Mauritanie : Dialogue ou pas dialogue, le scepticisme demeure !
Que gagnerait-on à ne pas dialoguer ?
Mauritanie : Dialogue ou pas dialogue, le scepticisme demeure !
Nouakchott – Rapideinfo
S’il y a bien un mot qui hante actuellement nos salons, alimente les débats dans les marchés, les transports en commun, les lieux de culte et jusque dans les cercles intellectuels, c’est celui de *dialogue*. Ce mot, devenu presque incantatoire, revient avec insistance dans le discours du gouvernement, qui appelle une fois de plus à la tenue d’un dialogue avec l’opposition et la société civile. Mais cette initiative, aussi récurrente que controversée, soulève davantage de méfiance que d’enthousiasme chez une bonne partie des acteurs politiques du pays.
Une énième tentative sous le sceau du doute
En effet, il saute aux yeux que, cette fois encore, une large frange de la classe politique reste dubitative. Beaucoup s’interrogent sur la sincérité du régime en place, soupçonné de vouloir orchestrer un simulacre de dialogue pour apaiser la tension politique croissante, sans réelle volonté de changement. Le passé récent n’incite guère à l’optimisme : plusieurs dialogues antérieurs, dont les plus emblématiques furent ceux qui suivirent le coup d’État de Mohamed Ould Abdel Aziz et les accords de Dakar, ont accouché de résolutions restées lettre morte. Leurs conclusions, classées sans suite, dorment encore dans les tiroirs de la Présidence.
À ce propos, un acteur politique très sceptique lâche, non sans amertume : « On va encore dialoguer pour rien ! ». Pour lui, rien ne garantit que les conditions nécessaires à un véritable dialogue — franc, inclusif et sans lignes rouges — soient aujourd’hui réunies.
Dialogue ou diversion politique ?
Nombreux sont les analystes politiques qui considèrent cette nouvelle initiative comme un simple subterfuge. Selon eux, le pouvoir chercherait une fois de plus à gagner du temps, à endormir l’opposition et à se racheter une légitimité à bon compte sur la scène internationale. Pourtant, pour d’autres voix plus modérées, le dialogue, même s’il semble piégé d’avance, pourrait constituer une opportunité pour désamorcer un climat politique particulièrement tendu ces derniers temps. La récente vague d’arrestations visant des acteurs politiques et des journalistes a en effet ravivé les inquiétudes concernant le recul de la liberté d’expression en Mauritanie.
Des plaies nationales béantes
Pour les plus critiques, l’enjeu dépasse largement la simple scène politique. Un autre intervenant résume sans détour les principaux problèmes du pays : « Les difficultés sont connues de tous, même si l’État tente de les masquer : la cherté de la vie, le passif humanitaire non soldé, la persistance de l’esclavage sous toutes ses formes, le contrôle de l’armée sur la chose publique, le racisme structurel dans l’administration et les concours, les failles du système d’état civil, le foncier, sans oublier la Céni, dont la gestion opaque suscite un large rejet. »
Et d’ajouter, sur un ton ferme : « Il faut que l’armée cesse de s’immiscer dans les affaires politiques. »
Un geste qui apaise (un peu)
Malgré la tension ambiante, certains gestes récents sont venus tempérer l’atmosphère. Un grand observateur politique a ainsi salué l’initiative du président du parti BDA, qui s’est publiquement excusé pour les propos désobligeants tenus par deux de ses députées. Un acte rare, et pour beaucoup, un exemple à suivre dans la perspective d’un apaisement général.
Le dialogue : à bouder ou à saisir ?
Finalement, malgré les craintes, les réticences et même le scepticisme viscéral de certains, bouder ce dialogue serait sans doute une erreur historique. Car, comme le rappellent plusieurs observateurs avisés, c’est autour d’une table, dans le cadre d’échanges sincères et courageux, que les solutions aux maux chroniques du pays pourront — enfin — émerger. Fermer la porte au dialogue reviendrait à laisser perdurer une impasse qui n’a que trop duré.
À suivre…