L’élite : De la prétention à l’arrogance/El Wely Sidi Heiba
Une élite déconnectée alimente la méfiance populaire. Humilité, écoute et ancrage dans le réel sont les clés pour restaurer la confiance.
Mauritanie : l’élite face à sa crise de légitimité
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Entre prétention, arrogance et mépris de classe, une partie de l’élite mauritanienne s’éloigne dangereusement des réalités vécues par la majorité. Pour restaurer sa légitimité, elle doit réapprendre l’humilité, renouer avec l’écoute et s’ancrer dans le quotidien du peuple.
L’élite : De la prétention à l’arrogance/El Wely Sidi Heiba
“L’élite a ses faiblesses, elle sait rarement se faire apprécier, estimer sinon aimer, mais, plus grave, elle concentre à son encontre souvent une réticence, un rejet, quand elle ne provoque pas directement une révolution”. Éric Thiers
Sans rejeter en bloc l’élite du pays des vents changeants, il est urgent de la repenser, de la réformer. L’élite dénaturée doit réapprendre l’humilité, l’écoute et le lien avec la société réelle – celle qui ne se mesure ni en diplômes, ni en chiffres, ni en capital symbolique.
Aujourd’hui, le constat est sans appel : L’élite du pays des grandes contradictions perd sa légitimité à grande vitesse. Loin de susciter l’admiration ou le respect, elle provoque un ressentiment populaire croissant, alimenté par une indifférence prononcée et un mépris social à peine dissimulé.
Une élite déconnectée, une légitimité en crise
L’élite — qu’elle soit politique, économique, intellectuelle ou médiatique — prétend parler au nom du peuple sans jamais réellement l’écouter. Elle monopolise la parole, impose son diagnostic, et disqualifie toute contestation en la réduisant à du populisme, de l’ignorance ou un archaïsme supposé. Une telle posture révèle une triple pathologie : l’arrogance, la prétention et le mépris de classe.
L’arrogance, d’abord, découle de la conviction d’être détentrice de la vérité absolue, que leur conféreraient son statut social, ses diplômes prestigieux ou son appartenance à des cercles fermés. Elle affiche une assurance dogmatique, sourde à toute remise en question, et méprise les opinions divergentes.
La prétention, ensuite, s’exprime dans un langage volontairement obscur, l’étalage des titres académiques, et un mode de vie totalement déconnecté du quotidien des citoyens. À l’image de cette élite retranchée dans les quartiers huppés de Tevragh Zeina, qui ne foule l’asphalte populaire qu’en période électorale.
Le mépris de classe, enfin – sans doute le plus frappant -, traverse une frange de cette élite encore engluée dans des logiques tribales, de castes et de hiérarchies archaïques. Évoluant dans un entre-soi urbain et institutionnel, elle regarde de haut celles et ceux qui ne partagent ni son monde ni ses codes.
Des conséquences allant des politiques sourdes à une colère grandissante
Résultat ? Cette élite défend des politiques déconnectées des réalités, aggravant souvent les inégalités. Elle agit comme si sa vision était la seule possible, ignorant les besoins des classes populaires. En refusant l’autocritique, elle prépare son propre échec politique et social, et nourrit défiance et révolte.
Réformer, pas rejeter
La crise de l’élite ne relève pas d’un simple déficit d’image : elle traduit une fracture profonde avec le peuple. Ce n’est pas la manière dont elle est perçue qui est en cause, mais bien la manière dont elle exerce son rôle.
Une partie significative de l’élite s’est progressivement déconnectée des réalités sociales, économiques et culturelles vécues par la majorité. Cette distance alimente le sentiment de méfiance, voire de rejet, qui s’exprime aujourd’hui avec force.
Pour autant, la solution ne réside ni dans la diabolisation systématique ni dans le rejet populiste. Il ne s’agit pas d’abolir l’idée même de l’élite, mais d’en réhabiliter la fonction et la légitimité. Une élite véritablement légitime sert l’intérêt général, qui incarne l’exigence de compétence sans renier l’exigence morale.
Trois vertus s’avèrent essentielles, voir impérieuses, pour restaurer ce lien abîmé :
– l’humilité,
– l’écoute,
– l’ancrage dans le réel.