Cependant, cette lecture est loin de faire l’unanimité. Une partie de la classe politique et de la société civile dénonce ce qu’elle qualifie de « dynastie de Ghazouani », où le pouvoir s’enracine en marginalisant systématiquement les courants libéraux-démocratiques. L’interdiction ou la mise en sommeil de formations progressistes, accusées d’alimenter la division, alimente au contraire le sentiment d’un rétrécissement préoccupant de l’espace démocratique.

L’émergence parallèle de quatre partis aux accents islamo-conservateurs a renforcé les inquiétudes : certains y voient une tentative de donner un vernis populaire à une stratégie de verrouillage, en canalisant les aspirations sociales dans un cadre jugé plus « contrôlable » par le pouvoir.

Une démocratie sous tension

La conséquence immédiate est une polarisation croissante du paysage politique. Les libéraux-démocrates, porteurs d’un projet axé sur les droits humains et le pluralisme, peinent à exister dans un environnement hostile. Leur marginalisation pourrait à terme nourrir des frustrations et pousser une partie de l’opposition à rechercher d’autres moyens, moins institutionnels, pour se faire entendre.

De son côté, le pouvoir met en avant un pragmatisme nécessaire à la survie du pays. Dans un contexte régional où l’instabilité gagne du terrain, notamment au Sahel, Nouakchott préfère verrouiller ses institutions plutôt que de courir le risque d’une opposition éclatée et imprévisible.

Une équation incertaine

La question qui se pose est celle de l’équilibre : comment concilier stabilité politique et pluralisme démocratique ? Si Ghazouani mise sur le consensus et le contrôle pour bâtir un État fort, ses critiques redoutent qu’à long terme, cette méthode n’étouffe la vitalité démocratique et n’affaiblisse la société civile.

À l’heure où la Mauritanie aspire à jouer un rôle plus affirmé sur la scène régionale, notamment grâce à ses ressources énergétiques et à sa position stratégique, le défi est de taille : préserver une stabilité fragile sans sacrifier l’ouverture politique.

En définitive

La présidence de Mohamed Ould Ghazouani illustre les paradoxes d’une démocratie en construction : un pouvoir qui se veut garant de l’ordre et du développement, mais qui, en restreignant certains espaces de liberté politique, risque de compromettre la confiance d’une partie de sa population.

Prochainement, à l’approche de nouvelles échéances politiques, permettront de mesurer jusqu’où ira le clan présidentiel dans sa quête de contrôle — et si la Mauritanie parviendra à maintenir ce délicat équilibre entre autorité et pluralisme.

Ahmed Ould Bettar

Laisser un commentaire

Articles similaires