« Les enfants ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas avec leur papa » : Amy, séparé de son mari aux Canaries

Marlène Panara Publié le : 20/06/2024 dans Infomigrants
Après une périlleuse traversée de l’océan Atlantique, Amy et sa famille ont atteint l’archipel des Canaries. Mais peu après leur arrivée, la famille originaire du Sénégal est séparée, le temps d’effectuer des tests de paternité. Une séparation très difficile pour les trois enfants du couple. Témoignage.

Amy* a pris la mer en Mauritanie pour les Canaries il y a trois mois. Après une périlleuse et difficile traversée, qu’elle ne souhaite pas évoquer, la jeune Sénégalaise, débarque à El Hierro, à l’ouest des Canaries, avec sa petite sœur, son mari et leurs trois enfants de 9, 5 et 1 an et demi. Elle attend, depuis, d’être transférée avec sa famille sur le continent européen.
« Après un mois à El Hierro, on a tous été emmenés à Las Palmas [sur l’île de Grande Canarie, ndlr]. C’est là que mon mari et moi avons été séparés. Avec les enfants et ma sœur, on vit dans le centre géré par Cruz Blanca. Mon mari, lui, est dans celui de la Croix-Rouge. Les deux structures sont séparées par un grillage.

La journée, on peut sortir, alors on se voit dans un petit parc dehors. C’est la seule façon d’être ensemble, car quand on se parle à travers le grillage, les gens du centre nous disent d’arrêter, que c’est interdit.

C’est très difficile de ne pas être ensemble dans le centre. Les enfants ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas avec leur papa le soir, ou quand ils vont se coucher. Ils n’ont pas l’habitude.

Une fois aux Canaries, les familles sont soumises à des tests ADN pour vérifier leur lien de parenté, d’après la Croix-Rouge espagnole. Le but : vérifier que les mineurs voyagent bien avec des membres de leur famille. Si un enfant voyage avec une autre personne que ses parents, des exceptions peuvent être faites, avec l’aide d’un assistant social. Ces procédures peuvent prendre plusieurs semaines.

J’ai fait une demande de regroupement familial. J’ai tout raconté à l’assistante sociale, on a fait un dossier, et des tests ADN. Mais depuis, je n’ai aucune réponse. On me demande aussi de prouver que ma sœur est bien ma sœur. En plus des tests ADN, j’ai donné des photos de ses fêtes d’anniversaire. J’espère qu’on va nous croire.

« Fuir mon père violent »

On ne s’attendait pas à ça, car on est arrivé ensemble. Avant de venir ici, on vivait tous dans la même maison en Mauritanie. J’ai quitté le Sénégal avec mon mari en 2018, pour fuir mon père violent. J’ai pris ma petite sœur avec moi, pour nous sauver.

InfoMigrants recueille régulièrement des témoignages de femmes migrantes ayant quitté leur pays pour fuir un entourage familial violent. Marie, une Ivoirienne de 22 ans, a fui la Côte d’Ivoire et sa famille musulmane, qui voulait la contraindre à un mariage forcé et à une mutilation génitale. « J’ai même eu peur qu’ils me tuent si je persistais dans ma relation avec un non musulman », avait-elle raconté.
En Mauritanie, la vie n’était pas trop difficile, mais je voulais une autre éducation pour mes enfants. Je veux qu’ils fassent des études en français, c’est mieux pour leur avenir. Moi je ne voulais pas prendre la mer, mais on n’avait pas d’autres solutions pour aller en Europe. Et rentrer au Sénégal, c’était hors de question. C’est trop dangereux pour moi et ma famille.

« Je suis fatiguée »
Le temps est si long ici. Je m’inquiète, j’ai peur qu’on soit séparés encore longtemps. Quand je demande des nouvelles de mon dossier, on me dit à chaque fois : ‘Il faut attendre’, ‘on vous tiendra au courant’. Je suis fatiguée.
Et pendant ce temps, mes enfants ne vont pas à l’école. Ils jouent parfois avec les autres dans le centre, mais ils s’ennuient quand même un peu, on fait toujours la même chose.

Parfois, je me mets dans un coin et je pleure. Je regrette, je me dis que je n’aurais jamais dû venir ici. Et puis je sèche mes larmes, et je me dis que ça va aller ».

*Le prénom a été modifié

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