Lettre ouverte : À Mr Mohamed Ould Cheikh Ghazouani

Lettre ouverte : À Mr Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, Président de la Mauritanie
Lettre ouverte Paris le 11/02/2023

À Mr Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, Président de la Mauritanie
Excellence,
J’aurais souhaité m’adresser à vous dans des circonstances différentes, parce que l’actualité de ces derniers jours est ponctuée d’un fait divers macabre, d’une douloureuse affaire de droits de l’homme, de la liberté d’expression et du droit de manifester pacifiquement son désaccord.

Vous l’aurez compris, il s’agit de ce qu’on va appeler l’affaire Souvi Ould Cheine, arrêté par la police et décédé au commissariat de Dar Naïm où il a été mis en garde à vue. S’il est très tôt de se prononcer sur son assassinat par la police, les images de son corps largement partagées sur les réseaux sociaux montrent des lésions au niveau des membres et un écoulement nasal de sang. Il n’est pas habituel de voir le sang couler d’un cadavre non accidenté, une mort naturelle ne laisse pas ce type d’empreinte, nul besoin d’être un médecin légiste pour en arriver à cette conclusion.

Entre Mauritaniens, nous nous connaissons bien et nous savons à quel point certains éléments des forces de l’ordre peuvent faire preuve de cruauté. S’il fallait fournir des preuves, ce que l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz a appelé « passif humanitaire » au sujet du génocide commis sur les Haal Pulaar dans les années 80 et 90 du siècle dernier, reste un problème sans solution viable et une référence indéniable.

La mort de Souvi rappelle des méthodes qui ont servi à museler des militants dans d’autres pays. Si aux USA les policiers tuent des Noirs lors des arrestations, il y a certes un racisme institué, mais les contextes semblent différents, surtout lorsqu’on sait que l’Américain a le droit de posséder une arme. Cette violence légale pose un problème à la sécurité des policiers qui n’hésitent pas à tirer au moindre doute. Ce problème de port d’arme ne se pose pas en Mauritanie.

La mort de George Floyd, tué par strangulation en pleine rue par la police, avait déclenché des violences dans toute l’Amérique. Ceci n’est pas sans rappeler l’immolation par le feu du tunisien Mohamed Bouazizi et les conséquences sur la stabilité de la Tunisie. C’est à la suite de ce tragique fait divers que le Président Ben Ali, homme de renseignement expérimenté et qui tenait le pays par une main de fer depuis 1987 fut contraint à l’exil. C’est aussi ce mouvement de révolte des peuples qui a mis fin à l’interminable règne de l’égyptien Hosni Moubarak.

Excellence,
La famille de Souvi, l’ensemble des Mauritaniens épris de paix et de justice, sans doute tous les militants des droits humains du monde, observent la situation de près et attendent avec impatience que la lumière soit faite sur cet événement et que justice rendue. J’ose espérer que vous ferez le nécessaire pour que le citoyen mauritanien ne soit plus brutalisé dans les commissariats de police.

Excellence,
En tant que musulman, vous le savez plus que moi sinon autant, on n’a pas le droit de tuer des innocents, c’est écrit dans le Saint Coran. Vous portez la lourde responsabilité de garantir la justice pour tous les citoyens et vous rendrez compte devant Dieu, comme je le ferai au sujet de ces lignes que j’écris. Que cette vie éphémère ne nous écarte donc pas du droit chemin.

Excellence,
Notre pays a toujours connu la stabilité politique par la peur du gendarme. Le Mauritanien craint la police et il y a de quoi. Les faits sont là pour témoigner. Il viendra un jour, Dieu sait qui sera présent, où le peuple vaincra sa peur et prendra son destin en mains. Ce jour-là, seuls ceux qui n’ont pas de sang sur les mains circuleront librement dans les rues de Nouakchott. Les Autres, ceux qui se prenaient pour l’ange Azraél, raseront les murs avant de prendre la poudre d’escampette et s’exiler comme des apatrides.

Le peuple mauritanien, pacifiste par essence, patient et divisé, cherche depuis quelques années à se libérer du poids des injustices et des partialités qui accordent des faveurs à certains et usurpent les droits des autres. Il est préférable de l’aider à accomplir cette mission dans la paix, plutôt que de l’abandonner à lui-même. Le risque en est que la révolution s’opère toujours dans la douleur et au détriment de ceux qui sont aux commandes (Nicolas Caecescu, Samuel Do, Ben Ali…)

Il semble important que vous donniez des instructions fermes pour que les arrestations se fassent dans la légalité et que la torture soit interdite lors des gardes à vue.
Cordialement
Bacca

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