Les plantes halophiles sont-elles efficaces contre la dangereuse salinisation de la ville de Nouakchott ?
Les plantes halophiles sont-elles efficaces contre la dangereuse salinisation de la ville de Nouakchott ?
Une grande partie de la superficie de la ville de Nouakchott est soumise à une salinisation croissante. Certains de ses quartiers ont été construits sur des zones hautement salines (Sebkha). Les changements climatiques ont exacerbé la situation avec l’élévation du niveau de la mer et la salinisation accrue des zones littorales.
Les sols salins sont l’un des problèmes les plus graves rencontrés par les infrastructures (routes, ports, aéroports, industries, hôtels, hôpitaux, écoles ….) ainsi que les bâtiments et les habitations résidentielles et même les fermes agricoles.
Le degré de salinité varie considérablement selon les quartiers de Nouakchott en raison de l’influence différente des conditions hydrogéologiques, de l’environnement sédimentaire, du climat et des activités humaines.
Cette dégradation des sols est considérée comme une menace majeure pour cette ville ou du moins pour certains quartiers sous l’influence directe de deux phénomènes étroitement liés : la salinité des sols et la montée des eaux souterraines. Ce qui a conduit à l’abandon de certaines maisons et même de deux quartiers. Les effets négatifs de l’humidité sont perceptibles sur presque l’ensemble des bâtiments et des maisons résidentielles de ces quartiers. Parallèlement au problème de l’humidité, la salinité des parois humides peut également être observée visuellement. Ce qui contribue, dans une large mesure, à dégrader et à détruire progressivement des éléments structurels en particuliers et par la suite des bâtiments entiers.
La solution de ce grand problème nécessite plus d’efforts, en particulier la mise en œuvre d’un nouveau programme de recherche scientifique pour y faire face.
Heureusement, la salinisation et l’humidité dans ces bâtiments et leurs sols sont réversibles. L’utilisation de plantes halophiles semble une solution facile, rapide, peu coûteuse et peut-être efficace.
Au niveau de la Mauritanie, le Sesuvium portulastrum est l’halophyte idéale de par sa valeur économique, nutritionnelle et médicinale et de son grand intérêt au niveau environnemental, ainsi qu’une production de biomasse élevée, une grande tolérance aux facteurs biotiques (ravageurs et maladies) et abiotiques (sécheresse et salinité).
Consciente de la nécessité de contribuer à atténuer les conséquences de ce phénomène, une équipe de chercheurs mauritaniens sous la supervision de l’Institut Supérieur des Sciences de la Mer de l’Académie Navale a mené des recherches scientifiques préliminaires. Ces recherches se sont déroulées pendant cinq mois dans l’un des quartiers menacés de Nouakchott avec l’appui du projet Waca. Ce programme Waca est financé par la Banque Mondiale et mis en œuvre par le Ministère de l’Environnement.
Cette équipe scientifique a suivi l’évolution de certains paramètres physiques et chimiques, à savoir : humidité, Ph, conductivité, salinité et la teneur en solides dissous au niveau de quatre sites différents. Le premier échantillon du sédiment a été prélevé en février 2023 dans chacun de ces sites avant la plantation du Sesuvium. Par la suite, un prélèvement mensuel pour suivre l’évolution de ces paramètres a été assuré suivant le même protocole pendant les 5 mois de l’étude après la plantation.
La salinité est déterminée de deux façons. Elle est mesurée en lisant la conductivité électrique de l’eau (sédiment et eau distillée dans notre cas). Plus le niveau de sel est élevé, plus la conductivité est élevée. Les mesures de la salinité de l’eau sont exprimées en «milisiemens par centimètre» (mS / cm) ou parfois en «microsiemens par centimètre» (µS / cm). Elle est aussi mesurée directement.
L’équipe a noté que la conductivité du sol était très élevée en février, atteignant une valeur par exemple de 22,976 mS/cm au site n°2. Cette valeur a enregistré une chute brutale au mois de mars après la plantation de Sesuvium, où elle s’élève à 2,360 mS / cm soit près du dixième uniquement de la valeur initiale.
Pour confirmer ce résultat, des mesures directes de la salinité ont été également effectuées ; La salinité en PPT qui représente la quantité en grammes de sels secs dissous dans un kg d’eau a été de 13,882 PPT en février mais uniquement 1,228 PPT en mars pour le même site.
La diminution rapide des valeurs de ces deux indicateurs est principalement due à l’absorption du sel par la plante à partir du sol.
En général, la salinité aux quatre sites a continué de diminuer au cours de la période restante de l’étude, mais à un rythme plus lent.
Il ne fait aucun doute que ces résultats préliminaires sont d’une grande importance dans le contexte de la salinisation continue de vastes zones de Nouakchott. La salinisation est considérée comme une cause majeure de l’apparition de fissures dans les bâtiments et les maisons résidentielles des quartiers touchés. Ce qui constitue désormais un danger pour leurs occupants. Ce phénomène est aussi très coûteux en raison des interventions et réparations continues presque tout au long de l’année, sur demande de ces citoyens.
Avec ces résultats scientifiques, la voie a-t-elle été ouverte à la généralisation de la plantation du Sesuvium au niveau de la ville de Nouakchott et cette plante pourrait-elle atténuer les effets de la salinité sur les habitations et les infrastructures touchées ?
Des études scientifiques et des expériences dans de nombreuses régions du monde, qui font face au même phénomène de salinisation, ont prouvé que la culture des plantes halophiles est la meilleure option pour lutter contre la salinité. Elle apporte, par ailleurs, de nombreuses autres vertus et avantages.
Malgré les difficultés liées à des défis scientifiques (nous avons besoin de plus de recherche pour élargir les thématiques à traiter) et à des aspects opérationnels (forte augmentation de la salinité des sols dans certains quartiers ou le manque de pépinières), nous souhaitons attirer l’attention des personnes concernées et des décideurs sur l’importance de cultiver des plantes salines, en particulier le Sesuvium qui est arrosée une fois dans ce cas. Nous considérons que les chances de succès et de diffusion de cette technique simple l’emportent de loin sur les probabilités d’échec si des précautions simples, faciles et peu coûteuses sont prises en compte. La technologie disait un ancien directeur de l’Unesco est la Science devenue culture.
Dr Mahfoudh Taleb