Libye

Libye : le Conseil d’État rejette la réinstallation des migrants : « Grave violation de souveraineté »

Libye : le Conseil d’État rejette la réinstallation des migrants : « Grave violation de souveraineté »
« L’immigration illégale est une responsabilité partagée entre les États et doit être traitée par le biais d’une coopération bilatérale et multilatérale », peut-on lire dans le communiqué officiel de l’organe consultatif basé à Tripoli.
Le Haut Conseil d’Etat libyen, organe consultatif basé à Tripoli qui fait office de « Sénat » dans le système politique libyen, a exprimé son rejet catégorique de toute proposition ou tentative d’installation de migrants irréguliers sur le territoire libyen, soulignant que la sécurité nationale et la composition démographique du pays sont des éléments intouchables. Dans une déclaration officielle, le Conseil a réitéré que la gestion de la question migratoire doit se faire dans le respect des cadres juridiques internationaux, soulignant que la Libye ne peut et ne doit pas supporter seule ce fardeau. « L’immigration illégale est une responsabilité partagée entre les États et doit être combattue par le biais d’une coopération bilatérale et multilatérale », peut-on lire dans le texte.

Les deux présidents « rivaux » du Conseil d’État, Mohamed Takala et Khaled al-Mishri, ont publié des déclarations distinctes qualifiant toute tentative de modifier la composition démographique du pays de « grave violation de la souveraineté de l’État et des droits du peuple libyen ». Le Haut Conseil d’Etat a également souligné que la Libye n’est pas le théâtre d’une crise politique qui justifierait un plan de réinstallation des migrants, précisant que de telles décisions représenteraient une tentative d’imposer une nouvelle structure démographique, avec des conséquences sur la stabilité et la cohésion sociale du pays.

La note appelle le gouvernement et les autorités compétentes à prendre des mesures urgentes et nécessaires pour empêcher toute tentative d’implantation illégale. Le Conseil a notamment appelé à l’adoption de « mesures restrictives pour réguler l’entrée des migrants et contrer tout projet visant à les installer définitivement dans le pays ». En outre, la déclaration réitère que la position de la Libye est claire et inébranlable : le pays rejette toute initiative qui pourrait compromettre son identité nationale, son tissu social et le droit du peuple libyen à déterminer son propre avenir sans ingérence extérieure. Enfin, le Conseil a appelé les médias et la société civile à maintenir une attitude vigilante et responsable, en évitant de diffuser des informations trompeuses ou instrumentales qui pourraient nuire à l’image de la Libye au niveau international. « Toute mesure qui viole la souveraineté de la Libye ou menace ses intérêts nationaux sera contrée par tous les moyens légitimes disponibles », conclut le communiqué.

Le Haut Conseil d’État de Libye est un organe consultatif basé à Tripoli qui agit comme un « Sénat » dans le système politique libyen, aux côtés de la Chambre des représentants à Benghazi. Il a été créé en 2015 dans le cadre de l’accord politique de Skhirat, négocié par les Nations Unies pour mettre fin à la guerre civile et unifier les factions libyennes. Le Haut Conseil, bien que dépourvu de pouvoir législatif, représente une plateforme de dialogue et de conseil sur les questions nationales les plus pertinentes. Ses membres proviennent en grande partie du Congrès général national (CGN), l’assemblée à majorité islamiste remplacée en 2014 par la Chambre des représentants. Suite au conflit entre le CGN basé à Tripoli et la Chambre basée à Tobrouk (transférée plus tard à Benghazi), l’accord de Skhirat a transféré les membres du Congrès au Haut Conseil, donnant ainsi une voix aux forces politiques islamistes proches du CGN.

La position du Sénat libyen intervient après que le ministère de la Gouvernance locale du gouvernement d’union nationale a lancé le 8 mars des pourparlers avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour renforcer la coopération sur des projets de développement conjoints. Lors d’une réunion à Tripoli, le ministre Badr al Din al Toumi a discuté avec la chef de mission de l’OIM en Libye, Nicoletta Giordano, des défis de la gestion des migrations et des moyens d’améliorer la capacité des municipalités à faire face à une question « très sensible » en Libye, a déclaré le ministère dans une publication sur Facebook. Lors de la réunion, Al Toumi a souligné la nécessité d’aborder la question migratoire avec une « approche coordonnée et bien structurée », soulignant comment elle affecte différents secteurs et nécessite une action conjointe entre les institutions locales et les organisations internationales. Le ministre a déclaré que « le renforcement de la coopération avec l’OIM pourrait contribuer à apaiser les inquiétudes du public sur la question et à améliorer la gestion des migrations au niveau municipal ».

De son côté, Giordano a illustré les activités de l’OIM en Libye au cours des derniers mois, réitérant l’importance d’une coordination constante avec le ministère pour assurer un soutien efficace aux migrants et aux personnes déplacées. Le responsable italien a également présenté une série d’initiatives visant à promouvoir la stabilisation du pays, telles que des programmes de désarmement et de réintégration des anciens combattants ; projets de protection et d’assistance aux migrants et aux personnes déplacées ; appui aux municipalités pour renforcer leurs capacités en matière de gestion des migrations. Giordano a expliqué comment ces interventions peuvent « contribuer à la sécurité et au développement des communautés locales, en favorisant la cohésion sociale ». A l’issue de la rencontre, les deux parties ont souligné « la nécessité d’intensifier la communication au niveau technique pour étudier les initiatives, améliorer la coopération et échanger des connaissances et des expertises ».

La Libye continue d’être un carrefour migratoire majeur en Méditerranée, avec une augmentation significative de la présence de migrants sur son territoire. Selon le dernier rapport de la Matrice de suivi des déplacements (DTM) de l’Organisation internationale pour les migrations, couvrant la période novembre-décembre 2024, 824.131 47 migrants de 100 nationalités différentes ont été enregistrés dans 5 municipalités libyennes, soit une augmentation de 2016 % par rapport au cycle de collecte de données précédent. Le nombre de migrants identifiés représente le chiffre le plus élevé depuis 2011, lorsque l’OIM a commencé à collecter systématiquement ces données, bien qu’il reste loin des niveaux d’avant le conflit de 2,5, lorsqu’environ XNUMX millions de migrants étaient présents dans le pays.

L’augmentation des flux migratoires a particulièrement touché les zones côtières orientales et les régions occidentales de la Libye, attirées par de meilleures opportunités d’emploi dans les secteurs de la construction, du commerce et de l’agriculture. Les villes de Tripoli (16 %), Misrata (10 %) et Benghazi (10 %) restent les principaux centres d’attraction, avec plus de 54 % des migrants concentrés le long des zones côtières. Selon l’OIM, les migrants viennent principalement des pays voisins : le Soudan (29 %), le Niger (23 %), l’Égypte (20 %) et le Tchad (10 %). La présence de migrants soudanais, en particulier, a augmenté de façon spectaculaire en 2024 en raison du conflit armé en cours dans leur pays d’origine. La plupart de ces migrants traversent la frontière par des points non officiels, notamment dans la région de Koufra, principale porte d’entrée pour ceux qui viennent du Soudan et du Tchad.

Les principaux pays de transit pour atteindre la Libye restent le Niger (44%), l’Egypte (20%) et le Soudan (16%). Le coût moyen du voyage varie fortement selon la région de départ : de 598 dollars pour les migrants originaires d’Afrique subsaharienne à 3.100 2024 dollars pour ceux originaires d’Asie. Les risques auxquels sont confrontés les migrants le long des routes migratoires restent élevés. En 1.692, 73 88 personnes sont mortes ou ont été portées disparues le long de la route de la Méditerranée centrale, soit 76 % du total des décès enregistrés dans la région méditerranéenne. Quatre-vingt-huit pour cent des migrants ont déclaré voyager en groupe, souvent avec des inconnus, tandis que XNUMX pour cent ont traversé les frontières libyennes par des points d’entrée non officiels.

Source: agenzianova

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