Gaz sous les pieds, passé encombrant, futur incertain. La Mauritanie avance, tantôt droite, tantôt de travers. Entre procès retentissants, jeunesse impatiente, richesses promises et libertés sous condition, le pays cherche sa voie. Pas toujours au pas, mais toujours en mouvement.
Par un vent qui souffle moins fort qu’ailleurs au Sahel, la Mauritanie avance. À petits pas. Parfois de côté. Parfois en zigzag. Mais elle avance.
En juin 2024, Ghazouani a repris les clés du palais. Direct, sans second tour. 56,12 % des voix, circulez. Mokhtar Ould Djay prend le poste de Premier ministre en août. Nouveau mandat, nouveau tandem.
Pendant que chez les voisins, ça saute comme des bouchons de Coca-cola mal secoué – coups d’État, insurrections, chaos -, à Nouakchott, c’est calme plat. Du moins en surface.
Les dossiers qui brûlent
La justice a fait tomber l’ancien président Aziz. Quinze ans derrière les barreaux pour avoir joué un peu trop avec les milliards publics. Jackpot illicite, retour à l’envoyeur. Sur le papier, ça rassure : la justice ose. Dans les coulisses, certains grincent des dents : règlement de comptes ou vraie leçon de morale ? Les deux, peut-être.
L’esclavage, ce mot qui colle
Officiellement aboli. Officiellement criminalisé. Mais officieusement ? Toujours là, dans les marges, dans les silences. Les Haratin, descendants d’esclaves, réclament leurs droits. Leurs voix portent, mais les oreilles d’en face sont parfois sourdes. Quand ils descendent dans la rue, c’est trop souvent matraque, cellule, ou silence forcé.
Migrants : passagers en transit, traités comme clandestins
La Mauritanie est devenue une grande porte vers l’Europe. Et cette porte, on la verrouille de plus en plus. Coopération avec l’UE, interceptions, expulsions… Ça fait sérieux. Mais les ONG pointent du doigt des abus. Derrière les chiffres, des visages. Et derrière la sécurité, des droits souvent piétinés.
Du gaz, de l’or, et des rêves
Le pays est assis sur des trésors. Gaz offshore, mines d’or, de fer, de cuivre… Les investisseurs arrivent, les contrats pleuvent. Le projet « Greater Tortue Ahmeyim », c’est la grosse promesse. Mais attention à ne pas faire du gaz un mirage. La croissance ralentit. L’économie chauffe, mais pas pour tout le monde. Les inégalités restent bien ancrées, comme le sable dans les dunes.
Liberté d’expression : ça dépend du jour
En 2024, la Mauritanie rejoint le « Partenariat pour l’information et la démocratie ». Sur le papier, c’est classe. Dans la rue, un peu moins. Journalistes arrêtés, manifestations musclées, voix dissonantes muselées. Entre discours et réalité, le fossé est parfois abyssal.
Une jeunesse qui tape du pied
La majorité des Mauritaniens ont moins de 25 ans. Ils veulent bosser, étudier, construire. Pas juste attendre que le gaz arrive à la pompe. Si leurs attentes restent lettres mortes, la stabilité pourrait s’effriter. La jeunesse est une force. Mais une force qu’on néglige peut devenir colère.
Entre deux mondes
La Mauritanie joue sur plusieurs tableaux. D’un côté, un rôle régional qui grossit. Coopération contre le terrorisme, diplomatie active. De l’autre, une démocratie encore fragile, des pratiques qui sentent parfois la naphtaline.
Elle a les moyens de faire mieux. De faire autrement. Mais pour ça, il faut du courage. Pas juste des communiqués.
La vraie question ?
Est-ce que mon pays va continuer à bricoler, à gérer le présent en mode survie ? Ou est-ce qu’il va enfin oser dessiner un futur avec et pour sa population ?
La réponse viendra peut-être pas d’en haut. Elle viendra peut-être d’en bas. Du peuple. De ceux qu’on n’écoute pas assez. Mais qui, un jour, parleront fort. Très fort.
Ahmed Ould Bettar