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Lutte contre la corruption en Mauritanie : débat autour de l’efficacité de l’action publique

Entre critiques parlementaires et défense institutionnelle, la lutte anticorruption relance le débat sur l’État de droit en Mauritanie.

En Mauritanie, un député critique l’inefficacité de la lutte contre la corruption, tandis que les autorités invoquent l’État de droit et le respect des procédures.

Lutte contre la corruption en Mauritanie : entre scepticisme parlementaire et défense de l’action publique

Nouakchott – La question de la lutte contre la corruption continue d’alimenter le débat public en Mauritanie, ravivé récemment par les déclarations critiques du député Mohamed Lamine Ould Sidi Mouloud. À travers une prise de position relayée sur les réseaux sociaux, l’élu a exprimé un profond scepticisme quant à la capacité du régime actuel à mener une bataille effective contre les pratiques de corruption, mettant en lumière ce qu’il considère comme une série de signaux récurrents d’échec institutionnel.

Une lutte annoncée mais inachevée

Selon le député, croire à une action déterminée du pouvoir en place contre la corruption relèverait d’une méconnaissance de la nature même du système politique et administratif. Il estime que les mécanismes de corruption seraient profondément imbriqués dans le fonctionnement du régime, rendant toute réforme structurelle coûteuse et politiquement risquée.

Mohamed Lamine Ould Sidi Mouloud observe un schéma qu’il juge désormais classique : l’ouverture de dossiers retentissants, suscitant l’espoir d’une rupture avec l’impunité, avant un essoufflement progressif des procédures et, in fine, leur abandon discret. Il cite à l’appui de son propos plusieurs affaires emblématiques, notamment les rapports successifs de la Cour des comptes, l’enquête parlementaire sur la gestion des ressources publiques, les travaux de l’Inspection générale d’État, ainsi que des dossiers très médiatisés tels que celui du « laboratoire de la police », du foncier dit « Domaine » ou encore l’affaire dite « Hallucination ».

Ces critiques interviennent dans un contexte précis : la décision récente du parquet de classer sans suite l’affaire impliquant l’ensemble des personnes mises en cause dans le dossier du laboratoire de la police, quelques jours seulement après un classement partiel concernant 24 des 30 personnes visées par le rapport de la Cour des comptes. Pour le député, ces décisions judiciaires confirment une incapacité chronique du système à aller jusqu’au bout des procédures et à traduire les responsabilités en sanctions effectives.

 Des institutions en action et le respect de l’État de droit

À l’inverse, d’autres voix estiment que ces lectures relèvent d’une interprétation politique qui ne tient pas pleinement compte des contraintes juridiques et institutionnelles. Pour les défenseurs de l’action publique, le classement de certaines affaires ne saurait être automatiquement assimilé à un renoncement à la lutte contre la corruption, mais peut traduire l’application stricte des règles de procédure, notamment en matière de preuves, de compétence ou de prescription.

Ils soulignent que la multiplication des audits, des rapports officiels et des enquêtes – qu’il s’agisse de la Cour des comptes, du Parlement ou de l’Inspection d’État – témoigne au contraire d’un renforcement progressif des mécanismes de contrôle et de transparence. Selon cette approche, la judiciarisation croissante des dossiers sensibles marque une évolution notable par rapport à des périodes antérieures où ces questions demeuraient largement hors du champ public.

Les partisans de cette lecture rappellent également que l’indépendance de la justice implique la possibilité de classer des dossiers lorsque les éléments constitutifs des infractions ne sont pas réunis, sans que cela ne remette en cause la volonté politique affichée de lutter contre la corruption. À leurs yeux, l’enjeu central réside moins dans la médiatisation des affaires que dans la consolidation, sur le long terme, d’un État de droit respectueux des garanties judiciaires.

Un débat révélateur d’attentes élevées

Entre ces deux lectures, le débat met en évidence une attente forte de l’opinion publique : voir les discours sur la bonne gouvernance se traduire par des résultats tangibles, lisibles et durables. La confrontation entre scepticisme parlementaire et défense institutionnelle révèle surtout la fragilité du lien de confiance entre citoyens, responsables politiques et appareil judiciaire.

Dans un pays où la lutte contre la corruption est devenue un marqueur central de la crédibilité de l’action publique, chaque décision judiciaire, chaque classement ou poursuite, dépasse le cadre strict du droit pour s’inscrire dans une bataille plus large : celle de la transparence, de la redevabilité et de la confiance démocratique.

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