Mauritanie

Mauritanie : Esclavage, discrimination sexiste et déni d’humanité

Mauritanie : Esclavage, discrimination sexiste et déni d’humanité
Note de suivi judiciaire
06 octobre 2024
Dans une déclaration publiée le 19 septembre 2024, l’Ira dénonçait le viol d’une
mineure, descendante d’esclave, Asma Ethmane. La défloraison sous contrainte est
intervenue à Guérou, localité de la région de l’Assaba, située à 550 km de
Nouakchott, la capitale. Après que le procureur Mohamed Mokhtar Vall Didi Brahim a
refusé d’instruire la demande de réparation, Ethmane, père de la victime, sollicita le
soutien de notre organisation. L’affaire fut portée, une seconde fois, devant le même
édile mais ce dernier s’abstint de poursuivre la famille influente de Yahya Wathegh
Beitar. Pourtant, l’auteur présumé a été formellement dénoncé par Asma, malgré les
menaces de son employeuse, Khadijetou Nagi Taghi, tante du susdit.
L’Ira, partie civile au litige, initiait un recours, le 03/09/2024, auprès du parquet de
Kiffa. Le 10 du même mois, le dossier est transmis au commissariat de Guérou. Le
20 septembre, à 18 heures, la police du lieu-dit rouvre l’enquête, et convoque
Khadijetou Nagi Taghi, Yahya Wathegh Beitar, le représentant de l’Ong et Asma.
Le commissaire, Mohamed Lemine Ahmed, nouvellement nommé à Guérou, écoute
les parties, avant la signature des procès-verbaux d’audition. A 23h, il procède à la
libération des protagonistes et leur fixe rendez-vous, à 10h, le 23/09/2024, dans les
locaux du tribunal de Kiffa. Au jour prévu, le violeur et ses parents arrivent, à 13h, à
bord de véhicules personnels, avec l’appui bruyant d’un renfort de leur tribu, comme
il est d’usage dans le milieu des anciens maîtres d’extraction arabo-berbère, dès
qu’un conflit les oppose à leurs ex-serviteurs d’origine subsaharienne. Quand ils
s’expriment aux abords du prétoire, le vacarme et la démonstration de solidarité
constituent un moyen de pression sur des chambres de première instance – déjà
partiales – dont la composition mono-ethnique entretient la conservation du statu quo.
Ainsi se perpétue, sous la chape d’une occultation collective, la jurisprudence de
l’impunité, au profit des tortionnaires.
Dès 14h 30, le procureur général de l’Assaba, Mokhtar Cheikh Ahmed convoque, en
aparté, Ethmane et le délégué de l’Ira, Abdallahi Abou Diop. Le magistrat,
manifestement distrait de sa mission, demande si la requête a déjà fait l’objet d’un
dépôt. Abdallahi Diop lui rappelle la plainte de l’Ira et l’informe que la réponse à sa
question s’y trouve formellement écrite. Mokhtar Cheikh Ahmed, piqué au vif, décide
d’arrêter le processus des poursuites.
Abdallahi Abou Diop proteste contre le tort infligé à une famille sans défense, dont la
fille vient de subir un acte de pédophilie caractérisée. Il ajoute que le bébé issu de la
profanation ressemble, trait pour trait, à son géniteur putatif. En conséquence, l’Ira
réclame, à l’homme de droit, de diligenter un test adn afin d’établir la paternité illicite.
Il précise, ensuite, que Khadijetou Nagi Taghi reconnait avoir convoyé Asma, de
Guérou à Nouakchott, en vue d’étouffer le scandale.
Enfin, Abdellahi Diop, excipe des stipulations explicites de l’article 108 de
l’ordonnance n°2005-015 portant protection pénale de l’enfant, texte promulgué le 05
décembre 2005, par le Colonel Ely Ould Mohamed, chef de l’Etat et Président
Conseil militaire pour la justice et la démocratie (Cmjd), sur proposition du ministre
de la Justice d’alors, Maître Mahfoudh Ould Bettah : « En cas de classement sans
poursuite de l’action par le procureur de la République, l’action civile peut être
exercée par l’enfant et son représentant légal devant le juge d’instruction, devant le
tribunal pour enfants ou devant la cour criminelle pour enfants ». In fine, en aucun
cas, le juge ne saurait récuser, aux mineurs (Asma et son fils), la faculté d’obtenir
réparation.
Tant va, en sens inverse de l’équité, la justice de la République islamique de
Mauritanie, l’un des rares pays du monde contemporain où une parole de travers
peut vous conduire à l’échafaud, tandis que les atteintes caractérisées à l’intégrité
physique de la personne y bénéficient, souvent, d’une indulgence compacte.

Nouakchott le 06/10/2024
La commission de communication

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